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éalisation qu’on peut y reconnaître un apogée<br />

provisoire dans l’œuvre de Schubert.<br />

Une autre comparaison s’impose, avec une<br />

œuvre composée deux ans auparavant : l’Inachevée,<br />

en fait “la plus achevée”, ou qui mérite en tout cas <strong>le</strong><br />

même rang que la grande Symphonie en Ut<br />

majeur. Son titre vient du fait que, contrairement<br />

aux quatre mouvements habituels, el<strong>le</strong> n’en a que<br />

deux. On sait que Schubert essaya d’écrire un troisième<br />

mouvement, un Scherzo en Si majeur, mais<br />

qu’il reconnut très vite lui-même que cela « n’allait<br />

pas ». il laissa <strong>le</strong> Scherzo inachevé, en arracha la<br />

deuxième page (retrouvée seu<strong>le</strong>ment de nos jours ;<br />

il dut laisser la première, parce qu’el<strong>le</strong> était au dos de<br />

la dernière page de l’Andante), et envoya à Graz <strong>le</strong>s<br />

mouvements précédents, dont la partition était<br />

complète, pour remercier d’avoir été nommé<br />

membre d’honneur de la Société de Musique de<br />

cette vil<strong>le</strong>. Hans Gal a très bien montré, dans son<br />

livre Schubert ou la Mélodie (Frankfurt 1970), que ce<br />

Scherzo inachevé n’est pas à la hauteur des mouvements<br />

qui précèdent. Et la « faute » n’est pas à un<br />

Schubert qui n’aurait pas su trouver la suite adéquate<br />

: la raison est dans <strong>le</strong> matériau de l’œuvre<br />

même ; <strong>le</strong>s deux premiers mouvements représentent<br />

un coup<strong>le</strong> thèse-antithèse parfait, il n’y a plus rien à<br />

dire après cela, même quand on a <strong>le</strong> génie de<br />

Schubert. La teneur présente une étroite parenté<br />

avec cel<strong>le</strong> de la dernière Sonate de Beethoven opus<br />

111. « Souffrance et rédemption » ou « Mort et transfiguration<br />

». L’œuvre échappe à tout “contrô<strong>le</strong>”.<br />

Frank Martin a dit quelque chose de profond sur ce<br />

problème : « … à partir d’une trouvail<strong>le</strong> première ou<br />

d’une décision volontaire de faire tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> chose,<br />

92<br />

l’œuvre ensuite se développe en quelque sorte d’el<strong>le</strong>même,<br />

comme un organisme qui croît, sans que la<br />

volonté de l’auteur puisse intervenir autrement que<br />

cel<strong>le</strong> de l’arboriculteur qui “conduit” son pommier<br />

et lui donne la forme désirée » 4 . Dans l’Inachevée,<br />

tout comme dans l’opus 111 de Beethoven, « tout est<br />

dit ». Mais justement, de ce point de vue, la différence<br />

avec la Sonate « Reliquie » D 840 est essentiel<strong>le</strong><br />

: ici, <strong>le</strong> premier mouvement évolue de la méditation<br />

mystique jusqu’à une lumière rayonnante. Le<br />

deuxième mouvement est un fond d’obscurité qui<br />

s’achève, dans une tristesse noire, presque note pour<br />

note comme la fin tragique du premier mouvement<br />

de la future Sonate en Ut mineur D 958. En<br />

rester là, ce serait renier <strong>le</strong> premier mouvement. Les<br />

mouvements <strong>le</strong>nts et tristes au sein d’œuvres sereines<br />

existaient déjà couramment avant Schubert,<br />

qu’on pense seu<strong>le</strong>ment au Concerto pour piano en<br />

La majeur K 488 de Mozart ou au Largo e mesto de la<br />

Sonate pour piano de Beethoven opus 10/iii. Mais<br />

dans toutes ces œuvres, il « se passe » encore<br />

quelque chose après, au moins une tentative pour<br />

surmonter <strong>le</strong> désespoir. Et c’est justement ce que<br />

Schubert a parfaitement réussi dans <strong>le</strong> troisième<br />

mouvement, presque achevé, de cette Sonate. Un<br />

début de menuet, doux, “réconfortant”, d’abord en<br />

teintes mates. Rien que la tonalité, <strong>le</strong> “sombre” La<br />

bémol majeur, parent avec l’Ut mineur du deuxième<br />

mouvement, est parfaitement choisi. Mais au lieu de<br />

la répétition attendue de la “douce” première<br />

phrase, il se passe quelque chose de fou, d’inouï, de<br />

4 Frank Martin, « L’expérience créatrice » in : Un Compositeur<br />

médite sur son Art, Neuchâtel 1976, pp. 43-48 (Bul<strong>le</strong>tin n. 15 de<br />

la Société Frank Martin, Lausanne, octobre 1993).

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