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Les clefs des Portes de demain - Le chasseur abstrait

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Saint Jérôme, un père <strong>de</strong> l'Église du 5 ème siècle, l'avait bien compris qui traduisait en latin :<br />

28<br />

Et omnis anima vivens mortua est in mare.<br />

Tout est un, semble-t-il. Tout est vie et mouvement. Aussi, par "nature", on entend le règne "végétal" mais<br />

également le règne minéral. Car l'activité vitale existerait, sans conteste, dans le règne minéral bien qu'elle<br />

exige, pour être remarquée, une attention plus aiguë.<br />

Il paraît que les éléments les plus minuscules <strong>de</strong> la nature communiquent. La molécule d'ADN émet<br />

l'ARNm (message) qui sera lu par l'ARNr (les ribosomes). Toutes les cellules communiquent. <strong>Le</strong> langage<br />

originel <strong>de</strong> la matière est chimique. Et pour qu'il y ait communication, il faut qu'il y ait vie.<br />

V. A. Firssoff, un chimiste russe soutient que la matière se trouve dotée <strong>de</strong> particules élémentaires, sorte<br />

d'intelligence désincarnée, qu'il appelle "mentinos" et que, <strong>de</strong> ce fait, elle est vivante et intelligente.<br />

18 avril<br />

Je suis toujours plongé dans mes plantes, ce matin, lorsque notre cher maton vient me prévenir :<br />

- Grivelot ! Préparez-vous ! Vous sortez cet après midi. Juge d'instruction.<br />

A 13 h., je suis prêt et j'attends.<br />

Vers 14 h., il se repointe pour me rapporter la lettre que j'avais écrite à maman. Elle est refusée par la<br />

censure parce que j'ai eu l'audace <strong>de</strong> décrire notre cellule ce qui est strictement interdit : secret <strong>de</strong> la plus<br />

haute importance !<br />

- Et ma sortie ?<br />

- J'en sais rien. On attend.<br />

Je sens que la journée va être singulièrement gâchée et je commence à m'énerver.<br />

De rage, je recopie ma lettre et laisse en blanc le passage concernant la cellule en le barrant du mot :<br />

"censuré" souligné <strong>de</strong>ux fois. Je la remets sous enveloppe et la redonnerai <strong>de</strong>main. Et j'attends. J'attends<br />

jusqu'au souper. Pour rien.<br />

Je ne sais qui s'est encore trompé mais ce n'est guère intelligent. Ou ils le font exprès. Ce n'est pas plus<br />

intelligent, <strong>de</strong> toute façon.<br />

Ma rage me remet en mémoire une réflexion qui m'avait frappé lors d'une <strong>de</strong> mes lectures. Je me mets à<br />

feuilleter et la retrouve :<br />

Jules Grévy, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République <strong>de</strong> 1879 à 1885, fut brillamment réélu mais il dut démissionner<br />

en 1887 parce que son gendre, Wilson, s'était livré au trafic <strong><strong>de</strong>s</strong> légions d'honneur. Jules Grévy, écoeuré par<br />

la justice - déjà ! - et ne croyant pas à une réforme <strong>de</strong> cette justice - hélas ! - disait : "La magistrature c'est<br />

comme un tonneau qui a contenu du vinaigre ; vous aurez beau y mettre ensuite le meilleur <strong><strong>de</strong>s</strong> vins, vous<br />

n'obtiendrez jamais que du vinaigre."<br />

Calmé, je reprends mes notes et mes livres.<br />

19 avril<br />

21 avril<br />

De nouveau, les nerfs en pelote. Philippe a été transféré <strong>de</strong> cellule avant hier et nous savourions notre<br />

tranquillité. Pas pour longtemps, car ce matin, dès la première heure, un nouveau, un kabyle au nom<br />

intraduisible que nous décidons d'appeler "Michel", se propulse avec son matelas, ses draps, ses couvertures...<br />

et son monceau <strong>de</strong> problèmes effarants qu'il nous déballe en geignant, la porte à peine refermée.<br />

- Encore 10 jours !... Vous croyez que je sortirai pour la fin du mois ?... Vous croyez que le patron<br />

pourra me mettre à la porte ?... Et ma femme, qu'est-ce qu'elle peut bien faire ?... Vous croyez que ça<br />

collera encore après ?... Et mes crédits ?... Et...<br />

Et ainsi, pratiquement sans interruption, jusqu'à 15 h. où Jean, n'y tenant plus, explose :<br />

- Ta gueule ! T'es chiant et tu nous emmer<strong><strong>de</strong>s</strong> ! Tu ne vois pas que nous aussi, nous avons nos problèmes<br />

peut-être et certainement plus importants que les tiens. Tu vas sortir alors que nous, nous restons pour on ne<br />

sait combien <strong>de</strong> temps. Alors, fous nous la paix ! fous nous la paix ! ou on t'écrase pour que tu la fermes !

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