Congrès International sur l'Analyse du Cycle de Vie Lille ... - avniR

Congrès International sur l’Analyse du Cycle de Vie Lille, Novembre 2011
ACV d’un rétroviseur Peugeot PSA 207, avec comparaison de plusieurs
matériaux
Stéphane LE POCHAT, Responsable projets R&D, EVEA
Evea est un bureau d’études spécialisé dans l’ACV et l’éco-conception. L’exemple que je vais vous
présenter constitue un cas d’étude. L’ACV de la platine de rétroviseur d’une Peugeot 207 a été
réalisée en 2009. Elle visait à comparer deux types de composants : l’un en Polypropylène chargé
fibre de verre (PPGF) et l’autre en Polypropylène chargé en fibre naturelle (PPNF), la fibre naturelle
étant ici du chanvre. Cette ACV s’inscrivait dans un projet plus large d’étude des agro matériaux. Ses
objectifs étaient triples :
- valider l’intérêt environnemental du choix technologique
- orienter des choix futurs relatifs à d’autres composants
- réaliser une action de communication en interne et en externe. Cet objectif a nécessité la réalisation
d’une revue critique où le CIRAIG et ALSTOM ont entre autres été sollicités.
L’unité fonctionnelle de l’ACV a été définie de la façon suivante : « Supporter la coque et le miroir, et
assurer le rabattement d’un rétroviseur de Peugeot 207 Hdi 5 portes de 70 chevaux fabriquée en
2008 en France, pendant 12 ans (soit 150 000 km) ». L’ensemble de ces détails est nécessaire pour
réaliser l’ACV car elle nécessite entre autres de calculer la consomma tion de la voiture. Nous avons
ensuite modélisé le cycle de vie du composant du berceau à la tombe (culture du chanvre, montage,
phase d’utilisation, déconstruction…) grâce au logiciel SimaPro. Nous avons choisi de travailler avec
des indicateurs d’impacts et de flux (émissions de CO 2 , eutrophisation, consommation d’énergie
d’origine non renouvelable…).
Les résultats obtenus sont largement en faveur du composant en PPNF. L’on constate par ailleurs
que la phase d’utilisation est la phase la plus importante en termes d’impacts. Ce résultat s’explique
par l’affectation d’une consommation de carburant en fonction de la masse du composant. Ainsi,
chaque composant de l’automobile est « responsable » d’une consommation de carburant
proportionnelle à sa masse. L’étude des différentes phases du cycle de vie, une fois la phase
utilisation exclue, permet de mieux observer les différences qui existent entre le PPNF et le PPGF.
L’ACV de ce composant de rétroviseur a permis de confirmer l’intérêt environnemental du PPNF -
chanvre, et ceci principalement parce que ce composant nécessite moins de matière première et est
plus léger (il consomme donc moins d’essence). L’impact environnemental de ce composant est
réduit sur tous les indicateurs, sauf l’eutrophisation. Enfin, il s’agirait de tenir compte de l’utilisation de
surfaces agricoles utiles pour la production de ce composant, qui se fait au détriment de
l’alimentation.
J’aimerais désormais revenir sur le titre de ce colloque : « l’ACV au service de la pensée
stratégique ». Mon expérience personnelle dans le domaine de l’ACV me laisse penser que l’ACV est
très rarement utilisée pour générer de la créativité et tracer des pistes de développement. Elle est en
revanche souvent utilisée pour confirmer des décisions déjà prises au nom du développement
durable. La question de la finalité est très importante lorsque l’on réalise une ACV car ses résultats
dépendent directement du périmètre et des hypothèses retenues. Les entreprises s’en servent
comme d’un outil d’aide à l’orientation stratégique. Elle permet par exemple de répondre à ce type de
question : faut-il aller vers le tout électrique ou vers des modèles hybrides ? Les entreprises se
servent également de l’ACV comme d’un outil qui génère des connaissances et qui crée des do nnées
mobilisables dans le cadre de communications environnementales internes et/ou externes. En
résumé, les entreprises utilisent l’ACV principalement pour orienter leurs stratégies, concevoir leurs
produits et communiquer sur leurs produits. Quant à l’Etat, aux organismes publics (ADEME par
exemple) et aux organismes de recherche, ils utilisent l’ACV également pour orienter leurs stratégies
et par ailleurs pour améliorer le niveau de connaissances en la matière. Il me semble important de
souligner la complexité de l’outil ACV, à la fois dans son maniement et dans son interprétation. Or les
décideurs de notre époque n’aiment pas la complexité. Ils veulent des réponses définitives alors que
bien souvent l’ACV ne conclut ni en disant « oui » ni en disant « non » mais plutôt « ça dépend ».