Les clefs des Portes de demain - Le chasseur abstrait
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chevalier d'industrie ; Michel Grivelot, tristement soupçonné d'un viol qu'il n'a même pas eu le plaisir <strong>de</strong><br />
commettre.<br />
- Mon pauvre, me dit-il, compatissant. C'est donc toi le plus à plaindre. Rien n'est plus dangereux que<br />
d'être innocent. Ils vont se couper en quatre pour prouver que tu es coupable. Je te souhaite qu'ils n'y<br />
arrivent pas mais, <strong>de</strong> toute façon - je ne veux pas te démoraliser -, ces messieurs prendront leur temps. Bon<br />
sang, dans ces cas là, que c'est long !<br />
*****<br />
<strong>Le</strong> matin, un maton rondouillard gentillet avec qui nous sympathisons, se penche vers Jean et murmure :<br />
"Mazette ! Si vous aviez vu ses bagues, son bracelet, sa montre, ses bijoux ! Un véritable trésor ambulant !"<br />
*****<br />
L'après midi, il nous enseigna l'art et la manière d'appâter, <strong>de</strong> mettre au boulot et <strong>de</strong> contrôler un bétail<br />
humain qui rapporte : 4 à 5 filles, pas plus. Il faut "embobiner" successivement chaque fille choisie pour sa<br />
beauté et sa pauvreté en lui faisant miroiter une vie <strong>de</strong> luxe (grands restaurants, hôtels <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> classe,<br />
toilettes, bijoux) et en lui promettant le mariage "lorsqu'on aura fait suffisamment d'économies pour acheter<br />
un bar somptueux et rentable" et "se caser" ainsi tous <strong>de</strong>ux. Pour économiser, une passe, <strong>de</strong>ux passes... Elles<br />
sont alors prises dans l'engrenage et ne peuvent plus en sortir.<br />
<strong>Le</strong> même scénario se répète quatre ou cinq fois, chaque fille se croyant la favorite et surveillant, <strong>de</strong> ce fait,<br />
les autres qui, pense-t-elle, travaillent, sans le savoir, pour elle. Il vit, dit-il, comme un pacha, avec quatre<br />
filles dont une petite, fine mais jalouse, qu'il préfère et une gran<strong>de</strong> brune aux yeux verts en qui il a toute<br />
confiance. C'est elle qui lui enverra les mandats et le fera sortir.<br />
Je suis écoeuré mais ne le montre pas. C'est purement dégueulasse et mérite, je crois, la pire <strong><strong>de</strong>s</strong> punitions<br />
pour le pire <strong><strong>de</strong>s</strong> crimes.<br />
7 mai<br />
Hier soir, Jacky et Jean qui se sentent <strong><strong>de</strong>s</strong> affinités, ont mo<strong>de</strong>lé <strong><strong>de</strong>s</strong> pièces avec <strong>de</strong> la mie <strong>de</strong> pain et se sont<br />
mis à jouer au poker. Après avoir essayé d'assimiler les paire, brelan, quinte, full et carré, je me suis mêlé à<br />
leurs parties.<br />
Comble <strong>de</strong> stupéfaction, j'ai gagné souvent, très souvent, trop souvent même. Jean, <strong>de</strong> plus en plus furieux,<br />
perdait régulièrement. Je suis presque certain que Jacky s'était aperçu <strong>de</strong> sa mauvaise humeur et s'arrangeait<br />
pour que je gagne sans que je puisse comprendre comment. <strong>Le</strong> couvre feu est arrivé à point car Jean, à bout<br />
<strong>de</strong> nerf, en tremblait <strong>de</strong> rage.<br />
*****<br />
Comme nous sommes vendredi, jour <strong>de</strong> cantine, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce qu'il est possible d'obtenir et passe une<br />
comman<strong>de</strong> qui stupéfie le maton. Ne vous en faites pas, les gars, profitons en tous les trois ; quand le pécule<br />
sera fondu, ma gran<strong>de</strong> brune le regonflera.<br />
*****<br />
14h30. Parloir. Maman arrive tout sourire. Elle se veut rassurante. Elle ne manque pas <strong>de</strong> travail, tout au<br />
contraire. A part un léger emphysème, elle se porte bien. Elle me signale qu'elle m'a envoyé un mandat <strong>de</strong> 200<br />
francs. Bien entendu, tout en pensant le contraire, je lui dis que cela n'est pas indispensable et que je peux<br />
facilement m'en passer.<br />
Je lui explique alors ce que je fais et comment j'essaie d'en profiter pour m'instruire. Pas une larme. A peine<br />
un petit tremblement dans la voix lorsque nous nous séparons.<br />
Je me déci<strong>de</strong> donc à écrire à Monsieur et Madame Richard, ce soir, dans mon lit, avant que la nuit ne<br />
tombe. Du moins je risque car la lettre ne passera peut-être pas à la censure.<br />
Madame, Monsieur,<br />
Veuillez m'excuser d'oser vous écrire mais je tenais à vous affirmer l'attachement <strong>de</strong> ma mère et <strong>de</strong> moimême<br />
à votre famille.