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FEU ET LUMIERES - Institut du Monde Arabe

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Ainsi, également, d’une Imprimerie nationale, à la tête<br />

de laquelle on trouve le jeune orientaliste Jean-Joseph<br />

Marcel. Celle-ci publie en deux langues, français et<br />

arabe, des documents administratifs, des affiches et<br />

quelques ouvrages savants. Paraissent aussi les deux<br />

premiers périodiques jamais publiés en Egypte :<br />

Le Courrier de l’Egypte, qui reprend l’ordre <strong>du</strong> jour<br />

dicté par le général en chef, et La Décade égyptienne,<br />

qui rend principalement compte des travaux de<br />

l’<strong>Institut</strong>.<br />

Bonaparte entreprend aussi de mettre en place une<br />

nouvelle administration destinée à remplacer celle des<br />

Mamelouks. Le système fiscal est réformé. La plus<br />

grande partie des iltizam est transformée en biens<br />

nationaux (comme on avait fait, en France, avec les<br />

propriétés des contre-révolutionnaires !). On instaure<br />

des diwan provinciaux à l’image de celui <strong>du</strong> Caire…<br />

Tout ne va pas sans heurts… Les proclamations<br />

de Bonaparte affirmant qu’il agit avec<br />

le consentement de la Porte ont exaspéré les<br />

autorités ottomanes. Peu de jours après que lui est<br />

parvenue la nouvelle de la destruction de la flotte<br />

française, le sultan Sélim III entre en guerre : la<br />

France a odieusement trahi l’amitié traditionnelle<br />

qui la lie à l’Empire ottoman… Et pour lutter contre<br />

l’agression française, la Porte fait appel à la solidarité<br />

de l’ensemble des Musulmans… De plus, les protestations<br />

de foi musulmane de Bonaparte ont suscité,<br />

parmi la population égyptienne, plus de méfiance et<br />

d’incompréhension que d’enthousiasme ou de réelle<br />

adhésion. Le Caire gronde : la révolte (fitna) est dans<br />

l’air ; sans qu’on sache très bien qui l’a fomentée –<br />

ulémas de rang inférieur, étudiants d’al-Azhar, habitants<br />

des quartiers populaires… –, l’émeute éclate, le<br />

21 octobre 1798. Des manifestations se forment à partir<br />

des mosquées de Husayn et d’al-Azhar ; l’annonce<br />

de la mort d’un officier français – que la foule identifie<br />

à Bonaparte – met le feu aux poudres. Les demeures<br />

des Chrétiens et des Européens sont attaquées ;<br />

les scènes de pillage se multiplient. L’insurrection se<br />

généralise.<br />

Bonaparte la laisse se développer pendant toute la<br />

journée et la nuit, consacrant l’essentiel de son action<br />

à établir des positions d’artillerie pour foudroyer les<br />

centres de la révolte. Le lendemain matin, les<br />

bédouins des environs <strong>du</strong> Caire se rapprochent de la<br />

ville… Bonaparte envoie la cavalerie les contenir.<br />

Il charge les ulémas <strong>du</strong> diwan de parlementer avec<br />

les insurgés. Ceux-ci interprètent ce geste comme<br />

une preuve de faiblesse et refusent de recevoir les<br />

ulémas.<br />

L’impitoyable répression commence alors. Le 22 octobre<br />

vers midi, un bombardement général est déclenché.<br />

Toutes les zones tenues par les insurgés sont<br />

<strong>du</strong>rement frappées. Le quartier d’al-Azhar est particulièrement<br />

touché. Peu à peu, les insurgés se<br />

rendent. A l’aube <strong>du</strong> 23 octobre, l’ordre règne au<br />

Caire. Bonaparte intime au général Bon l’ordre de<br />

saccager la mosquée d’al-Azhar. Jabarti, consterné,<br />

rapporte le comportement de la soldatesque<br />

française : « Ils entrèrent dans la mosquée d’al-Azhar<br />

avec leurs chevaux qu’ils attachèrent à la qibla ; ils<br />

brisèrent les lampes, les veilleuses, les pupitres des<br />

étudiants ; ils pillèrent tout ce qu’ils trouvèrent dans<br />

les armoires ; ils jetèrent sur le sol les livres et le<br />

Coran, marchèrent dessus avec leurs bottes, urinant<br />

et crachant partout dans la mosquée » !<br />

Le bombardement <strong>du</strong> quartier d’al-Azhar fait<br />

plusieurs milliers de morts. L’épisode n’est pas de<br />

ceux qui contribuent à donner de l’expédition une<br />

image glorieuse… Actes de guerres. Aventure savante.<br />

Opérations de maintien de l’ordre. L’expédition est tout<br />

cela à la fois…<br />

Faut-il voir en celle-ci « l’événement décisif » qui<br />

permet à l’Egypte d’« advenir à la modernité » Ou,<br />

au contraire, une « aventure coloniale » qui altère<br />

l’unité <strong>du</strong> pays et brise l’élan d’un « Réveil arabe »<br />

déjà largement engagé Le débat sera difficile à<br />

clore, ainsi que le constate Imad Abou Ghazi, dans<br />

l’article <strong>du</strong> catalogue consacré à l’historiographie<br />

égyptienne de l’expédition. Si d’un côté, certains<br />

historiens, tel Fawzi Guiguis, estiment que « l’ébranlement<br />

d’une invasion qui n’était ni turque ni arabe, et<br />

ne se réclamait pas de la religion musulmane, fit<br />

sortir de leur sommeil » l’Egypte et les Egyptiens, et<br />

que, à l’instar d’Abd al-Rahman al-Rafei, « l’expédition<br />

française aura réveillé l’esprit national égyptien »,<br />

pour la raison que c’est « la résistance à l’expédition<br />

qui constituera le noyau d’où sortira l’esprit national<br />

égyptien », de l’autre, en revanche, prévaut la conviction<br />

que ce « moment de contact avec l’Occident<br />

n’aura fait que compromettre les possibilités d’une<br />

véritable renaissance ».

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