Observations - L'Université de la Relation

L’homme-candide change d’horizons, les excursions se font plus lentes,
plus courtes et il se satisfait maintenant des “voyages autour de sa
chambre” où il médite sur son passé et restreint son univers aux quatre
murs de son petit continent. Lui qui fit à pied, à cheval, en bateau, le
tour incessant de la Terre, lui qui n’hésitait pas à fouler sans cesse les
déserts, à ouvrir les savanes, à fouiller les jungles, à franchir les
banquises, lui qui a défriché dans le monde entier des routes difficiles, il
se satisfait maintenant de transports mécaniques, de parcours tracés et
de souvenirs photographiques.
Il se lève de plus en plus tard et laisse à d’autres les “matins qui
chantent”, les prouesses de l’aube, les départs vers des aventures
renouvelées, cosmiques. Il contemple les “jeunes” s’élancer dans l’espace,
tourner autour de la lune, regarder les planètes lointaines, avec un peu
d’envie et beaucoup de scepticisme. Il a trop vu, trop fait, trop tenté
pour ne pas connaître la relativité de ses conquêtes, toujours à
recommencer...
L’Européen est un peu le vieux marin assis sur le port,
un peu le jardinier rentré des campagnes lointaines,
un peu le colon retiré des aventures guerrières...
La promenade remplace le voyage, le souvenir se substitue au mirage.
L’aventure de l’Européen se resserre au terme d’une vie agitée et
errante, dans le cadre restreint de ses origines et de ses retours.
Il mesure maintenant l’absurdité de ses entreprises, de ses querelles,
de ses désertions qui lui ont fait négliger les plus banals instincts
de conservation, les plus simples sentiments de satisfaction.
FAIRE L’EUROPE !
Voilà le besoin actuel de cet homme parti à la conquête de la Terre
et... lassé.
Cette œuvre est maintenant à la mesure de ses forces encore présentes,
de son expérience d’adulte, de son scepticisme d’âge mûr et de son bon
sens retrouvé avec le sentiment de ses limites et de ses moyens...
“Cultiver son jardin”, notre Candide l’a appris de ses fils ingrats ou
stupides, de ses protégés oublieux, de tous les “Pangloss” qui peuplent
l’O.N.U., des “Cunégondes” sophistiquées, noires, jaunes, rouges,
blanches aussi, des “Martin” philosophes tristes, des “Procurantes”
intellectualisées, de tous les champs de bataille du monde où il n’a trouvé
que déception et trahison... 78