Les clefs des Portes de demain - Le chasseur abstrait

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- N'ayez pas peur non plus, les gars, je n'ai pas menti. J'ai vraiment compris : la prochaine fois, ils ne
m'auront pas.
Hormis son moi égoïste, il n'a donc aucune conscience. Mauvais joueur, il triche et n'accepte pas de perdre
comme il n'accepte pas l'effort. Aux échecs, par exemple, si je gagne plusieurs parties de suite, sa mauvaise
humeur apparaît et se transforme rapidement en rage incontrôlée. Alors, je ne peux pas faire autrement que de
perdre.
Comme dit le proverbe : "il est trop bon pour être honnête." Je suis certain qu'à la première occasion, il me
roulerait sans hésitation ni remords. Et il a très certainement des projets en tête. Je dois pouvoir lui être utile.
A le voir et l'écouter, il est impavide mais ce n'est qu'une façade. Au fond de lui-même, il vivait hanté par
la peur.
Un jour, je l'aperçus assis sur le bord de son lit, les coudes sur les genoux et la tête dans ses mains,
semblant rayonner d'un bonheur que je ne lui connaissais pas. Il me répéta :
Le calme et la sécurité ! Tu ne peux pas savoir comme je suis presque heureux d'être incarcéré. Car,
vois-tu, le pire, dans la vie d'un hors la loi, c'est la peur, l'angoisse d'être découvert. La hantise de l'attente.
Nous ne savons plus ce que c'est que la tranquillité de l'esprit. Même à l'hôtel. On sursaute au moindre bruit
apparemment normal : le matin, le voisin qui bouge, sort, va au WC et s'arrête avant d'entrer... Un client -
cela m'est arrivé - qui se trompe de chambre et qui ferraille dans la serrure qui n'est pas la sienne...
Je me souviens même, un matin, j'étais à l'hôtel, une voiture de police s'arrête et des policiers entrent.
C'était pour moi. J'en étais sûr. Je me faufile alors par la fenêtre, abandonnant tout. Je me blottis quelques
instants dans le café d'en face puis me précipite dans une agence de voyage, prends un billet d'avion, bloque
un taxi et fonce à l'aéroport. Là, j'apprends qu'il y a grève et 24 heures d'attente. 24 heures de cauchemar.
Chaque homme en gabardine, sans valise ni serviette, augmentait ma terreur. Je contournais les kiosques,
me cachant, autant que possible derrière des journaux. Je ne me mis à revivre qu'en montant dans l'avion.
Tout cet affolement pour rien. J'ai su, le lendemain, que cela ne me concernait absolument pas.
On arrive alors à tout surveiller. Avant d'entrer dans un hôtel, j'arrêtais et garais ma voiture bien à
l'écart, je m'approchais à pieds, j'allais boire un café ou un apéritif au bistrot le plus proche afin de
surveiller la porte. Et je n'entrais qu'après, l'air le plus détaché possible.
La peur nous fait payer très cher le confort et la liberté.
3-4-5 mai
Le globe entier semble enveloppé de mystères et votre pays ne fait pas exception. J'avais entendu parler
des grottes de Lascaux, mais je n'en connaissais rien de bien précis. Je n'avais jamais vu les dessins et les
graphismes qui datent du magdalénien, c'est à dire d'il y a quinze à vingt mille ans et qui sont fantastiques.
La grotte de Lascaux, en Dordogne, a été découverte en 1940 par un petit garçon qui courait après son
chien et ne se doutait pas des merveilles qu'elle contenait. Ses galeries sur plus de quatre vingt dix mètres de
parois peintes des deux côtés, comportent soixante cinq scènes d'animaux grandeur nature, en pleine action,
soit près de six cents peintures, mille cinq cents gravures sur pierre ainsi qu'une multitude de dessins.
La richesse des techniques et le rendu des détails est impressionnant.
Un cheval magnifiquement stylisé est une pure merveille.
A Lussac, on peut admirer un homme au crâne chauve, avec moustache et barbiche, comme vêtu d'une
robe de chambre et chaussé, qui ressemble à un orateur ou un prof. Egalement une demoiselle bien peignée, à
l'oeil vif et aux traits fins, habillée, coiffée et chaussée.
Ces dessins dont on ne peut nier l'authenticité sont réalisés par des artistes possédant un sens prodigieux
de l'observation et du mouvement ainsi qu'un tour de main d'une parfaite maîtrise. N'est-ce pas le signe d'une
grande intelligence ?
Pourtant, si on croit ce qu'on enseigne dans les écoles, l'homme, à cette époque, n'était qu'un primitif
barbare aux trois quarts sauvage, une brute sachant tout juste lancer une pierre ou brandir une massue et
vivant dans des cavernes parce qu'incapable de construire une hutte...
Or, en plus de leurs qualités artistiques, certains dessins sont réalisés avec des bâtons de peroxyde de fer et