Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
XXII<br />
JE tutoie Ursula Ossi. Ce détail a dû vous frapper. Au<br />
collège Notre-Dame-de-la-Frondaison, il existe deux<br />
catégories de professeurs. Ceux qui tutoient Ossi, et ceux<br />
qui la vouvoient.<br />
La tutoient ceux qui sont entrés au collège, avant<br />
qu’elle n’exerce, dans ce paisible établissement<br />
campagnard, les fonctions de directrice du second cycle.<br />
C’est mon cas. Lors de mon arrivée au collège, Ursula Ossi<br />
était professeur de mathématiques parmi d’autres, avec<br />
son cartable en simili cuir, une espèce de sac rigide à<br />
bretelles, qui pendait à son épaule, et qui, quand elle<br />
marchait trop vite, tapait sur son gros cul. Nous<br />
entretenions à l’époque des rapports humains<br />
remarquables. Nous nous croisions dans la cour. Quand il<br />
pleuvait, nous nous disions : « Il pleut! » Quand il faisait<br />
beau, nous nous disions : « Il fait beau! » Elle me souriait.<br />
À l’époque, je lui souriais aussi.<br />
Un professeur de mathématiques parmi d’autres, mais<br />
pas comme les autres. Ursula Ossi, en effet, jouissait de<br />
l’estime du Père Elbeuf, ce que personne d’autre n’a<br />
jamais pu revendiquer. Elle en jouit encore. Elle est<br />
toujours la seule. Ça fait partie de son bonheur. <strong>De</strong> plus,<br />
elle était la patronne du syndicat. Elle s’agitait beaucoup,<br />
avec ses deux copines, Julie Dorgan et Claudia Cachot,<br />
tracteuses, afficheuses, punaiseuses, questionneuses tout<br />
terrain bref, de parfaites militantes. Je ne dis pas de base.<br />
Ce serait un pléonasme. Leur but : « transformer les