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Numéro 42 - Le libraire

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<strong>Le</strong> monde du livre<br />

L’éditorial de<br />

Stanley Péan<br />

De nouveaux espoirs<br />

Au risque de me répéter, je tiens à rappeler à quel<br />

point le bilan des actions du gouvernement Harper<br />

dans le domaine de la culture est peu reluisant. Au<br />

lendemain du remaniement ministériel qui voit<br />

arriver la Québécoise Josée Verner à la barre du<br />

Patrimoine canadien, il est permis de se demander<br />

si la volonté des conservateurs de gagner un<br />

deuxième mandat, cette fois avec une confortable<br />

majorité à la Chambre des communes, se traduira<br />

par des gestes concrets, susceptibles d’attirer la<br />

sympathie des milieux culturels.<br />

Dans la foulée de cette nomination, je me suis permis<br />

deux observations assez peu originales, sur lesquelles la<br />

plupart des observateurs de la scène politique se sont<br />

entendus : d’abord, qu’on pouvait provisoirement<br />

accueillir la venue d’une nouvelle ministre avec un brin<br />

de soulagement, puisqu’il lui serait difficile de faire pire<br />

que celle qui l’a précédée, l’impopulaire Bev Oda;<br />

ensuite, qu’il fallait garder la tête froide, compte tenu de<br />

la piètre performance du gouvernement en matière de<br />

culture.<br />

L’ensemble des milieux culturels canadiens gardera un<br />

souvenir amer du processus de répartition des crédits<br />

supplémentaires alloués au Conseil des Arts du Canada<br />

à l’occasion de son cinquantenaire. Du controversé programme<br />

de soutien à de nouvelles initiatives, auquel j’ai<br />

eu le malheur de participer à titre de juré dans le<br />

domaine de l’édition, on retiendra surtout l’insuffisance<br />

des fonds qui devait condamner à l’avance des projets<br />

pourtant pertinents, et alimenter de plus belle les rivalités<br />

et les querelles internes du milieu. Et si l’annonce<br />

en juillet d’une augmentation récurrente du budget du<br />

Conseil de 30 millions de dollars avait de quoi réjouir<br />

modérément, elle ne faisait pas pour autant oublier que<br />

les besoins réels nécessitaient une majoration cinq fois<br />

plus importante, d’ailleurs promise par les libéraux de<br />

Paul Martin avant leur défaite électorale de l’hiver<br />

2005/2006, ET initialement soutenue par les conservateurs<br />

de Harper.<br />

En dépit de toutes ces belles déclarations sur la sauvegarde<br />

de la diversité culturelle, à force d’espoirs déçus,<br />

de promesses non tenues, de signes d’indécision, Bev<br />

Oda a su attirer sur elle la grogne de l’ensemble des<br />

artistes et travailleurs culturels du pays. D’où une certaine<br />

méfiance à l’égard de Josée Verner. Cette<br />

méfiance nous empêchera-t-elle de laisser la chance à<br />

la coureuse De la nouvelle ministre du Patrimoine<br />

canadien, en tout cas, on espère qu’elle sache garder<br />

une oreille attentive aux préoccupations et aux revendications<br />

des créateurs et de leurs diffuseurs œuvrant<br />

dans les diverses disciplines artistiques, qu’elle puisse<br />

faire valoir au Conseil des ministres conservateurs<br />

l’importance de la culture comme moteur de l’identité<br />

collective, qu’elle obtienne qu’on regarnisse les<br />

budgets des services culturels canadiens à l’étranger<br />

que l’inconscience de l’actuel gouvernement a bêtement<br />

supprimés, qu’elle dégotte une augmentation<br />

récurrente des budgets du Conseil des Arts du Canada<br />

à la hauteur des besoins, qu’elle travaille au rétablissement<br />

des programmes d’alphabétisation mis à mal par<br />

les compressions budgétaires sauvages, et qu’enfin elle<br />

propose une réforme de la loi sur le droit d’auteur<br />

bénéfique pour les ayants droit.<br />

Par ailleurs, on a vu en août dernier comment la disparition<br />

de la Chaîne culturelle de Radio-Canada il y a<br />

maintenant trois ans continue de faire couler de l’encre,<br />

alors que plusieurs critiques s’en sont pris au vice-président<br />

de la société d’État Sylvain Lafrance, tenu pour<br />

responsable de la diminution de l’espace médiatique<br />

alloué aux arts et aux lettres sur les ondes de la radio<br />

publique. Dans un même ordre d’idées, on a continué à<br />

déplorer le peu d’attention porté au livre et à la littérature<br />

par la télévision nationale, qui continue de préférer<br />

incorporer à ses émissions généralistes un maigre contenu<br />

soi-disant littéraire en y invitant essentiellement<br />

des têtes d’affiche et des auteurs de titres à grand tirage<br />

à venir faire des steppettes à défaut de causer littérature;<br />

et on a continué à espérer, sans doute en vain, le retour<br />

à son antenne d’un magazine littéraire digne de ce nom.<br />

Écrivains, éditeurs et autres intervenants du milieu du<br />

livre, y compris les lecteurs, réclament unanimement<br />

une pareille émission, essentielle au rayonnement de la<br />

production littéraire d’ici. En cette période de profonds<br />

bouleversements du paysage des télécommunications,<br />

on est en droit d’attendre de Josée Verner qu’elle fasse<br />

preuve d’audace et d’intelligence dans la (re)définition<br />

de la mission culturelle de Radio-Canada / CBC, dont<br />

elle sera bientôt appelée à choisir un nouveau directeur<br />

pour succéder à Robert Rabinovitch.<br />

À défaut de tout cela, les artistes et autres travailleurs<br />

des milieux culturels continueront de considérer d’un<br />

œil suspect un gouvernement et un parti en apparence<br />

hostiles à leur cause.<br />

Rédacteur en chef du journal le <strong>libraire</strong>,<br />

président de l’Union des écrivaines et<br />

écrivains québécois, Stanley Péan a<br />

publié de nombreux livres de fiction et<br />

quelques essais. Son vingt et unième<br />

ouvrage, le recueil de nouvelles intitulé<br />

Autochtones de la nuit, paraît cet<br />

automne aux Éditions de la courte échelle. Lorsqu’il<br />

n’écrit pas, il casse les oreilles de ses proches en faisant<br />

ses gammes à la trompette.<br />

S E P T E M B R E - O C T O B R E 2 0 0 7<br />

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