Mémoire sur SIMENON 2
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(adéquation au réel ; puis événement imprévu, basculement du héros dans un univers<br />
incompréhensible ; enfin, retour à la normale) ; L’Homme qui regardait passer les<br />
trains et La Neige était sale rendent compte de ses implications thématiques, voire<br />
morales et philosophiques, La Veuve Couderc, enfin, de l’aspect tragique du roman-<br />
crise, lorsque le personnage échoue à se ressaisir du monde qui l’entoure et se précipite<br />
dans le crime. Le Voyageur de la Toussaint est un peu une exception, non seulement<br />
parce qu’il évacue le choc initial et fait commencer la crise in medias res (comme dans<br />
L’Evadé [1936]), offrant dès lors une facette inattendue du talent de Simenon, mais<br />
aussi parce qu’il s’apparente à une sorte de Bildungsroman à la française : l’on y voit un<br />
jeune homme, naguère ingénu et ignorant des réalités du monde, faire son éducation à<br />
travers une série d’événements plus ou moins dramatiques. L’exemple du Voyageur<br />
montre bien que le roman-crise, loin d’être une forme sclérosée et étroite, ouvre son<br />
créateur à une infinité de variations littéraires – voire aide à la reviviscence de modèles<br />
romanesques éprouvés.<br />
A travers ces multiples « exercices de style », se dessine la capacité extraordinaire<br />
que possède Simenon de renouveler personnages, décors et intrigue sans jamais sortir<br />
d’un cadre romanesque typé (qui n’est, justement, qu’un cadre, le canevas des mille et<br />
une variations que tisse l’auteur), ni cesser de questionner le personnage dans sa<br />
complexité, sa capacité de réagir aux événements. Tel est le paradoxe que je tâcherai ici<br />
d’élucider, en essayant de définir ce roman-crise dont Simenon s’est fait l’« artisan », en<br />
en détaillant les principales caractéristiques, puis en essayant de déterminer les effets<br />
physiques et psychologiques <strong>sur</strong> le héros, <strong>sur</strong> son éthique profonde (nombre d’œuvres de<br />
Simenon tissent des variations autour, précisément, de l’attrait du mal, de la<br />
connaissance suprême du monde qu’il paraît offrir à ceux qui y tombent). Dans un<br />
dernier temps, j’étudierai les conséquences finales de la crise <strong>sur</strong> le personnage,<br />
notamment à travers l’échec de sa « libération ». Ce travail offre donc trois temps, qui<br />
ne sont pas autre chose que les trois apex de la crise chez le personnage simenonien.<br />
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