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Mémoire sur SIMENON 2

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A quoi est dû ce consentement à ce que « le mal coure » ? 78 Précisément à<br />

l’utilisation limitée de la « disponibilité » telle que le personnage la pratique, une fois<br />

sauté le couvercle des apparences. Passé le moment-choc de la crise, souvent tout se<br />

déroule comme si la « perspective neuve », que souhaitait le personnage de Bergelon,<br />

s’avérait en réalité trop large pour les possibilités de ce dernier. Tout est possible, mais<br />

alors que le lecteur attendrait que le protagoniste, par sa volonté, organise ce paysage<br />

trop vaste, il se contente, trop fréquemment, d’emprunter le premier chemin venu. Dès<br />

lors, apparaît clairement aux yeux du lecteur le revers de cette connaissance par la<br />

sensation telle que le héros la pratique : elle saisit le monde dans son immédiateté,<br />

annule les schémas prédéterminés qui ont fait le lit de l’existence du personnage, mais<br />

elle ne propose pas de visée morale particulière. C’est, précisément, ce que Bernard de<br />

Fallois, le premier à avoir consacré un volume critique à l’œuvre de Simenon, a<br />

exprime dans son essai <strong>sur</strong> l’auteur : « Au lieu de figurer les divers chemins de la vie –<br />

morne ou exaltée, volontaire ou passive – il s’agit [pour le héros simenonien] d’en<br />

choisir un au hasard et d’aller le plus vite possible jusqu’au bout. » 79 Qu’importe si le<br />

chemin passe par le meurtre, le vol ou toute autre manifestation ouvertement<br />

maléfique : guidé – aveuglé parfois – par ses seules pulsions ou intuitions, l’esprit<br />

rempli jusqu’à la nausée de sensations et bribes de souvenirs du passé (qui se<br />

rapportent, le plus souvent, à une scène initiale, qu’elle soit heureuse ou traumatique),<br />

il perd toute notion morale au nom d’une « destinée » à accomplir. Il devient, selon le<br />

beau mot de Gide, un « être mené » 80 . Emporté, même : Frank Friedmaier vers la mort<br />

d’un prisonnier de guerre (La Neige était sale), Kees Popinga vers la folie (L’Homme<br />

qui regardait passer les trains). Si, par hasard, leur itinéraire passe par le mal (à faire<br />

ou à subir), ils le suivent comme un train suivrait des rails, avec une sorte de<br />

détachement ironique dont l’exemple le plus extrême est offert par le personnage de<br />

Friedmaier.<br />

2.2. L’échec de l’acceptation du mal : L’Homme qui regardait passer les trains.<br />

Il est toutefois intéressant de noter que la définition que Gide donne des<br />

personnages simenoniens intervient au moment où, après plusieurs années de lecture<br />

78 La pièce de Jacques Audiberti et l’idée qui y est développée – à savoir que la connaissance du mal<br />

passe par son épreuve, par une soumission de l’être au bout de laquelle on peut espérer pouvoir le<br />

maîtriser – ne trouvent pas de meilleure illustration que certains héros de Simenon.<br />

79 B. de Fallois, Simenon, Gallimard, NRF, « La Bibliothèque Idéale », 1961, p.71.<br />

80 Lettre du 11 décembre 1944 d’A. Gide à G. Simenon, in …sans trop de pudeur, p.69.<br />

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