Argentine : Volver - Nouveaux Droits de l'Homme
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MONDE<br />
ALGÉRIE<br />
LES LUTTES SYNDICALES DES ENSEIGNANTS,<br />
Le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’enseignement en Algérie<br />
est traversé par un fort mouvement <strong>de</strong><br />
contestation. Les luttes syndicales, locales<br />
ou nationales, unitaires ou sectorielles,<br />
<strong>de</strong>viennent une donnée permanente que, visiblement,<br />
les autorités ont du mal à prendre au<br />
sérieux. Plus qu’à un «ras- le- bol » corporatiste,<br />
plusieurs éléments permettent <strong>de</strong> croire que nous<br />
assistons aux prémices d’un renouveau syndical en<br />
Algérie. Retour sur les origines <strong>de</strong> ce mouvement.<br />
Pour comprendre l’état d’esprit actuel du corps<br />
enseignant en Algérie, il est nécessaire <strong>de</strong> revenir<br />
rapi<strong>de</strong>ment sur la pério<strong>de</strong> sanglante <strong>de</strong>s années<br />
quatre-vingt dix. Sous le feu et les menaces du<br />
terrorisme intégriste, dans un climat d’incertitu<strong>de</strong><br />
absolue et d’isolement total, l’écrasante<br />
majorité du corps enseignant a honoré les exigences<br />
<strong>de</strong> ce métier en assurant les enseignements<br />
et la continuité <strong>de</strong> l’école publique algérienne.<br />
Ils ont refusé <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r au diktat <strong>de</strong>s<br />
groupes intégristes lorsque ces <strong>de</strong>rniers ont<br />
tenté <strong>de</strong> bloquer la rentrée scolaire <strong>de</strong><br />
1994, menaçant <strong>de</strong> mort enseignants et<br />
parents. Ils ne se sont pas pliés à l’interdiction<br />
d’enseigner les langues étrangères et les<br />
disciplines artistiques. Certains d’entre eux,<br />
beaucoup trop, ont payé <strong>de</strong> leur vie leur<br />
fidélité à leur métier.<br />
Durant cette même pério<strong>de</strong>, l’Algérie, en<br />
cessation <strong>de</strong> paiement, a exécuté le plan<br />
d’ajustement structurel du FMI, avec, pour<br />
principal effet, un blocage <strong>de</strong>s salaires pendant<br />
une dizaine d’années accompagné<br />
d’une sévère dégradation <strong>de</strong> la valeur du<br />
dinar algérien. Un <strong>de</strong>s principaux syndicats<br />
a estimé que le salaire d’un enseignant était,<br />
en 1990, égal à huit fois et <strong>de</strong>mi le salaire<br />
minimum garanti et seulement à une fois et<br />
<strong>de</strong>mi en 2005. De plus, les conditionnalités du<br />
FMI, dont l’arrêt <strong>de</strong> tout recrutement au titre<br />
<strong>de</strong> fonctionnaire <strong>de</strong> l’Education, ont provoqué<br />
une précarisation <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>s jeunes<br />
enseignants qui doivent tout supporter en espérant<br />
une hypothétique titularisation.<br />
A l’orée <strong>de</strong>s années 2000, avec le retour progressif<br />
<strong>de</strong> la sécurité et la relative aisance<br />
financière <strong>de</strong> l’Etat liée à la hausse <strong>de</strong>s revenus<br />
pétroliers, les enseignants ont espéré un peu<br />
<strong>de</strong> reconnaissance et <strong>de</strong> considération. Leurs<br />
revendications ont été accueillies par <strong>de</strong>s atermoiements,<br />
<strong>de</strong>s manœuvres dilatoires, et <strong>de</strong>s<br />
promesses <strong>de</strong> négociation… jamais tenues.<br />
Genèse du<br />
renouveau syndical<br />
L’année 2003, une année véritablement charnière<br />
pour le renouveau syndical dans l’Education<br />
Nationale a connu le mouvement le plus dur <strong>de</strong><br />
l’histoire syndicale <strong>de</strong> ce secteur. Près <strong>de</strong> 90 jours<br />
<strong>de</strong> grève entre avril et mai, puis à la rentrée d’octobre<br />
2003. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la reconnaissance <strong>de</strong> la<br />
légitimité <strong>de</strong>s revendications <strong>de</strong>s enseignants et<br />
d’une augmentation non négligeable <strong>de</strong>s salaires,<br />
l’acquis le plus remarquable <strong>de</strong> ce mouvement<br />
reste son caractère unitaire. C’est dans le feu <strong>de</strong><br />
16 • Arc en Ciel<br />
l’action que s’est forgée la solidarité <strong>de</strong> l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s syndicats <strong>de</strong>s enseignants et <strong>de</strong>s personnels<br />
<strong>de</strong> l’enseignement, jusqu’aux membres <strong>de</strong><br />
l’ex syndicat unique, UGTA , qui ont massivement<br />
rejoint le mouvement, contraignant leur<br />
direction à y entrer… à reculons.<br />
Depuis, <strong>de</strong>s dizaines d’actions et <strong>de</strong> grèves<br />
locales sont enregistrées chaque année. 2004,<br />
2005 et 2006 ont été marquées par plusieurs<br />
grèves nationales, unitaires et largement suivies.<br />
Ce nouveau syndicalisme est né <strong>de</strong> la<br />
ruine <strong>de</strong> l’UGTA, <strong>de</strong> la colère provoquée par<br />
l’autisme <strong>de</strong> l’administration et du désespoir<br />
nourri par la crise générale <strong>de</strong> la société.<br />
Les nouveaux syndicats, particulièrement le<br />
CLA (qui, à l’origine Coordination <strong>de</strong>s Lycées<br />
d’Alger, se transforme peu à peu en syndicat<br />
national), ont quitté très tôt les ornières du corporatisme.<br />
Ils s’attaquent aux problèmes <strong>de</strong><br />
fond tels que la lutte pour la réhabilitation du<br />
pouvoir pédagogique <strong>de</strong>s enseignants, les effets<br />
du pacte social et économique adopté en 1994<br />
au terme d’un accord conclu entre le patronat,<br />
le gouvernement et l’UGTA. Ce pacte, libéral<br />
et antisocial, qui a ouvert la voie aux politiques<br />
les plus conservatrices <strong>de</strong>puis l’indépendance.<br />
La formation <strong>de</strong>s cadres est une <strong>de</strong>s préoccupations<br />
majeurs <strong>de</strong>s nouveaux syndicats. Ils organisent<br />
forums et universités syndicales, autant<br />
<strong>de</strong> lieux <strong>de</strong> production d’un discours syndical<br />
novateur et d’une pratique démocratique en<br />
rupture avec le carriérisme et l’opportunisme<br />
qui ont caractérisé l’ancien appareil syndical.<br />
Ainsi, une nouvelle génération <strong>de</strong> syndicalistes<br />
est en train d’émerger. On y rencontre <strong>de</strong>s femmes<br />
admirables <strong>de</strong> détermination et <strong>de</strong> courage.<br />
Dans le même temps, l’ancien appareil syndical<br />
voit ses cadres les plus sincères et les plus<br />
engagés changer d’orientation. Selon les conditions<br />
et les traditions locales, ils créent <strong>de</strong> nouveaux<br />
syndicats tels que le CNAPEST ou le<br />
SNAPAP, ou alors, donnent un nouveau contenu<br />
aux structures locales <strong>de</strong> l’UGTA, rejoignent<br />
les luttes unitaires tout en exigeant <strong>de</strong><br />
leur direction nationale une révision <strong>de</strong> la ligne<br />
syndicale. L’exemple le plus frappant est celui<br />
du Syndicat d’Entreprise <strong>de</strong>s Travailleurs <strong>de</strong><br />
l’Education (SETE) <strong>de</strong> Tizi Ouzou affilié à<br />
l’UGTA, qui a rejoint le mouvement unitaire et<br />
qui exige la reconnaissance <strong>de</strong>s syndicats autonomes<br />
CLA et CNAPEST.<br />
Le droit,<br />
la loi et le chantage<br />
Face à cette effervescence syndicale, quelle est la<br />
réaction <strong>de</strong> l’Administration ? Après avoir laissé<br />
les enseignants seuls face au danger intégriste,<br />
sans aucune mesure <strong>de</strong> protection particulière en<br />
faveur <strong>de</strong>s écoles, après leur avoir <strong>de</strong>mandé, voire<br />
exigé d’eux, <strong>de</strong> la patience face aux difficultés<br />
économiques, l’Administration, constatant l’impossibilité<br />
<strong>de</strong> contenir plus longtemps leurs<br />
revendications, s’est lancée dans une interminable<br />
partie <strong>de</strong> cache-cache.<br />
Depuis 2003, toutes les grèves <strong>de</strong>s enseignants<br />
se déroulent à peu près <strong>de</strong> la manière<br />
suivante. Dès le dépôt du préavis <strong>de</strong> grève,<br />
avec l’exigence <strong>de</strong> négociations sérieuses, la<br />
machine judiciaire déclare sans coup férir<br />
que la grève est illégale. L’autre manœuvre<br />
consiste à tenter <strong>de</strong> diviser le mouvement en<br />
négociant avec certains syndicats en<br />
excluant les autres, en provoquant <strong>de</strong>s divisions<br />
au sein <strong>de</strong>s directions syndicales les<br />
plus fragiles et en exerçant <strong>de</strong>s pressions<br />
policières et judiciaires importantes sur les<br />
dirigeants syndicaux les plus déterminés.<br />
Depuis trois ans, nous assistons à une partie<br />
<strong>de</strong> ping-pong. Les ministères du Travail et<br />
<strong>de</strong> la Justice refusent <strong>de</strong> délivrer l’agrément<br />
aux syndicats autonomes <strong>de</strong>s enseignants et<br />
le ministère <strong>de</strong> l’Education Nationale refuse <strong>de</strong><br />
négocier avec <strong>de</strong>s syndicats non agréés. La victoire<br />
écrasante <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers lors d’élections à <strong>de</strong>s<br />
commissions paritaires, leur proposition d’organiser<br />
<strong>de</strong>s élections syndicales pour vérifier le<br />
niveau <strong>de</strong> leur représentativité n’ont rien changé<br />
à l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Administration qui feint d’ignorer<br />
la force réelle <strong>de</strong> ceux qu’elle veut exclure.<br />
Faut-il rappeler que l’Algérie a souscrit à la<br />
convention <strong>de</strong> l’Organisation Internationale du<br />
Travail qui stipule que « les travailleurs ont le<br />
droit, sans autorisation préalable, <strong>de</strong> constituer<br />
<strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> leur choix ».<br />
En réalité, la position <strong>de</strong> l’Administration<br />
concernant les syndicats autonomes dépend <strong>de</strong><br />
l’intensité <strong>de</strong> la mobilisation <strong>de</strong>s enseignants.<br />
Elle ne leur reconnaît le statut <strong>de</strong> partenaire social<br />
et d’interlocuteur représentatif qu’au prix <strong>de</strong> longues<br />
luttes, avant <strong>de</strong> vite se dédire et <strong>de</strong> revenir à<br />
ses pratiques répressives. Ainsi, en octobre 2003,<br />
le coordinateur du CLA a été mis sous contrôle<br />
judiciaire avant d’être jugé en mars 2004 par un<br />
tribunal qui a requis contre lui six mois <strong>de</strong> prison<br />
ferme et une amen<strong>de</strong>. Il a été finalement relaxé.<br />
En octobre 2004, Il a été reçu à la tête d’une délégation<br />
par le Secrétaire Général du ministère <strong>de</strong><br />
l’Education Nationale qui a exprimé, à l’occasion,<br />
sa disponibilité à travailler avec les syndicats.<br />
En février 2005, en réponse à un préavis <strong>de</strong> grève