Les clefs des Portes de demain - Le chasseur abstrait
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Il est vrai que, dès son arrivée, le jeune délinquant entre dans une nouvelle famille qui semble le<br />
comprendre. <strong>Le</strong> téléphone arabe intercellule fonctionne vite. On l'interroge, on le console, on le gourman<strong>de</strong>,<br />
on le conseille.<br />
Il y a et il y aura <strong>de</strong> tout parmi ses compagnons <strong>de</strong> cellule et ceux qui tournent en rond autour du nouveau<br />
en papotant pendant les heures <strong>de</strong> détente : le clochard qui, lorsqu'il a trop faim ou trop froid, va se<br />
réconforter dans "sa" prison ; le petit voleur à l'étalage qui s'est fait prendre bêtement pour une bêtise ; le "col<br />
blanc" doctoral ou prétentieux, très distingué ; le violeur, le vrai, le moins aimé, repéré <strong>de</strong> suite car lâche et<br />
obséquieux, l'air fuyant, graine <strong>de</strong> "faux jeton" et <strong>de</strong> "mouton" (j'appris que cela voulait dire "mouchard") ; le<br />
souteneur, dandin confortablement soutenu par les visites, les mandats et les colis et qui gar<strong>de</strong> sa prestance ;<br />
puis le caïd, le grand ou le petit, qui s'est formé sa cour et qui para<strong>de</strong>.<br />
Des clans se formeront. Plus tard. Couvés par les haines inévitables dues à la promiscuité. Mais le nouveau<br />
venu, dans son abattement, découvre un mon<strong>de</strong> inconnu composé d'êtres qui <strong>de</strong>vraient paraître plus accablés<br />
que lui et qui, malgré cela, l'accueille, sourires aux lèvres, avec une bonhomie inattendue. C'est cela, paraît-il,<br />
la prison provinciale qui ignore les grands condamnés et qui prend, dans sa nasse, comme dans une gran<strong>de</strong><br />
toile d'araignée toute imprégnée <strong>de</strong> venin, la multitu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> petits délinquants et <strong><strong>de</strong>s</strong> prévenus qui souvent ne le<br />
sont pas mais qui vont se gangrener sans même s'en rendre compte.<br />
12 avril<br />
Courage. Je reprends mes notes. Il faut absolument qu'il m'en reste quelque chose.<br />
La perfection <strong><strong>de</strong>s</strong> organes humains nous stupéfie mais celle <strong><strong>de</strong>s</strong> animaux, d'après ce que je viens <strong>de</strong> lire,<br />
n'est pas moins ahurissante.<br />
En voici quelques faits qui ne peuvent être contestés bien qu'on ne se les explique pas.<br />
Début 1971, Monsieur Valembois, un conducteur d'engin, doit quitter Béthune pour se rendre sur un<br />
chantier à Chateaubriand, dans les Bouches du Rhône. Il se trouve alors dans l'obligation <strong>de</strong> laisser son chien,<br />
Black, un berger <strong><strong>de</strong>s</strong> Flandres. Il le confie à ses parents.<br />
<strong>Le</strong> 17 juin, six mois après, il apprend qu'un chien noir erre dans les rues du village : Black avait traversé la<br />
France, parcourant ainsi plus <strong>de</strong> mille kilomètres pour le rejoindre.<br />
Or ce chien n'avait jamais quitté le Pas <strong>de</strong> calais.<br />
Qui ou quoi avait pu le gui<strong>de</strong>r ainsi ?<br />
L'histoire <strong>de</strong> Wamar est tout aussi touchante mais plus tragique. Wamar était un lévrier qui appartenait à<br />
un capitaine italien, Maris Galli qui, en 1936, dut partir pour la campagne d'Abyssinie. <strong>Le</strong> chien se languissait<br />
jusqu'à ce que, le 27 juin, il donnât <strong><strong>de</strong>s</strong> signes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> agitation, allant, venant, gémissant. En fin <strong>de</strong><br />
journée, il alla se coucher dans la chambre <strong>de</strong> son maître, aux pieds du lit et refusa toute nourriture. Son seul<br />
déplacement était d'aller gratter le bas <strong>de</strong> l'armoire où se trouvaient rangés les vêtements <strong>de</strong> son maître. Il<br />
refusa caresses, nourriture et soin et se laissa mourir ainsi.<br />
Quelques temps après, les proches du capitaine apprirent qu'il était décédé ce 27 juin 1936.<br />
<strong><strong>Le</strong>s</strong> chiens possè<strong>de</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> dons innés extraordinaires. Un chien, par exemple, n'aboie jamais pour rien. Il<br />
perçoit <strong><strong>de</strong>s</strong> sons trop faibles ou trop aigus ou trop graves pour nos oreilles humaines. Il peut, ainsi, prévoir<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> cataclysmes qui échappent à nos appareils dits sophistiqués.<br />
Ainsi, les chiens du Grand Saint Bernard, en février 1939, "firent grève", refusant <strong>de</strong> suivre les moines qui<br />
voulaient les entraîner dans leur excursion matinale quotidienne. Ils eurent beau essayer <strong>de</strong> les amadouer puis<br />
<strong>de</strong> les menacer, rien n'y fit. La sortie fut donc remise au len<strong>de</strong>main. Peu <strong>de</strong> temps après, une tempête se<br />
déchaîna déclenchant une avalanche juste sur leur passage habituel. Or les St Bernard n'ont pas peur <strong>de</strong> la<br />
tempête. Ce qu'ils redoutent, c'est l'avalanche... qu'ils avaient prévue "d'instinct".<br />
D'instinct ? Mais qu'est-ce donc que cet instinct ?<br />
Et ces prévisions <strong>de</strong> cataclysme ne sont pas l'apanage unique <strong><strong>de</strong>s</strong> chiens.<br />
Au début du mois <strong>de</strong> mai 1902, à la Martinique, les animaux domestiques, vaches, cochons, moutons, se<br />
sauvèrent et nombre d'entre eux se jetèrent à la mer ; on vit une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> serpents se diriger vers le Sud et<br />
les paysans prirent peur mais les autorités locales les rassurèrent. Quelques jours plus tard, le 8 mai, le volcan<br />
<strong>de</strong> la montagne Pelée entra en éruption : trente mille personnes moururent.