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FEU ET LUMIERES - Institut du Monde Arabe

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au début de l’année 1801. Il est adjoint au commandement<br />

d’un corps de 4 000 hommes, albanais pour la<br />

plupart, recrutés par la Porte pour bouter les Français<br />

hors d’Egypte.<br />

Il n’a guère le temps de se battre contre l’armée<br />

française avant le départ de celle-ci mais parvient vite<br />

à prendre un fort ascendant sur ses propres troupes,<br />

puis sur l’ensemble des contingents albanais en<br />

Egypte. Doué pour l’intrigue, manipulant une faction<br />

contre une autre, jouant les beys mamelouks contre le<br />

gouverneur ottoman, ou l’inverse, s’aidant d’alliances<br />

avec les ulémas, les notables urbains, voire avec les<br />

clans bédouins, Muhammad Ali sait mieux que nul<br />

autre accaparer le pouvoir en cette période de<br />

vacance et de troubles. Son ascension est fulgurante.<br />

En 1805, constatant qu’il est devenu incontournable,<br />

et entérinant, comme à son habitude, une situation de<br />

fait, la Sublime Porte se résout à nommer gouverneur<br />

cet homme dont Victor Hugo dira, plus tard, qu’« il est<br />

à Napoléon ce que le tigre est au lion » !<br />

Faut-il penser qu’ensuite, parvenu au faîte <strong>du</strong> pouvoir,<br />

Muhammad Ali se soit inspiré de Bonaparte, « réalisant<br />

les projets ambitieux dont avait rêvé le jeune<br />

général français lors de son court séjour », ainsi que<br />

s’interroge Khaled Fahmy Les choses ne sont, sans<br />

doute, pas aussi simples. Ce qui est certain, en revanche,<br />

c’est que le nouvel homme fort de l’Egypte a<br />

compris que les temps avaient changé…<br />

La présence française, pendant le moment de l’expédition,<br />

s’était faite le vecteur des valeurs républicaines de la<br />

Révolution : « on décèle à coup sûr la trace subversive<br />

laissée dans les esprits par les concepts républicains<br />

qui ont inspiré certaines mesures prises par les<br />

Français. La consultation des élites par Bonaparte, le<br />

droit à la parole, les rudiments de rationalité administrative<br />

et de justice impartiale sont dans toutes les<br />

mémoires (…). Le despotisme arbitraire, arriéré et<br />

chaotique des Mamelouks a fait son temps.<br />

Muhammad Ali y mettra fin. Ayant pris le pouvoir à la<br />

faveur de la vague populaire, il instaurera un<br />

despotisme nouveau, centralisateur et modernisateur,<br />

qui fera largement appel aux savoirs et aux<br />

techniques françaises. Mais des notions de liberté,<br />

d’égalité, il ne sera plus question. Al-Jabarti, jusqu’à<br />

sa mort en 1824, ne s’en consolera pas », écrit<br />

Mahmoud Hussein. Ce que souhaite par-dessus tout<br />

Muhammad Ali, c’est asseoir sur le pays son pouvoir,<br />

Portrait d’Ibrahim Pacha - Philippe Larivière, 1846<br />

Musée national <strong>du</strong> Château de Versailles - © RMN. Photo : Gérard Blot<br />

celui de sa famille, de sa maison, de sa dynastie – qui<br />

reste à créer et qui gouvernera effectivement<br />

l’Egypte, avec une maîtrise <strong>du</strong> pouvoir variable,<br />

jusqu’en 1952.<br />

La modernité, pour lui, n’est qu’un moyen de parvenir<br />

à ses fins, moyen qu’il ne mettra véritablement en<br />

œuvre qu’en un second temps d’un long règne qui<br />

<strong>du</strong>rera jusqu’en 1848. Il faudra pour cela qu’il soit<br />

d’abord parvenu à éliminer tous ses opposants ; à cet<br />

égard, le massacre de la Citadelle, où il se débarrasse<br />

d’un seul coup de quelque quatre cents chefs<br />

mamelouks, marque fortement les esprits. Il faudra<br />

aussi qu’il ait réussi à mettre en place d’importantes<br />

réformes fiscales et agraires, au premier rang<br />

desquelles l’abrogation de l’iltizam. Dès lors, à partir<br />

des années 1815, les premiers projets in<strong>du</strong>striels<br />

voient le jour.<br />

Il s’agit principalement de remplacer les pro<strong>du</strong>its<br />

d’importation et d’équiper les forces armées. Des<br />

usines de munitions sont créées, mais aussi des<br />

manufactures de textiles, d’indigo, des raffineries de<br />

sucre, des tanneries, des moulins à riz. L’intro<strong>du</strong>ction<br />

de la culture <strong>du</strong> coton à fibres longues, par l’ingénieur<br />

Jumel, rapporte au pays d’énormes profits. Dotant<br />

l’Egypte d’un système de monopoles, Muhammad Ali<br />

pose les bases d’un Etat centralisé, s’entourant, dès<br />

l’origine, d’experts européens, principalement<br />

français.

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