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DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE - INRP

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MANUEL GÉNÉRAL <strong>DE</strong> <strong>L'INSTRUCTION</strong> <strong>PRIMAIRE</strong><br />

une fois de plus, changeaient de suzerains, c'était,<br />

un morceau de notre chair qu'on nous arrachait.<br />

Et ces Français d'Alsace et* de Lorraine, ilis<br />

ne voulaient pas-qu'on les arrachât à là France.<br />

Ils l'ont prouvé en protestant solennellement:<br />

protestation tragique de leurs représentants à<br />

l'Assemblée nationale de. Bordeaux ('1874), au<br />

moment où l'a France, contrainte par la défaite,<br />

se résignait à libérer par cette rançon le reste<br />

de son territoire : « La revendication de nos droits<br />

reste à jamais ouverte à tous et à chacun dans l'a<br />

forme et dans la mesure que notre conscience nous<br />

dictera... Vos frères d'Alsace et de Lorraine, séparés<br />

en ce moment de la famille commune,,conserveront<br />

à la France,, absente de leur foyer, une<br />

affection filiale, jusqu'au jour où elle viendra y<br />

reprendre place. »<br />

Protestation non moins ferme et fîère, lors de<br />

la première séance à laquelle assistèrent, au<br />

Reichstag allemand, les- députés de l'Alsace-<br />

Lorraine annexée' à l'Empire (1874.) : « L'Allemagne^<br />

a excédé son droit... Nous ne trouvons rien<br />

dans les enseignements de la morale et de l'a justice,<br />

qui puisse faire pardonner notre amie.xion à<br />

votre Empire ; et notre raison se trouve en cela<br />

d'ticcord avec notre cœur... En nous choisissant<br />

tous tant que nous sommes, nos électeurs ont,<br />

avant tout,, voulu, affirmer leur attachement à leur<br />

patrie française... » Ils l'ont prouvé, — en quittant,<br />

par milliers et par milliers, leur pays natal,<br />

leur foyer, leurs intérêts, pour se-refaire une<br />

vie en France, plutôt que de devenir sujets<br />

allemands — et soldais allemands! Ils: l'ont<br />

prouvé; en- accumulant depuis près d'un dernif<br />

siècle, même sous- l'œil dir gendarme allemand*,<br />

l'es témoignages- de leurs regrets-,<br />

L'Allemagne, pendant! ce temps, présentait<br />

sa conquête comme un honneur, pour le conquis<br />

1 , n'admettait point qu'on lui résistât, et<br />

soulignait, inconsciemment, la différence destemps*<br />

Cette Alsace, qui, dans le Saint-Empire du<br />

moyen- âge, avait conservé, au prix d'un vague<br />

Hommage féodal, ses privilèges, ses- franchises*<br />

la voici, à l'heure précise où'la mère-patrie<br />

devenait République, la voici, tout à. coup, dans<br />

lh main d'un maître, le plus rude qui soit ! Partout,<br />

des fonctionnaires importés; du dehors,,<br />

tous plus ou moins gendarmes, passionnés de.<br />

discipline, surveillant les- paroles et les gestes<br />

de chacun; expulsions et amendes* prison et.<br />

forteresse ; la guerre à la langue française, poursuivie<br />

jusqu'aux enseignes et aux devanturesdés<br />

magasins-; l'inquisition dans les sociétés<br />

musicales ou sportives, l-'inquisilion dans les<br />

affaires cominercialbs; là proscription, 'en un<br />

mot, de tout ce qui est du pays. Il'exemple le<br />

plus typique de cette lutte où se heurtent, dbpu-is<br />

pius de quarante' ans, l'opiniâtre indépendance<br />

de l'un-et la hautaine brutalité de l'autre,<br />

ee furent les élections-de 1887, où, an;dgi'é les<br />

pires menaces, 1 Alsace-Lorraine envoya au<br />

Reichstag une députation plus nettement protestataire<br />

encore que la préoédente : d'où représailles<br />

de Bismarck et cet odieux « régime clés<br />

passeports », par lequel furent rendues impossibles,''pendant<br />

plusieurs années, toutes relations<br />

personnelles entre les Alsaciens restés en<br />

Alsace et leurs parents ou amis de France : les<br />

fils arrêtés à la frontière, à un quart d'heure.de<br />

«- chez eux », où leurs vieux se meurent,, des<br />

frères-séparés à, jamais, là maison familiale; à<br />

jamais interdite, — tous les Alsaciens ont connu<br />

ces horreurs, et ils-s'én souviennent.<br />

Dans, dé telles conditions-, l'es- Alsaciens ne<br />

pouvaient êft-e-que des- Miss-Deutëch. « des Allemands<br />

par force », et la France, de son côté, ne<br />

•pouvait détacher sa pensée de KAlsace-Larnaine.<br />

On se rappelle la belle image par laquelle Jaurès<br />

illustra celte situation douloureuse : « Vous bâtissez<br />

un mur dans l'épaisseur de la forêt, à Ira-<br />

vers les grands arbres. Les racines se rejoignent<br />

dans- le sol" et lies branches dans le ciel. La forêt<br />

n'a qu'une âme. » Personne au monde, sauf un<br />

Allemand, ne pourrait reprocher à la France,<br />

vaincue et démembrée, de ne pas s-'être livrée -à<br />

l'Allemagne dans-une hypocrite accolade de réconciliation.<br />

Pourtant la France n'a pas pris les<br />

armes, depuis quarante-cinq ans. Elle-n'a répondu<br />

par la guerre à aucune des provocations<br />

que les Allemands ont accumulées depuis Vautre<br />

guerre, ni en 1I37S sous la menace d'une nouvelle<br />

violence, ni en 1887 (affaire Schnaeble), ni en<br />

1905-1908 (Maroc), ni même à la veille (le 1914<br />

lors des incidents de Nancy, dè Lunéville, de<br />

Saverne. EOe reculait, elle, devant la monstruosité<br />

de la guerre. Et'si elle a mobilisé en 1®14,<br />

c'est qu'il lui fallait se battre ou disparaître :<br />

l'Allemagne voulait, de propos délibéré', recommencer<br />

le coup de -1870, en grand.<br />

Au contraire, maintenant que là guerre est,<br />

elle ne peut-pas se terminer sans que la question<br />

soit résolue.<br />

Il le faut pour la justice et pour la p>aix. L'évacuation<br />

des pays, occupés par l'ennemi depuis<br />

1914' ne serait, pas suffisante sans l'évacuation<br />

des- départements français occupés par l'ennemi<br />

depuis 18-71; oubien.ee serait reconnaître que<br />

l'Allemagne a eu raison d'essayer...,, puisque le<br />

second attentat lui. rapporterait encore quelque<br />

chose : la consécration du. résultat acquis parle<br />

premier.. Et l'Allemagne, .-assurée d'ans sa conquête,<br />

montrerait, dès le lendemain*, des avidités<br />

nouvelles. « Il n'y arien à faire avec Ges-genslà<br />

»,. me disait, à Strasbourg; peu de temps avant<br />

-1914, un vieil Alsacien pondéré dans ses jugements<br />

r «tant qu'ils ont là force, les autres ne<br />

sont, bons qu'à être leurs esclaves ». Or, matériellement<br />

et moralement* la possession de l'Alsace<br />

les. laisserait très forts-.<br />

Il le faut pour la, France. Sans l'Alsace-torraine,,elle<br />

resterait'lia France diminuée, qu'elle<br />

a été pendant quarante-cinq:ans, et les sacrifices<br />

qu'elle fait depuis trois-ans pour la liberté, —<br />

non pour la sienne seule ! — n'auraient.pas leur<br />

compensation légitime. Devant l'étranger, depuis<br />

1871, 'ces deux mots: Alsace-Lorraine, ont pris<br />

une valeur symbolique; la France restera la<br />

grande vaincue jusqu'à ce que réparation soit<br />

faite, visible àdous lës-yeux, par l'a réintégration<br />

de- ses quatre département» dans la- carte de<br />

France.<br />

Il le faut pour l'A Isace et il le faut pour la démocratie.<br />

Démocrates par tempérament' et par<br />

tradition, les-Alsaciens ont souffert plus que personne<br />

de ce caporalisme que les Allemands voulaient<br />

étendre à toutes les nations, .sur toutes.<br />

les nations, contre toutes les nations-. 11 faut<br />

que le retour de l'Alsace à la France marque un<br />

débit assez» fort au compte du militarisme prussien-pour<br />

le ruiner, un crédit assez fort au<br />

compte de la démocratie pour attirer à élle la<br />

•confiance du.monde entier.<br />

Georges <strong>DE</strong>wtACttE.

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