Argentine : Volver - Nouveaux Droits de l'Homme
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Arc en Ciel : D’après les nombreux dossiers<br />
ou plaintes dont vous avez à<br />
connaître, comment évaluez-vous l’état<br />
actuel du régime <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s<br />
« incapables majeurs » en France ?<br />
Jean-Paul Delevoye : Opaque, inefficace,<br />
injuste… la réforme <strong>de</strong>s tutelles est<br />
plus urgente que jamais.<br />
La situation est d’autant plus alarmante<br />
que le chiffre <strong>de</strong>s placements est en<br />
constante augmentation. Il pourrait<br />
atteindre le million en 2010. Le faible<br />
nombre <strong>de</strong> juges <strong>de</strong>s tutelles (seulement<br />
quatre-vingt, sur l’ensemble du territoire)<br />
ne permet pas un traitement efficace<br />
<strong>de</strong>s dossiers, dont le nombre croît à un<br />
rythme <strong>de</strong> 15 % par an. Souvent les<br />
juges ne peuvent consacrer que quelques<br />
minutes à chaque dossier, et accor<strong>de</strong>nt,<br />
sur la foi d’un simple certificat médical,<br />
une liberté quasi totale au tuteur ou au<br />
curateur.<br />
Le contrôle <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong> la<br />
personne protégée est scandaleusement<br />
défaillant. En effet, le juge <strong>de</strong>s tutelles ne<br />
peut exercer un contrôle efficace, compte<br />
tenu <strong>de</strong> sa surcharge <strong>de</strong> travail. La famille,<br />
quant à elle, n’a pas directement accès aux<br />
comptes <strong>de</strong> gestion annuels adressés au<br />
juge. Elle se heurte aussi à <strong>de</strong>s lenteurs qui<br />
entretiennent un sentiment d’opacité<br />
insupportable. La gestion <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s<br />
revenus <strong>de</strong>s personnes protégées est, lorsqu’elle<br />
est assurée par <strong>de</strong>s associations ou<br />
<strong>de</strong>s gérants privés, très aléatoire. Le rôle et<br />
la rémunération du tuteur n’étant pas<br />
assez précisément définis par la loi, cette<br />
gestion peut entraîner <strong>de</strong>s abus aux conséquences<br />
financières graves.<br />
J’observe, par ailleurs, que les règles <strong>de</strong><br />
conservation et <strong>de</strong> consultation <strong>de</strong>s<br />
dossiers concernant <strong>de</strong>s majeurs protégés<br />
sont celles relatives aux dossiers<br />
d’archives publiques, et ne peuvent donc<br />
être consultés qu’à l’expiration d’un<br />
délai <strong>de</strong> cent ans à compter <strong>de</strong> la clôture<br />
du dossier. Cette obligation s’impose<br />
à tous, y compris à la famille, sauf autorisation<br />
du juge. De même lorsqu’un<br />
dossier est archivé, une juridiction ou<br />
un notaire peut y avoir accès pour<br />
régler un problème soumis à son appréciation.<br />
En conséquence, la situation<br />
<strong>de</strong>s personnes protégées est <strong>de</strong>venue<br />
insupportable.<br />
AEC. : Le régime <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s<br />
majeurs n’est-il pas finalement détourné<br />
<strong>de</strong> son but initial ?<br />
J-P D. :Le régime <strong>de</strong> protection patrimonial<br />
et personnel <strong>de</strong>s majeurs incapables est<br />
effectivement aujourd’hui dévoyé.<br />
Près <strong>de</strong> 700.000 Français sont actuellement<br />
placés sous tutelle ou curatelle, en<br />
raison, selon les cas, d’une altération <strong>de</strong><br />
leurs facultés mentales ou physiques, ou<br />
parce que, d’après la loi du 3 janvier 1968,<br />
leur « prodigalité », « intempérance » ou<br />
« oisiveté » les rend particulièrement vulnérables.<br />
Or, le régime français <strong>de</strong> protection<br />
<strong>de</strong>s majeurs n’est pas adapté à notre<br />
société. Les injustices qu’il engendre sont<br />
d’autant plus inadmissibles qu’elles affectent<br />
nos concitoyens les plus fragilisés.<br />
AEC. : La réforme du régime <strong>de</strong>s<br />
tutelles fait partie <strong>de</strong> vos priorités<br />
<strong>de</strong>puis 2005. A quoi la lenteur <strong>de</strong> la<br />
réforme peut-elle être attribuée selon<br />
vous ?<br />
J-P D. :Force est <strong>de</strong> constater que la<br />
volonté politique, dont l’origine remonte<br />
au dépôt du rapport FAVARD <strong>de</strong> 1999,<br />
confrontée aux signaux reçus par moimême<br />
tant en provenance <strong>de</strong> l’association<br />
<strong>de</strong>s juges d’instance, <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong><br />
gestion tutélaire que <strong>de</strong>s personnes protégées<br />
et <strong>de</strong> leurs ayants droit, se heurte à la<br />
difficulté relative au transfert <strong>de</strong>s mesures<br />
d’accompagnement social <strong>de</strong> l’Etat vers<br />
les départements.<br />
DOSSIER<br />
LA SITUATION DES PERSONNES<br />
PROTÉGÉES EST INSUPPORTABLE<br />
Entretien exclusif avec Jean-Paul Delevoye, Médiateur <strong>de</strong> la République<br />
Jean-Paul Delevoye<br />
Des négociations avec l’association <strong>de</strong>s<br />
départements sont actuellement en cours<br />
à mon initiative.<br />
L’inventaire du patrimoine<br />
AEC. : Quels seraient les principaux<br />
points, selon vous, qu’il faudrait modifier<br />
dans la loi du 3 janvier 1968 ?<br />
J-P D. : Le projet <strong>de</strong> réforme <strong>de</strong>s tutelles<br />
doit remédier aux différentes injustices<br />
que je viens d’évoquer et privilégier la<br />
liberté individuelle du majeur incapable<br />
au même titre que ses intérêts patrimoniaux.<br />
Le recueil du consentement du<br />
majeur avant l’ouverture d’une protection<br />
judiciaire ainsi que la limitation <strong>de</strong>s<br />
durées <strong>de</strong> placement constituent d’autres<br />
dispositions phares du projet <strong>de</strong> réforme.<br />
Face au manque <strong>de</strong> volonté politique et<br />
aux velléités d’ordre budgétaire, j’ai réaffirmé<br />
l’urgence qui s’attache à la mise en<br />
œuvre <strong>de</strong> ce projet <strong>de</strong> réforme.<br />
L’encadrement <strong>de</strong>s conditions d’accès à la<br />
gérance <strong>de</strong> tutelle et d’exercice constitue une<br />
priorité afin d’éviter certaines dérives et le<br />
sentiment <strong>de</strong> suspicion qui pèse actuellement<br />
sur l’ensemble <strong>de</strong> cette profession.<br />
C’est pourquoi, la création du statut <strong>de</strong><br />
« mandataire judiciaire <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s<br />
personnes », est notamment envisagée. Il<br />
conviendrait dès lors <strong>de</strong> fixer, dans les<br />
meilleurs délais, par l’insertion <strong>de</strong> dispositions<br />
spécifiques dans le co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’action<br />
sociale et <strong>de</strong>s familles, les conditions <strong>de</strong> qualification<br />
pour l’accès à la profession <strong>de</strong><br />
mandataire judiciaire. Celui-ci <strong>de</strong>vrait être<br />
soumis soit à une condition <strong>de</strong> formation<br />
obligatoire sanctionnée par un diplôme<br />
national, soit à <strong>de</strong>s conditions d’équivalences<br />
permettant la prise en compte <strong>de</strong> l’expérience<br />
professionnelle déjà acquise.<br />
Par ailleurs, les personnes physiques ou<br />
associations, mandataires judiciaires <strong>de</strong><br />
protection <strong>de</strong>s personnes, <strong>de</strong>vraient être<br />
incluses dans le droit commun <strong>de</strong> l’action<br />
sociale et médicosociale et être ainsi soumises<br />
à une procédure d’autorisation ou<br />
d’agrément formé auprès du représentant<br />
<strong>de</strong> l’Etat dans le département ou du prési<strong>de</strong>nt<br />
du conseil général selon que le<br />
financement <strong>de</strong> la mesure est assuré par<br />
l’Etat ou le département (article L. 3133<br />
du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’action sociale et <strong>de</strong>s<br />
familles). (Suite page 9)<br />
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