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<strong>Le</strong> monde du livre<br />
L’éditorial de<br />
Stanley Péan<br />
De nouveaux espoirs<br />
Au risque de me répéter, je tiens à rappeler à quel<br />
point le bilan des actions du gouvernement Harper<br />
dans le domaine de la culture est peu reluisant. Au<br />
lendemain du remaniement ministériel qui voit<br />
arriver la Québécoise Josée Verner à la barre du<br />
Patrimoine canadien, il est permis de se demander<br />
si la volonté des conservateurs de gagner un<br />
deuxième mandat, cette fois avec une confortable<br />
majorité à la Chambre des communes, se traduira<br />
par des gestes concrets, susceptibles d’attirer la<br />
sympathie des milieux culturels.<br />
Dans la foulée de cette nomination, je me suis permis<br />
deux observations assez peu originales, sur lesquelles la<br />
plupart des observateurs de la scène politique se sont<br />
entendus : d’abord, qu’on pouvait provisoirement<br />
accueillir la venue d’une nouvelle ministre avec un brin<br />
de soulagement, puisqu’il lui serait difficile de faire pire<br />
que celle qui l’a précédée, l’impopulaire Bev Oda;<br />
ensuite, qu’il fallait garder la tête froide, compte tenu de<br />
la piètre performance du gouvernement en matière de<br />
culture.<br />
L’ensemble des milieux culturels canadiens gardera un<br />
souvenir amer du processus de répartition des crédits<br />
supplémentaires alloués au Conseil des Arts du Canada<br />
à l’occasion de son cinquantenaire. Du controversé programme<br />
de soutien à de nouvelles initiatives, auquel j’ai<br />
eu le malheur de participer à titre de juré dans le<br />
domaine de l’édition, on retiendra surtout l’insuffisance<br />
des fonds qui devait condamner à l’avance des projets<br />
pourtant pertinents, et alimenter de plus belle les rivalités<br />
et les querelles internes du milieu. Et si l’annonce<br />
en juillet d’une augmentation récurrente du budget du<br />
Conseil de 30 millions de dollars avait de quoi réjouir<br />
modérément, elle ne faisait pas pour autant oublier que<br />
les besoins réels nécessitaient une majoration cinq fois<br />
plus importante, d’ailleurs promise par les libéraux de<br />
Paul Martin avant leur défaite électorale de l’hiver<br />
2005/2006, ET initialement soutenue par les conservateurs<br />
de Harper.<br />
En dépit de toutes ces belles déclarations sur la sauvegarde<br />
de la diversité culturelle, à force d’espoirs déçus,<br />
de promesses non tenues, de signes d’indécision, Bev<br />
Oda a su attirer sur elle la grogne de l’ensemble des<br />
artistes et travailleurs culturels du pays. D’où une certaine<br />
méfiance à l’égard de Josée Verner. Cette<br />
méfiance nous empêchera-t-elle de laisser la chance à<br />
la coureuse De la nouvelle ministre du Patrimoine<br />
canadien, en tout cas, on espère qu’elle sache garder<br />
une oreille attentive aux préoccupations et aux revendications<br />
des créateurs et de leurs diffuseurs œuvrant<br />
dans les diverses disciplines artistiques, qu’elle puisse<br />
faire valoir au Conseil des ministres conservateurs<br />
l’importance de la culture comme moteur de l’identité<br />
collective, qu’elle obtienne qu’on regarnisse les<br />
budgets des services culturels canadiens à l’étranger<br />
que l’inconscience de l’actuel gouvernement a bêtement<br />
supprimés, qu’elle dégotte une augmentation<br />
récurrente des budgets du Conseil des Arts du Canada<br />
à la hauteur des besoins, qu’elle travaille au rétablissement<br />
des programmes d’alphabétisation mis à mal par<br />
les compressions budgétaires sauvages, et qu’enfin elle<br />
propose une réforme de la loi sur le droit d’auteur<br />
bénéfique pour les ayants droit.<br />
Par ailleurs, on a vu en août dernier comment la disparition<br />
de la Chaîne culturelle de Radio-Canada il y a<br />
maintenant trois ans continue de faire couler de l’encre,<br />
alors que plusieurs critiques s’en sont pris au vice-président<br />
de la société d’État Sylvain Lafrance, tenu pour<br />
responsable de la diminution de l’espace médiatique<br />
alloué aux arts et aux lettres sur les ondes de la radio<br />
publique. Dans un même ordre d’idées, on a continué à<br />
déplorer le peu d’attention porté au livre et à la littérature<br />
par la télévision nationale, qui continue de préférer<br />
incorporer à ses émissions généralistes un maigre contenu<br />
soi-disant littéraire en y invitant essentiellement<br />
des têtes d’affiche et des auteurs de titres à grand tirage<br />
à venir faire des steppettes à défaut de causer littérature;<br />
et on a continué à espérer, sans doute en vain, le retour<br />
à son antenne d’un magazine littéraire digne de ce nom.<br />
Écrivains, éditeurs et autres intervenants du milieu du<br />
livre, y compris les lecteurs, réclament unanimement<br />
une pareille émission, essentielle au rayonnement de la<br />
production littéraire d’ici. En cette période de profonds<br />
bouleversements du paysage des télécommunications,<br />
on est en droit d’attendre de Josée Verner qu’elle fasse<br />
preuve d’audace et d’intelligence dans la (re)définition<br />
de la mission culturelle de Radio-Canada / CBC, dont<br />
elle sera bientôt appelée à choisir un nouveau directeur<br />
pour succéder à Robert Rabinovitch.<br />
À défaut de tout cela, les artistes et autres travailleurs<br />
des milieux culturels continueront de considérer d’un<br />
œil suspect un gouvernement et un parti en apparence<br />
hostiles à leur cause.<br />
Rédacteur en chef du journal le <strong>libraire</strong>,<br />
président de l’Union des écrivaines et<br />
écrivains québécois, Stanley Péan a<br />
publié de nombreux livres de fiction et<br />
quelques essais. Son vingt et unième<br />
ouvrage, le recueil de nouvelles intitulé<br />
Autochtones de la nuit, paraît cet<br />
automne aux Éditions de la courte échelle. Lorsqu’il<br />
n’écrit pas, il casse les oreilles de ses proches en faisant<br />
ses gammes à la trompette.<br />
S E P T E M B R E - O C T O B R E 2 0 0 7<br />
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