FEU ET LUMIERES - Institut du Monde Arabe
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C’est une telle mise à distance qu’on peut voir à l’œuvre,<br />
par exemple, dans le travail d’un Edward William Lane,<br />
An account of the Manners and Customs of the Modern<br />
Egyptians (1836), ouvrage qui impose « la nouveauté<br />
d’un regard en partie préparé par l’œuvre française<br />
[la Description] » et « annonce, sans se départir de sa<br />
culture occidentale, la méthode de l’anthropologie<br />
moderne », toujours selon Christine Peltre.<br />
De la même façon, « la grande entreprise de la<br />
Description de l’Egypte marque un tournant décisif<br />
dans [le] processus de reconnaissance » de l’art et de<br />
l’architecture islamiques, ainsi que l’écrit, dans le<br />
catalogue, Aurélie Clemente-Ruiz, chargée de<br />
collection et d’expositions à l’IMA. A cet égard, les<br />
publications de l’« Egyptien » Jean-Joseph Marcel,<br />
celles de l’ingénieur Émile Prisse d’Avennes et de<br />
l’architecte Pascal Coste – qui travailleront au service<br />
de Muhammad Ali –, bientôt suivies de celles de<br />
plusieurs photographes, sauront élargir la curiosité <strong>du</strong><br />
public pour une culture islamique jusque-là confinée à<br />
des cercles très restreints. Parallèlement, se constituent<br />
les premières collections importantes d’antiquités<br />
et d’art islamiques. Sans doute faut-il « attendre la<br />
seconde moitié <strong>du</strong> XIX e siècle pour que l’art islamique<br />
devienne visible au plus grand nombre » et qu’on en<br />
« découvre les richesses et la magnificence », remarque<br />
A. Clemente-Ruiz, qui ajoute : « Paris apparaît<br />
alors comme la capitale des arts islamiques ».<br />
En 1801, lors <strong>du</strong> retour en France de l’armée d’Orient,<br />
pas moins de sept cent soixante « Grecs, Coptes et<br />
Mamelouks » ont embarqué avec elle. Ces hommes<br />
ont ainsi constitué un des vecteurs de l’intérêt<br />
grandissant des Français pour l’Orient et la culture<br />
arabo-islamique, certains d’entre eux ne cessant<br />
d’œuvrer « pour les retrouvailles de mondes séparés<br />
depuis plusieurs siècles », selon les mots de Daniel<br />
Lançon, professeur de littérature à l’Université<br />
Stendhal-Grenoble, dans l’article <strong>du</strong> catalogue<br />
consacré aux Lettrés d’Egypte en France au début <strong>du</strong><br />
XIX e siècle. Occupant les chaires d’« arabe vulgaire »,<br />
donnant les premières tra<strong>du</strong>ctions littéraires <strong>du</strong><br />
français vers l’arabe, rédigeant manuels et dictionnaires,<br />
travaillant de conserve avec les plus grands spécialistes<br />
français – tels Sylvestre de Sacy ou Caussin de Perceval<br />
–, ils contribuent de façon décisive à l’essor des études<br />
arabes et orientalistes en France.<br />
Paris permettent à quelque trois cents jeunes esprits<br />
de se former aux techniques militaires, à l’in<strong>du</strong>strie et<br />
à l’administration », relate encore Daniel Lançon.<br />
Plusieurs, parmi ces « boursiers de Muhammad Ali »,<br />
rentrés dans leur pays après leur formation en<br />
France, seront des acteurs importants de la modernisation<br />
de l’Egypte et constitueront – selon les termes<br />
de l’historien Patrice Bret, responsable scientifique<br />
<strong>du</strong> Département d’histoire à la direction générale de<br />
l’armement, dans le catalogue de l’exposition – « un<br />
trait d’union entre l’expédition et la renaissance<br />
égyptienne (Nahda) ». Ainsi, entre autres, d’Ali<br />
Moubarak et de Rifaa al-Tahtawi… ce dernier se rendant<br />
célèbre par la publication de la relation de son séjour<br />
dans la capitale française – parue dès 1835 sur les<br />
presses de l’Imprimerie officielle de Boulaq, au Caire –<br />
et connue, en français, sous le titre de L’Or de Paris…<br />
Ce Paris, affectionné par le jeune cheikh et étudiant<br />
Rifaa al-Tahtawi, est aussi l’objet d’attentions de la part<br />
<strong>du</strong> maître de l’Egypte, Muhammad Ali, qui la dote<br />
d’abord d’une girafe – accueillie par le Jardin des<br />
Plantes en 1826 –, puis d’un obélisque, érigé sur la place<br />
de la Concorde en 1836. Trois décennies plus tard, en<br />
1867, l’Egypte est à l’honneur à l’occasion de la tenue<br />
de l’Exposition universelle de Paris ; ainsi que l’écrit<br />
Marie-Stéphanie Delamaire, doctorante à<br />
l’Université de Columbia (E.U.), dans le<br />
catalogue de l’exposition, plusieurs bâtiments<br />
attestent, en cette circonstance, « des<br />
ambitions <strong>du</strong> souverain égyptien, Ismaïl<br />
Pacha [petit-fils de Muhammad Ali], pour<br />
son pays et sa dynastie », témoignant<br />
tout à la fois de la richesse archéologique<br />
et historique de l’Egypte et de<br />
ses aspirations à la modernité.<br />
« C’est dans un tout autre état d’esprit, qu’entre 1826<br />
et 1848, les "Missions" scolaires et universitaires de