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Mémoire sur SIMENON 2

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simple, du fait même du questionnement, du soupçon qu’il fait peser <strong>sur</strong> le réel qui<br />

entoure son personnage. Endossant le point de vue de ce dernier (et même, littéralement,<br />

sa « peau »), l’auteur se ferme à une mise en perspective philosophique ou historique et<br />

semble se condamner à la restitution presque clinique d’un « cas » parmi d’autres : celui<br />

d’un homme que la crise déconnecte brutalement du réel, et qui tente de réinstaurer, par<br />

le biais de ses sens, le jeu libéré de son propre instinct, une communication. Or ce<br />

monde, que la sensation rend présent au personnage comme au lecteur, par le biais<br />

d’infimes notations, de parallèles ténus entre le passé et le présent, s’avère en fin de<br />

compte, quoique d’une lourdeur menaçante, étrangement inconsistant : des détails d’une<br />

précision extrême, commentés et problématisés par la conscience même du protagoniste,<br />

émergent un instant, avant de retourner dans une sorte de brume indistincte. Quant à la<br />

réaction du personnage face à la crise, loin de se traduire par des actes immédiats, par<br />

une décision et une volonté continues, elle reste le plus souvent latente, cantonnée à une<br />

série d’obsessions mentales, de bribes de pensées inquiètes (et les romans de Simenon<br />

sont littéralement hachés par ces bribes qui évoquent parfois, de troublante façon, le<br />

stream of consciousness cher à Virginia Woolf). Le réel est ressaisi, certes, mais de<br />

manière discontinue, éparpillée, presque illogique – comme si le héros ne parvenait pas<br />

à comprendre le monde et se contentait, au contraire, de le subir. Simenon semble donc<br />

moins un « romancier du réel » qu’un romancier de l’« expérience du réel » –<br />

expérience effectuée par le personnage au cours de sa propre remise en cause – le<br />

réduisant, avec minutie, à l’optique d’une « destinée particulière » ; et la crise, plus<br />

qu’un moyen de réflexion morale et philosophique, se cantonne très souvent à un choc<br />

qui cristallise, brusquement, cette destinée et la rend évidente aux yeux du lecteur.<br />

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