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agaçant comme un roman policier inachevé. Et<br />

nous nous retrouvons devant notre question du<br />

début : pour-quoi Schubert a-t-il laissé inachevé<br />

un mouvement si prometteur ?<br />

Nous ne <strong>le</strong> saurons jamais ; mais une autre réponse<br />

possib<strong>le</strong> serait : peut-être que <strong>le</strong>s thèmes de ce<br />

fina<strong>le</strong> lui ont paru trop banals par rapport à la profondeur<br />

de contenu des premiers mouvements. Cela<br />

n’étonnerait pas de la part de l’autocritique si acerbe<br />

de Schubert. Les thèmes amenès jusqu’ici ne sont<br />

certes pas banals, mais il est de fait que <strong>le</strong>ur force<br />

d’expression et <strong>le</strong>ur contenu mélodique n’atteignent<br />

pas ceux des premiers mouvements. Mais c’est justement<br />

ce qu’il faut ! Sur <strong>le</strong> plan global de l’œuvre, il<br />

serait complètement faux de répéter peu ou prou <strong>le</strong><br />

contenu du premier mouvement dans <strong>le</strong> fina<strong>le</strong>.<br />

Dans <strong>le</strong> sens de la conception classique, <strong>le</strong> dernier<br />

mouvement devait au contraire représenter un relâchement<br />

des tensions, un dépassement du tragique<br />

du deuxième mou-vement, comme un retour dans<br />

la “vie active”. Com-bien de fois, à l’époque classique,<br />

<strong>le</strong>s derniers mouvements sont-ils plus légers<br />

que <strong>le</strong>s premiers ! On pourrait en donner pour<br />

exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> Quintette à cordes en Sol mineur de<br />

Mozart, de nombreuses œuvres de Beethoven et<br />

bien sûr la dernière Sonate pour piano de Schubert.<br />

Mais que faire de ce fragment ? Dans son enregistrement,<br />

Sviatoslav Richter joua aussi <strong>le</strong>s mouvements<br />

inachevés, s’arrêtant abruptement là ou la partition<br />

finissait. C’était insatisfaisant dans la mesure où on<br />

avait l’impression que l’interprète, et non <strong>le</strong> compositeur,<br />

s’interrompait comme par mauvaise humeur.<br />

La plupart des pianistes (par exemp<strong>le</strong> Alfred<br />

Brendel) laissent simp<strong>le</strong>ment de côté <strong>le</strong>s mouve-<br />

94<br />

ments inachevés. C’est sans doute préférab<strong>le</strong>, mais,<br />

pour <strong>le</strong>s raisons indiquées précédemment, on n’a<br />

pas pour autant, psychologiquement, l’impression<br />

d’achèvement que donne la Symphonie inachevée.<br />

Une troisième solution est pensab<strong>le</strong>, cel<strong>le</strong> d’essayer,<br />

<strong>le</strong> mieux possib<strong>le</strong>, de terminer <strong>le</strong>s fragments de<br />

Schubert. Presque personne aujourd’hui ne préférerait<br />

renoncer au Requiem de Mozart, ou l’entendre<br />

comme simp<strong>le</strong> fragment. D’ail<strong>le</strong>urs, la Sonate en<br />

Ut majeur de Schubert était à un stade beaucoup<br />

plus avancé. Malheureusement, <strong>le</strong>s essais de reconstitution,<br />

dont <strong>le</strong> plus important fut celui d’Ernst<br />

Krˇenek, furent jusqu’ici insatisfaisants parce qu’on<br />

sentait trop bien où s’arrêtait Schubert et où commençait<br />

x ou y. En 1967, j’ai eu la hardiesse d’entreprendre<br />

ma propre reconstitution, qui essaie de<br />

rester dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> de Schubert. De toute évidence,<br />

il fallait que reviennent, dans <strong>le</strong> développement de<br />

ce dernier mouvement, <strong>le</strong>s accents graves et même<br />

tragiques du premier mouvement, si l’on ne voulait<br />

pas que tout <strong>le</strong> fina<strong>le</strong> ait l’air postiche. On peut trouver<br />

des modè<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s trois dernières Sonates<br />

ainsi que dans la grande Symphonie en Ut majeur.<br />

Comme dans ces exemp<strong>le</strong>s, il fallait encore donner<br />

à la fin du développement un point culminant d’intensité<br />

sonore, qui ne pourrait être réatteint ou dépassé<br />

qu’en fin de mouvement. Pour un travail thématique,<br />

on pouvait imaginer <strong>le</strong>s motifs du thème<br />

initial, qui, à la deuxième page, donne lui-même lieu<br />

à un petit développement. En partant de là, et en<br />

m’aidant du développement “orchestral” du premier<br />

mouvement, j’ai fait intervenir des enchaînements<br />

harmoniques analogues. Ce n’est qu’en fin de développement<br />

que <strong>le</strong> deuxième thème prend aussi la

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