FEU ET LUMIERES - Institut du Monde Arabe
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Cependant, « de simple ferme<br />
fiscale temporaire, l’iltizam se<br />
sienne, qui s’assure un pouvoir<br />
quasi-monarchique et<br />
transforme au XVIII e siècle en<br />
une complète autonomie. Le<br />
quasi propriété privée au profit<br />
<strong>du</strong> multazim. Grâce à des astuces<br />
juridiques, il devient transmissible<br />
héréditairement, gageable voire<br />
vendable. (…) Les Mamelouks en<br />
contrôlent près de deux tiers. Les<br />
autres sont possédés par les<br />
grands chefs religieux et les grands<br />
Pacha est déposé pendant<br />
toute la <strong>du</strong>rée de son règne.<br />
Ali Bey ne s’acquitte jamais<br />
<strong>du</strong> tribut dû à la Porte, fait<br />
frapper monnaie à son nom<br />
et tente même de conquérir<br />
la Syrie aux dépens de la<br />
Porte. Ou de son successeur,<br />
commerçants égyptiens », précise<br />
Abou Dahab (1772-1775),<br />
H. Laurens.<br />
ancien lieutenant d’Ali Bey<br />
avant de s’opposer à lui et de<br />
Portrait <strong>du</strong> Sheikh el-Bakri - Michel Rigo<br />
Par ailleurs, les Mamelouks<br />
Musée national <strong>du</strong> Château de Versailles<br />
le vaincre. Abou Dahab gouverne<br />
s’emploient à phagocyter petit<br />
© RMN. Photo : Daniel Arnaudet / Gérard Blot<br />
en bonne intelligence<br />
à petit les milices de janissaires. Le système de<br />
gouvernement ottoman ne fonctionne vraiment que<br />
pendant quelques décennies. En 1586, le Pacha,<br />
nommé par Istanbul, est pour la première fois déposé<br />
– ce ne sera pas la dernière. Les Mamelouks chargent<br />
l’un de leurs pairs de l’intérim en attendant que la<br />
avec les ulémas, rétablit des relations normales avec<br />
la Porte, fait revenir un Pacha, s’acquitte <strong>du</strong> tribut dû<br />
à l’Empire et règle même les annuités de retard <strong>du</strong><br />
temps d’Ali Bey… ce qui ne l’empêche pas, pour<br />
autant, de se lancer lui aussi à la conquête de la Syrie<br />
– équipée au cours de laquelle il trouvera la mort…<br />
Porte nomme un nouveau Pacha. On prend soin,<br />
toutefois, d’acquitter le tribut annuel dû à l’Empire. Dès<br />
lors, Istanbul, qui ne peut faire autrement que de<br />
s’accommoder de la situation, renvoie en Egypte des<br />
Pachas, démunis d’autorité, qui ne peuvent guère<br />
s’employer qu’à attiser les rivalités entre Mamelouks,<br />
espérant éviter de la sorte que le pouvoir n’échappe<br />
tout à fait à la Porte.<br />
C’est le cas encore d’Ismaïl Bey, puis d’Ibrahim Bey et<br />
de Mourad Bey, qui vont ensuite se partager le<br />
pouvoir sur l’Egypte pendant toute la fin <strong>du</strong> siècle,<br />
Bonaparte et son armée trouvant « aux affaires »,<br />
lors de leur arrivée, les deux derniers nommés. Le<br />
« <strong>du</strong>umvirat » – pour reprendre le terme d’André<br />
Raymond – constitué par les deux émirs, sonne pour<br />
le pays le début d’une ère de violences et d’exactions<br />
La lutte est âpre parmi les beys. Des factions se créent. dont sont victimes tant les paysans que les minorités<br />
Pendant tout le XVII e siècle, la vie politique se et les commerçants étrangers établis en Egypte.<br />
caractérise « par un exercice collectif <strong>du</strong> pouvoir,<br />
la riyasa, assurée plus ou moins harmonieusement<br />
par un petit groupe d’émirs mamelouks et d’officiers<br />
supérieurs (katkhouda) des milices de janissaires, avec<br />
des interventions épisodiques <strong>du</strong> Pacha (au risque<br />
pour ce dernier d’être déposé en cas de conflit) », écrit<br />
André Raymond.<br />
Soucieuse de rétablir l’ordre ottoman, la Porte, en<br />
1786, envoie une armée qui chasse Ibrahim et Mourad<br />
<strong>du</strong> Caire. Suivant la con<strong>du</strong>ite habituelle des<br />
Mamelouks, ceux-ci vont se réfugier en Haute-Egypte.<br />
C’est alors que le commandement ottoman adopte<br />
une démarche qu’Henry Laurens qualifie de « proprement<br />
révolutionnaire », qui « consiste, pour la<br />
première fois, à opposer directement la classe des<br />
Autour de ceux des beys mamelouks dont les<br />
personnalités sont les plus fortes, se constituent de<br />
vraies « maisons » (bayt) qui, dès le début <strong>du</strong> XVIII e siècle,<br />
vont dominer la scène politique. L’une d’entre elles – la<br />
dominés (“les sujets d’Egypte”) à la classe<br />
dirigeante ». Quand le pouvoir devient inique, il se<br />
disqualifie lui-même et l’insurrection, légitimée par les<br />
ulémas, devient pour le peuple un devoir.<br />
Qazdaghliyya – modeste à ses débuts et fondée par un<br />
militaire originaire d’Anatolie devenu katkhouda, donnera<br />
à l’Egypte une impressionnante série de<br />
katkhouda puis de beys qui exerceront leur pouvoir<br />
jusqu’à la fin <strong>du</strong> siècle – et l’arrivée de Bonaparte en<br />
Egypte –, avec des fortunes et des ambitions diverses.<br />
Ainsi d’Ali Bey (1765-1773), émir d’origine circas-<br />
L’armée ottomane confisque les biens des Mamelouks<br />
et les poursuit jusqu’à Assouan ; elle ne tarde pas à<br />
constater – ainsi que s’en apercevront les Français<br />
douze ans plus tard – que « les Mamelouks sont les<br />
maîtres de cette guerre de mouvement (…), insaisissables,<br />
ils sont impossibles à détruire », comme l’écrit