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I<br />
« LONGTEMPS je me suis branlé de bonne heure, dans la<br />
forêt, non loin de la départementale qui, chaque jour, relie<br />
Sarrouilles à Tarbes. Chemise ouverte, je courais à<br />
travers les fougères constellées de rosée, dans l’odeur des<br />
lichens, des mousses, bouche ouverte, les bras dans les<br />
ciseaux des feuilles, jusqu’à cette tache sombre, celle que<br />
dessinent au petit matin les buissons plus épais barrant la<br />
route des palombières. Là, immobile, le pantalon baissé,<br />
pareil aux mioches qui appellent leur mère pour qu’elle<br />
les torche, la main serrée autour de moi-même,<br />
j’abandonnais à la terre ma propre liqueur, dans une<br />
ivresse qui, chaque fois, me rapprochait des arbres, des<br />
ruisseaux, des pierres et de l’œil du coucou. »<br />
Je donnerai une suite à ces lignes, à ces mots qui font<br />
toc toc au carreau de la tête. Inspecteur Colombo en<br />
mission ultra-secrète, je les interrogerai plus avant. Ils<br />
livreront des pans entiers de ce qui fut moi-même. Ils me<br />
diront qui je suis.<br />
Je reposai mon style encre – le superbe Mont Blanc<br />
offert par Laure – sur le bureau Empire où j’avais<br />
l’habitude d’écrire. Je dis bien « écrire », je ne dis pas<br />
« travailler ». Je ne suis pas un tâcheron, moi! Je me<br />
shoote aux syllabes, je me refile des overdoses de rythme,<br />
j’écris, c’est tout. J’humai une dernière fois l’odeur de la<br />
feuille imbibée d’encre noire. Quelques points sur les i<br />
étaient encore humides. Un paragraphe de plus, pensai-je,<br />
de ce texte enfoui, ample, et qui veut naître. Nous