Argentine : Volver - Nouveaux Droits de l'Homme
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« LA MAISON-MONDE,<br />
LIBRES LEÇONS DE BRAUDEL »<br />
François-Xavier Verschave<br />
Éditions Charles Léopold Mayer (2005) par Roger Martin<br />
L<br />
a mondialisation libérale, marchan<strong>de</strong><br />
et financière se déploie<br />
sur la quasi-totalité <strong>de</strong> la planète.<br />
Cependant, pour <strong>de</strong> nombreux états<br />
subsistent la pauvreté, l’absence <strong>de</strong><br />
développement, et l’en<strong>de</strong>ttement.<br />
François-Xavier Verschave, ancien prési<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> l’association Survie, dans cet<br />
ouvrage, ai<strong>de</strong> à penser la crise et donner<br />
<strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> solution, à partir <strong>de</strong><br />
son expérience et <strong>de</strong> la lecture <strong>de</strong> l’historien<br />
économiste Fernand Brau<strong>de</strong>l.<br />
Verschave reprend à son compte l’idée <strong>de</strong><br />
trois niveaux <strong>de</strong> l’économie. L’économie<br />
<strong>de</strong> rez-<strong>de</strong>-chaussée est l’économie du<br />
quotidien où se joue la survie <strong>de</strong> la population<br />
par son activité élémentaire. Le<br />
premier étage <strong>de</strong> l’économie est la ville<br />
marchan<strong>de</strong> où s’établissent les marchés et<br />
les pouvoirs locaux. Elle réglemente les<br />
activités d’échanges du « rez-<strong>de</strong>-chaussée<br />
» et assure les échanges avec le <strong>de</strong>uxième<br />
étage. Au <strong>de</strong>uxième étage se situe le grand<br />
commerce international. A ce niveau, il<br />
est courant <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> liberté et <strong>de</strong> commerce,<br />
mais tout est fait pour bénéficier<br />
<strong>de</strong>s règles les moins contraignantes et s’affranchir<br />
<strong>de</strong>s règles locales. Aujourd’hui, la<br />
quasi-totalité <strong>de</strong>s gouvernements acceptent<br />
les pouvoirs multinationaux, et n’ont<br />
plus la force ni le désir <strong>de</strong> s’opposer au<br />
libre échange ou le canaliser. L’ouverture<br />
trop rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s marchés favorisent les<br />
entreprises <strong>de</strong>s pays développés, écrase<br />
l’économie du rez-<strong>de</strong>-chaussée, et soumet<br />
les états <strong>de</strong>s pays en développement.<br />
Verschave esquisse une métho<strong>de</strong> d’action<br />
politique en faveur d’un vrai développement<br />
adapté aux conditions du mon<strong>de</strong><br />
contemporain. Pour lui, c’est au niveau<br />
du premier étage que <strong>de</strong>s contre-pouvoirs<br />
doivent apparaître, par l’action <strong>de</strong><br />
citoyens ouverts aux aspirations du rez<strong>de</strong>-chaussée<br />
et critiques vis à vis du<br />
second étage <strong>de</strong> l’économie. Il craint<br />
que, si ces contre pouvoirs n’apparaissent<br />
pas, <strong>de</strong>s lea<strong>de</strong>rs manipulant la haine ou<br />
l’intégrisme ne mobilisent les déshérités.<br />
L’économie <strong>de</strong> marché<br />
sur trois niveaux<br />
Le discours économique dominant<br />
prescrit l’ouverture internationale <strong>de</strong>s<br />
marchés pour assurer le développe-<br />
ment <strong>de</strong> l’humanité. Les échecs nombreux<br />
<strong>de</strong> ce discours, l’expérience <strong>de</strong>s<br />
organisations non gouvernementales<br />
<strong>de</strong> développement, ont conduit FX<br />
Verschave à repenser l’économie <strong>de</strong><br />
marché à partir <strong>de</strong> Brau<strong>de</strong>l, et montrer<br />
comment l’économie-mon<strong>de</strong> déstabilise<br />
la survie <strong>de</strong>s citoyens <strong>de</strong>s pays<br />
pauvres.<br />
L’économie internationale est constituée<br />
du pouvoir économique <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />
multinationales, <strong>de</strong> la banque, <strong>de</strong><br />
l’assurance, <strong>de</strong>s matières premières, <strong>de</strong>s<br />
industries. Ces intérêts privés <strong>de</strong>s<br />
grands pays industriels influent sur le<br />
discours économique dominant favorable<br />
à leurs vues. Ils sont relayés par le<br />
Fonds monétaire international et la<br />
Banque mondiale, sous l’hégémonie<br />
<strong>de</strong>s idées américaines. Ces institutions<br />
imposent aux états <strong>de</strong>s pays en développement<br />
leurs prescriptions d’ouverture<br />
<strong>de</strong>s marchés.<br />
L’économie dominante <strong>de</strong>man<strong>de</strong> l’ouverture<br />
<strong>de</strong>s marchés à <strong>de</strong>s pays qui<br />
n’ont pas les ressources humaines, culturelles<br />
et économiques pour s’adapter.<br />
Ces pays sont soumis à un en<strong>de</strong>ttement<br />
et à <strong>de</strong>s programmes d’austérité<br />
que leur économie ne peut soutenir.<br />
Ainsi les populations paysannes sont<br />
mises en concurrence avec les agricultures<br />
<strong>de</strong>s pays avancés, et se trouvent<br />
sans ressource. Les populations migrent<br />
vers <strong>de</strong>s zones urbaines où elles ne<br />
trouvent ni emploi, ni revenu. Dans les<br />
pays du Nord, l’absence <strong>de</strong> plein<br />
emploi laisse <strong>de</strong>s populations démunies.<br />
Dans les <strong>de</strong>ux cas, les habitants se<br />
tournent vers <strong>de</strong>s activités parallèles<br />
comme seul moyen <strong>de</strong> survie.<br />
Certaines activités sont délictueuses.<br />
Les ONG <strong>de</strong> développement ont expérimenté<br />
diverses pratiques pour mobiliser<br />
les populations pauvres autour <strong>de</strong><br />
projets d’artisanat, d’agriculture ou <strong>de</strong><br />
services. Ces activités sont mises en<br />
place avec les populations, dans le dialogue<br />
et la recherche négociée <strong>de</strong> solutions.<br />
Le redressement <strong>de</strong> l’économie<br />
<strong>de</strong> survie doit être relayé par les pouvoirs<br />
locaux proches <strong>de</strong>s populations<br />
qui peuvent organiser <strong>de</strong>s échanges et<br />
le respect <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> propriété.<br />
Les contre-pouvoirs<br />
au premier étage<br />
Aux niveaux <strong>de</strong> l’économie correspon<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong>s niveaux politiques. Les institutions<br />
internationales et les Gouvernements<br />
sont soumis à l’économie internationale<br />
et en respectent les impératifs.<br />
Dans un pays comme la France, l’expertise<br />
économique, inspirée <strong>de</strong>s recettes<br />
internationales s’impose aux dirigeants<br />
politiques. La réflexion <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs est<br />
macroéconomique, les budgets sont très<br />
importants, mais la prise en compte <strong>de</strong>s<br />
mille aspects pratiques et locaux est hors<br />
<strong>de</strong> portée <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs..<br />
Au niveau local, les dirigeants sont plus<br />
proches <strong>de</strong>s aspirations <strong>de</strong>s citoyens, et ont<br />
plus le sens <strong>de</strong>s contraintes concrètes. Le<br />
pouvoir est exercé avec plus <strong>de</strong> modération.<br />
Ce pouvoir est au contact <strong>de</strong>s petites<br />
et moyennes entreprises et <strong>de</strong>s artisans qui<br />
font le gros <strong>de</strong> la production, et est conscient<br />
<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> la vie quotidienne.<br />
Le second étage s’appuie sur <strong>de</strong>s discours<br />
<strong>de</strong> liberté, <strong>de</strong> démocratie, qu’il proclame,<br />
tout en essayant <strong>de</strong> s’y soustraire.<br />
Verschave en appelle à un mouvement<br />
civique <strong>de</strong>s citoyens du premier étage<br />
pour faire pression pour que ces promesses<br />
soient tenues, et que soient contenues<br />
la frénésie d’enrichissement et la volonté<br />
<strong>de</strong> puissance <strong>de</strong>s acteurs mondiaux. Sous<br />
cette pression, les élus <strong>de</strong>s populations,<br />
notamment les parlementaires, doivent<br />
exercer leur contrôle sur les élites <strong>de</strong> l’administration<br />
et <strong>de</strong>s affaires, pour que les<br />
aspirations <strong>de</strong> la population et le droit<br />
soient respectés.<br />
Les droits <strong>de</strong> l’homme, la démocratie, l’économie<br />
<strong>de</strong> marché sont les meilleurs<br />
cadres souhaitables pour toutes les sociétés.<br />
Ces mots sonnent faux quand <strong>de</strong>s<br />
états ou <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s entreprises écrasent<br />
les populations. Les souffrances causées<br />
par la misère économique peuvent<br />
conduire <strong>de</strong>s populations à écouter <strong>de</strong>s<br />
discours <strong>de</strong> haine ethnique, religieuse ou<br />
nationale. La lutte pour combler la fracture<br />
économique entre le nord et le sud<br />
est donc fondamentale pour la paix et<br />
la dignité <strong>de</strong> tous. ■<br />
Arc en Ciel • 49