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FEU ET LUMIERES - Institut du Monde Arabe

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mamelouk, abandonné par son propriétaire après la<br />

bataille des Pyramides », précise l’inspecteur général<br />

honoraire des bibliothèques, Yves Laissus, dans le<br />

catalogue de l’exposition. L’<strong>Institut</strong> compte 36 membres,<br />

choisis parmi les personnalités les plus éminentes<br />

de la Commission, et est appelé à se réunir « deux<br />

fois par décade ». C’est dans cette enceinte qu’on<br />

débattra, notamment, de deux théories cruciales pour<br />

l’histoire des sciences : l’explication par Gaspard<br />

Monge <strong>du</strong> phénomène des mirages – cette illusion<br />

dont il a lui-même souffert lors de sa marche<br />

éprouvante avec l’armée d’Orient dans le désert –, et<br />

l’étude de Claude Berthollet sur les lacs de natron –<br />

d’où est extraite la soude (ou natron) qu’exporte<br />

l’Egypte depuis l’Antiquité –, qui le con<strong>du</strong>ira à<br />

remettre en cause la thèse, dominante à l’époque, des<br />

affinités électives et à avancer l’idée novatrice<br />

d’« équilibre chimique », fondamentale pour<br />

l’avènement de la chimie moderne.<br />

Dans d’autres palais, contigus, sont installés une<br />

bibliothèque, une ménagerie, de nombreux laboratoires,<br />

ateliers et magasins « où l’on dépose des collections<br />

de toute sorte, en augmentation rapide ». C’est de ce<br />

« quartier de l’<strong>Institut</strong> », véritable cité scientifique,<br />

que partent les missions ; c’est là aussi qu’on recueille<br />

les matériaux d’une enquête approfondie sur un pays<br />

qui fascine ces hommes qu’on appelle les « savants »<br />

pendant leur séjour en Egypte et qui, rentrés en<br />

France, deviendront les « Egyptiens » ; leur énorme<br />

moisson donnera naissance à cet ouvrage unique et<br />

monumental que sera la Description de l’Egypte.<br />

Abd al-Rahman al-Jabarti constate à propos de<br />

l’<strong>Institut</strong> et de ses dépendances que : « Si un<br />

Musulman voulait entrer pour visiter l’établissement,<br />

on ne l’en empêchait point, on le recevait au contraire<br />

avec amabilité ». Les instruments qu’il découvre –<br />

télescopes, horloges de précision… – et les expériences<br />

auxquelles il assiste – phénomènes d’électrostatique,<br />

chimie… – le déconcertent. Il oscille entre des sentiments<br />

divers, parfois opposés. Ainsi éprouve-t-il, à<br />

l’occasion, une fascination admirative : « On nous fit<br />

encore d’autres expériences toutes aussi extraordinaires,<br />

que des intelligences comme les nôtres ne pouvaient<br />

ni concevoir ni expliquer… ».<br />

En d’autres circonstances, en revanche, quand les<br />

savants tentent de faire voler une montgolfière sur la<br />

place de l’Ezbékieh <strong>du</strong> Caire, le 30 novembre 1798,<br />

Jabarti en rend compte « avec un mélange<br />

d’irritation et de moquerie », trouvant la chose<br />

« aussi puérile qu’un jeu de cerf-volant, alors que les<br />

Français voulaient en faire une démonstration de<br />

puissance », ainsi que l’écrit, dans le catalogue de<br />

l’exposition, Jean-Marc Drouin, historien des sciences<br />

au Muséum National d’Histoire Naturelle.<br />

Mais ce qu’aperçoit, ce que pressent Jabarti est<br />

« ce qui différencie les “intelligences” française et<br />

égyptienne : c’est une nouvelle disposition de l’esprit,<br />

qui porte les Français à faire confiance à leur raison et<br />

à leur expérience plutôt qu’à des arguments<br />

d’autorité, à douter plutôt qu’à croire, à questionner<br />

les évidences plutôt qu’à s’y soumettre, à rechercher<br />

l’innovation plutôt qu’à la fuir », ainsi que le définit<br />

Mahmoud Hussein, dans le catalogue de l’exposition.<br />

Toutefois, comme le souligne l’historien Ahmed Ezzat<br />

Abd el-Karim : « Les relations des Egyptiens avec la<br />

civilisation occidentale étaient peu développées<br />

pendant la période de l’expédition elle-même ». Et<br />

peu nombreux sont ceux qui, parmi eux, à l’instar d’un<br />

Jabarti, ont, dès ce moment, assez de hauteur de vue<br />

pour établir un lien entre le « progrès » et les valeurs<br />

de la culture occidentale, ainsi que le fera ensuite,<br />

pendant tout le XIX e siècle, une partie des élites<br />

politiques et culturelles <strong>du</strong> pays.<br />

Outre l’<strong>Institut</strong>, toute une série d’institutions<br />

essentielles sont créées au Caire, pour la plupart à<br />

proximité de la place de l’Ezbékieh, la plus grande de<br />

la ville, où se trouve également installé le quartier<br />

général de l’armée d’Orient. Ainsi d’un Hôtel de la<br />

Monnaie, dirigé par l’ingénieur Samuel Bernard, d’une<br />

Manufacture des Poudres, confiée au chimiste<br />

Jean-Pierre Champy, des Ateliers de mécanique,<br />

placés sous la direction de Nicolas Conté, et « capables<br />

de subvenir à presque tous les besoins des<br />

Français : on y fabriquera <strong>du</strong> carton, des instruments<br />

de topographie, des lames de sabre, <strong>du</strong> drap<br />

d’uniforme, des trompettes pour la cavalerie »,<br />

comme en rend compte Yves Laissus.

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