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Mémoire sur SIMENON 2

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Il était tentant, dans ces conditions, de faire une approche du héros simenonien et de<br />

l’atmosphère de crise que son créateur instaure autour de lui en étudiant des romans de<br />

ces diverses périodes. J’ai préféré au contraire me focaliser <strong>sur</strong> la « période Gallimard »<br />

de son œuvre, après un premier resserrement du corpus qui m’a incité à mettre hors<br />

champ les Maigret : ce dernier, ainsi que l’a expliqué Simenon, est un « meneur de<br />

jeu », un témoin et un révélateur d’une crise auquel il met fin en tant que policier – bien<br />

que pourvu d’une grande faculté d’empathie pour les drames auquel il assiste, il y reste<br />

extérieur, en dépit de son statut de personnage principal. Je n’ai pas choisi la période<br />

Gallimard par paresse, ou méconnaissance de l’œuvre ; mais, outre que cette période<br />

couvre onze années de création simenonienne (de 1934 à 1945 ; seule La Neige était<br />

sale, publié en 1947, fait figure d’exception), elle correspond à une période de<br />

défrichage ambitieuse de la part de Simenon <strong>sur</strong> ce que le roman, son type de roman,<br />

peut suggérer de l’existence d’un personnage présenté comme un être humain type ; de<br />

là une extraordinaire variété de questionnement. Ayant tourné le dos au roman<br />

populaire, la figure de Maigret provisoirement mise au rancart (il reprendra les<br />

aventures du commissaire sous l’Occupation et sous la pression de Gaston Gallimard), il<br />

se permet plusieurs « exercices de style », au cours desquels il teste ses capacités à<br />

transcender une forme. Il réécrit dans Les Pitard (1934) et Long cours (1936) le roman<br />

d’aventures maritimes, montre les limites d’un certain roman exotique avec Les Clients<br />

d’Avrenos (1935) qu’il fait se dérouler en Turquie, essaye divers types de huis clos<br />

familiaux subissant l’oppression de décors et de vies radicalement différentes, depuis les<br />

fermiers de La Veuve Couderc ou du Rapport du gendarme jusqu’aux terribles sœurs<br />

Lacroix se disputant l’hôtel particulier et son propriétaire 30 , en passant par les familles<br />

en pleine déliquescence d’Oncle Charles s’est enfermé (1940) ou de Chez Krull (1939).<br />

Mais il prend également le contre-pied de ces atmosphères oppressantes par des romans<br />

plus longs, plus polyphoniques, par le biais des chroniques familiales du Testament<br />

Donadieu (1937) ou du Voyageur de la Toussaint (1941) – lesquels annoncent Pedigree<br />

(1948), sa fresque ambitieuse et partiellement autobiographique du Liège du début du<br />

siècle. On peut même, à partir de 1941, voir s’esquisser un Simenon optimiste et<br />

souriant, débarrassé des lourdes fatalités – ce qui a pour résultat La Maison des sept<br />

jeunes filles (1942) ou des nouvelles comme Annette et la Dame blonde, Le Bateau<br />

d’Emile, L’Enquête de mademoiselle Doche… La période Gallimard voit également<br />

l’émergence d’un questionnement formel portant <strong>sur</strong> le cadre même du roman, dont<br />

30 Les Sœurs Lacroix a été publié en 1939.<br />

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