30.06.2013 Views

Dragon Vert

Dragon Vert

Dragon Vert

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Il l’imagina, achetant ces jarretières dont elle savait – Dieu<br />

sait comment, secret de femme ! – l’existence et fut grandement<br />

ému à l’idée de sa jolie baronne, soutenue par l’espoir de le<br />

conquérir, spéculant ainsi sur l’avenir, échafaudant plans et<br />

hypothèses, et vivant déjà ses rêves, le cœur battant à l’idée de<br />

l’effet qu’elle produirait sur lui, peut-être.<br />

Elle vint le rejoindre, légèrement tremblante, et il ne sut si le<br />

froid en était la raison, ou l’émotion, à moins que ce ne fût les<br />

deux.<br />

Il la serrait, caressant les cheveux blonds de la jeune femme<br />

couchée sur lui, et son regard fit rapidement le tour de la cabine.<br />

Le vent polaire parvenait à se glisser par très légères fentes<br />

des bordages où, sous l’effet du gel, manquait l’étoupe de<br />

chanvre. Certes, pour la première fois où elle se donnait à lui, il<br />

songea que sans doute existait de par le monde endroits plus<br />

confortables et plus luxueux mais quelque chose en son âme<br />

tourmentée se trouvait rassuré que ce fût en sa cabine du<br />

<strong>Dragon</strong> <strong>Vert</strong> où il se trouva si souvente fois seul.<br />

Par la fenêtre aux vitres d’un bleu pâle à croisillons de<br />

plomb, il vit la pleine lune voilée par les flocons de neige qui<br />

tombaient dru et qu’on ne pouvait distinguer des étoiles<br />

étincelantes cette nuit-là. La flamme de la bougie dansait<br />

comme une petite âme capricieuse faisant attendre le paradis.<br />

Le navire oscillait doucement sur la vague, marquant à peine les<br />

creux. Le vent fou faisait craquer la mâture et tentait de<br />

s’engouffrer à tout prix en les ponts comme si lui-même avait<br />

trop froid en cette nuit glacée et cherchait refuge en le ventre du<br />

bateau où vivaient deux cents hommes. Loin, très loin, peut-être<br />

en le magasin du maître voilier, un marin chantait air<br />

nostalgique du pays de Bretagne. Tout cela était beau,<br />

exceptionnel et finalement bien à l’image de leur amour.<br />

Puis, une voix douce mais un peu étouffée murmura :<br />

— Je t’aime !… Je t’aime tant !…<br />

Se tenant par la main, ils ne sortirent sur le pont qu’aux<br />

environs de midi et l’amiral de Nissac eut grande surprise de<br />

voir tout l’équipage impeccablement aligné en carrés encadrés<br />

par officiers en grande tenue de parade.<br />

435

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!