L'Os De Dionysos - Y'Books

maison de Larreule, voilà plus de dix ans. J’étais interne à
Paris et n’avais assisté ni à sa mort ni à son enterrement.
Je tiens beaucoup à cette chaise. Ma mère le sait. Elle est
en permanence dans ma chambre. J’avais été la chercher
moi-même, à Larreule, avant que les sœurs de mon père
ne l’obligent à vendre la maison, avec les pommiers
biscornus, les rosiers grimpants et le jardin donnant sur la
rivière. Mon père y péchait. Ma mère avait peur qu’on s’y
noie.
Dans l’après-midi, Mémé allait mieux. Le mieux de la
mort, dira plus tard un de mes oncles… Son état empira
dans la soirée. J’étais dans la chambre, avec le médecin, et
mon oncle Laurent, le frère jumeau de ma mère. J’étais
debout contre la fenêtre. Mon oncle Laurent, à genoux au
pied du lit, tenait la tête de mémé dans ses bras. Elle
mourait doucement dans mon lit. Le médecin sortit une
seringue et s’approcha d’elle. Je crois bien qu’il ne parvint
pas à la piquer. Mon oncle baissa la tête : Mémé venait de
mourir. Le médecin pratiqua aussitôt un massage
cardiaque. Il tapa sur la poitrine de ma grand-mère à
coups de poing. Des coups de poing violents et rapprochés.
Elle se mit à râler, son corps secoué de spasmes
rebondissait sur le lit ouvert, sa bouche horriblement
tordue prononçait des mots incompréhensibles, ses yeux
étaient exorbités, son bras se levait vers le ciel, puis se
relevait aussitôt, comme pour dénoncer cet orage
imprévu. Elle poussa un cri rauque et mourut une
seconde fois.
Je ne pleurais pas. Je la revoyais à Aureilhan, avec sa
veste en îaine des Pyrénées, son chignon bas, ses yeux