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Les clefs des Portes de demain - Le chasseur abstrait

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mais non inexplicable. Même si cela, ainsi que le pense notre ami, est l'oeuvre <strong>de</strong> Dieu. Même ainsi, car<br />

DIEU lui-même ne peut réaliser ce qui est irréalisable. Nombre <strong>de</strong> miracles, au fur et à mesure <strong>de</strong><br />

l'évolution <strong>de</strong> nos connaissances, reprennent la place qui leur est due, celle <strong>de</strong> faits divers <strong>de</strong>venus plus ou<br />

moins anodins.<br />

Ce qui est affolant, c'est <strong>de</strong> sentir, dans ce processus, notre presque inutilité.<br />

Mais je m'égare. Excusez-moi. Revenons sur terre. Soyons réalistes et passons à table.<br />

4<br />

*****<br />

Nous avons sympathisé.<br />

Nous aimions, dans la douceur du soir, à la tombée <strong>de</strong> la nuit, pendant que son épouse et la mienne<br />

s'affairaient dans la cuisine, nous asseoir sur le rebord <strong>de</strong> la mare à regar<strong>de</strong>r s'infiltrer la nuit en un rite<br />

immuable : le hochequeue s'installait sur le toit <strong>de</strong> la grange, et, nous regardant, à grands renforts <strong>de</strong> coups <strong>de</strong><br />

queue, lançait ses gammes harmonieusement stri<strong>de</strong>ntes à ses compères qui, plus loin, lui répondaient<br />

inlassablement. <strong><strong>Le</strong>s</strong> hiron<strong>de</strong>lles venaient ensuite, par petits groupes, emplissant le bleu du ciel d'une multitu<strong>de</strong><br />

d'ellipses noires et silencieuses. Puis le rossignol prenait le relais. Peu à peu, les pigeons se faisaient <strong>de</strong> plus en<br />

plus rares sur le toit du colombier <strong>de</strong>rrière lequel la lune pointait le bout <strong>de</strong> son nez. <strong>Le</strong> jour s'effaçait et, dans<br />

la pénombre naissante, une, <strong>de</strong>ux puis trois chauves-souris, feux follets gris dans l'obscurité naissante,<br />

traversaient la cour en zigzaguant autour <strong>de</strong> nous. Et nos regards se portaient alors, instinctivement, vers la<br />

lucarne <strong>de</strong> la grange où, <strong>de</strong> cet oeil noir, allait surgir le fantôme <strong>de</strong> la chouette effraie dont les ululements<br />

émaillaient nos nuits.<br />

Mon Dieu, quelle était belle, cette chouette !<br />

Lors d'une visite dans la sous toiture du pigeonnier, nous l'avons surprise qui dormait sur sa nichée. Nous<br />

fûmes extasiés par sa beauté, sa tête plate en forme <strong>de</strong> coeur avec son bijou <strong>de</strong> bec, ses plumes qui ne<br />

ressemblent pas à <strong>de</strong> vulgaires plumes mais à <strong>de</strong> longs duvets blancs et soyeux. Nous l'avons tenue dans nos<br />

mains, intimidés et gauches comme un père avec son bébé à la première naissance car notre plus gran<strong>de</strong><br />

surprise ne fut pas sa douceur mais sa légèreté. Elle semblait ne pas peser plus que ses duvets. Quelques<br />

grammes. Pas plus. Un bijou aérien, presque irréel.<br />

Ce n'était pas une illusion car les livres, consultés ensuite, nous ont confirmé qu'elle ne pesait guère qu'une<br />

vingtaine <strong>de</strong> grammes.<br />

J'en suis tombé littéralement amoureux fou.<br />

Comme je l'étais d'Antoine. Antoine, un magnifique bouc alpin, énorme et roux, avec <strong>de</strong> longues cornes<br />

recourbées. Que <strong>de</strong> parties n'avons nous pas faites, moi m’arc-boutant après avoir saisi ses cornes, lui, l'oeil<br />

malicieux, baissant la tête, puissamment, essayant <strong>de</strong> me désarçonner pendant que je tentais, désespérément,<br />

<strong>de</strong> le repousser et - ce qui était rare mais alors j'en étais fier - <strong>de</strong> le renverser.<br />

Qu'on ne me dise pas que cet animal est bête ! Son plaisir : jouer une farce puis en rire ! Si vous l'aviez vu,<br />

tête levée, bouche gran<strong>de</strong> ouverte, lèvres retroussées, rire à gorge déployée... Je pensais, au début, que c'était<br />

un acte instinctif lorsqu'il avait bousculé son vis à vis à l'improviste mais je changeais d'avis lorsque je le vis<br />

éclater <strong>de</strong> rire parce que j'avais glissé malencontreusement sur un "déchet" un peu trop gluant... Antoine, le<br />

parfumé <strong>de</strong> la ferme, était véritablement une V.I.P. inoubliable. Et je ne pourrai jamais l'oublier.<br />

Comme je ne pourrai oublier les <strong>de</strong>ux canards barbarie apprivoisés qui, sur un ordre <strong>de</strong> leur maître,<br />

traversaient la prairie pour venir discuter avec lui à grands renforts <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> tête à la crête en érection.<br />

Des phénomènes, ces <strong>de</strong>ux là !<br />

<strong><strong>Le</strong>s</strong> séjours comme les événements les plus agréables, ont inévitablement une fin et nous avons dû, bien à<br />

regrets, boucler nos valises et quitter cet é<strong>de</strong>n pour rejoindre le brouhaha <strong>de</strong> la ville et les tracas du quotidien.<br />

Près d’une année plus tard, <strong>de</strong> passage dans leur région, un sentiment plus fort que moi, me fit dévier ma<br />

route. Je ne pouvais pas ne pas aller les saluer.<br />

Quelle ne fut pas ma surprise en arrivant à la ferme : les fermiers m’étaient inconnus ! "Sympa " , comme<br />

aurait dit Michel, mais inconnus. Et cette conversation surprenant s’engagea :<br />

- Je suis un ami <strong>de</strong> Michel Grivelot et je pensais le rencontrer ainsi que son épouse.<br />

- Ils ne sont plus ici. Ils nous ont vendu la ferme voici près <strong>de</strong> six mois déjà.

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