Les clefs des Portes de demain - Le chasseur abstrait
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par là ; j'ai bien écrit, parfois, <strong><strong>de</strong>s</strong> vers qui m'arrachaient le coeur - mais était-ce seulement <strong><strong>de</strong>s</strong> vers ? N'étaitce<br />
pas plutôt le bafouillement risible d'un primaire sans expérience ?<br />
Cela rejoignait un <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers conseils qu'un "maton" m'a prodigué en arrivant : "Perds pas ton temps. Te<br />
laisse pas aller et n'écoute pas les autres. <strong>Le</strong> mieux que t'as à faire, c'est d'étudier. Si tu ne sais pas bien lire<br />
ou écrire, tu peux apprendre. Si t'as pas ton certif, tu peux même le passer."<br />
Je n'avais absolument pas envie <strong>de</strong> l'écouter mais, au fond, <strong>de</strong> sa part, c'était sympa. Je crois bien qu'il avait<br />
bougrement raison.<br />
9 h. 1/4. Cliquetis - clef - porte.<br />
- Qui va à la messe ?<br />
Je me porte volontaire, bien entendu.<br />
Porte - clef - cliquetis...<br />
Dimanche !<br />
27 mars<br />
28 mars<br />
Dès le réveil, <strong><strong>de</strong>s</strong> coups métalliques résonnent dans tout l'établissement : les matons effectuent une fouille<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> cellules et tapent sur les barreaux <strong><strong>de</strong>s</strong> fenêtres afin <strong>de</strong> vérifier s'ils sont toujours parfaitement scellés.<br />
Messe. Répétition <strong><strong>de</strong>s</strong> chants qu'un imbécile singe. Je suis surpris <strong>de</strong> sa transformation au fur et à mesure<br />
<strong>de</strong> l'office ainsi que du recueillement, du moins apparent, <strong>de</strong> tous ceux qui y participent. Je lis l'épître et le<br />
psaume. A la sortie, l’aumônier m'adresse quelques mots <strong>de</strong> bienvenue en essayant <strong>de</strong> me consoler un peu...<br />
<strong>Le</strong> menu, midi et soir - disons plutôt matin et après midi - est amélioré et presque potable mais, à 17<br />
heures, nous avons terminé <strong>de</strong> souper : il reste presque 14 heures avant la sonnerie du réveil, <strong>de</strong>main matin !<br />
*****<br />
La journée fut bien occupée car je démarre en flèche. J'ai <strong>de</strong>mandé à compulser la liste <strong><strong>de</strong>s</strong> livres<br />
disponibles à la bibliothèque et j'ai essayé <strong>de</strong> trier, en éliminant les policiers, les romans d'espionnage ou <strong>de</strong><br />
science fiction, les livres qui pourraient m'apporter quelque chose <strong>de</strong> valable. Il y en a pas mal et qui traitent<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> sujets les plus divers. Je crois que je vais attraper une indigestion <strong>de</strong> lecture.<br />
Je me suis renseigné également sur les cours que je pourrais suivre. Ceux donnés dans l’enceinte <strong>de</strong> la<br />
prison concerne les illettrés, ou presque. Par contre, il existe <strong><strong>de</strong>s</strong> cours par correspondance par un organisme<br />
d'état et <strong><strong>de</strong>s</strong> professeurs bénévoles. Je me suis inscrit. On verra bien.<br />
Maintenant, j'essaye <strong>de</strong> m'organiser car la vie à trois, dans une aussi petite cellule, par surcroît froi<strong>de</strong> et<br />
humi<strong>de</strong> même si, <strong>de</strong>hors, il fait chaud et sec, est atroce. Je comprends qu'on parle du malaise <strong><strong>de</strong>s</strong> prisons et <strong>de</strong><br />
leur surpeuplement. Une telle claustration, physiquement, psychiquement et même moralement, semble<br />
inhumaine.<br />
Nous disposons, dans notre cellule N° 4, <strong>de</strong> 4 m2 28 soit, environ, 2 m 05 m sur 2 m 05 moins 0,40 <strong>de</strong><br />
table, pour y vivre à trois, 23 heures sur 24. Il faut encore déduire, <strong>de</strong> cet espace, l'emplacement <strong><strong>de</strong>s</strong> balais, <strong>de</strong><br />
la poubelle, du seau (éventuel), <strong><strong>de</strong>s</strong> latrines et <strong>de</strong> la gamelle à désinfectant. De plus, dès 18h30 (17h30 les<br />
dimanches et jours fériés), le troisième tire et déplie son lit car il n'y a que <strong>de</strong>ux lits installés en permanence,<br />
l'un au <strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>de</strong> l'autre. Il nous reste donc, 12h sur 24 ou 13h sur 24 les jours fériés, un espace <strong>de</strong> 4 m2 28<br />
moins 1 m2 09 (le lit), soit 3 m2 19 ou une moyenne <strong>de</strong> 2m sur 1 m 50.<br />
J'avais du mal à comprendre l'attitu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> détenus plus anciens que j'ai côtoyés en promena<strong>de</strong>, leur<br />
nervosité, leur irritabilité non seulement vis à vis <strong>de</strong> l'administration mais, souvent, l'un vis à vis <strong>de</strong> l'autre, les<br />
clans, les jalousies, les haines latentes ou extériorisées au sein <strong>de</strong> chaque cellule. J'attribuais cela à leur<br />
éducation spéciale <strong>de</strong> soi disant truands.<br />
C'était une erreur car l'adversité sou<strong>de</strong>. <strong>Le</strong> contraire aurait dû se produire.<br />
Cet état déplorable est, presque en totalité, le résultat <strong>de</strong> la promiscuité d'une cohabitation inhumaine et<br />
déprimante.