L'Os De Dionysos - Y'Books

— Je vous ferai toutefois remarquer, Père, que seuls
les cours d’occitan ont lieu de 12 heures à 13 heures, ou de
17 heures à 18 heures, répondis-je en surveillant ses
gestes désordonnés.
Il s’éloigna en souriant. J’entrai en classe. Quatorze
élèves occupés à disposer les tables en demi-cercle autour
de celle qui me servirait de bureau. Quatorze élèves, six
du Père Dieudonné, trois de 1re A, deux de 1re B, et ma
garde personnelle de 1re S3, Didier Marsan, Nadine Puyo
et Frédéric Duprat. Les « A » étaient rouges parce qu’ils
arrivaient du cours de gym, et Marsan en retard parce
qu’il venait de fumer sa rituelle cigarette, derrière la salle
de géographie, à la barbe de Bernard Bernardini. Marsan
a toujours su que je savais. Aussi me portait-il, de temps
en temps, du foie gras dans les traditionnels bocaux Le
Parfait.
J’avais fait photocopier par le frère Lartigue, préposé
à la duplication, un extrait du Chant Nuptial de Pey de
Garros, poète gascon du xvi e siècle. Je m’assis à ma table,
ouvris mon cartable, sortis le paquet de photocopies et
commençai la distribution. Je lus le texte lentement. Je
l’avais répété plusieurs fois à voix haute, pour déjouer les
pièges de la graphie archaïsante. Je voulais qu’ils goûtent
la langue paysanne et noble de Pey de Garros. Je voulais
qu’ils reçoivent en plein cœur ses renaissantes
percussions.
— C’est beau, dit un élève de 1re A.
— C’est vrai, c’est beau! Tu veux dire quelque chose,
Marsan?
— Oui! Je trouve marrant d’entendre parler, en classe,