rire larmes

– Oui, on a loué un grand mobile-home à Arcachon.
– Super, vous allez vous baigner, alors ?
– Oui mais pas seulement. Ça serait dommage de ne pas gravir la dune du Pilat ! Soixante
millions de mètres cubes de sable inscrits au patrimoine comme grand site national, ça ne peut pas
laisser indifférent !
C'est confirmé, ce gamin a un grain ! Je comprends mieux pourquoi mon fils s'est entiché de ce
brave Eliot :
– Ça serait effectivement ballot, acquiescé-je. Bon, Alex : tu l'emmènes dans le jardin ? On
vous appellera pour manger. Allez ouste ! Allez voir la tente qui vous abritera ce soir : si ça te pose
des problèmes, Eliot, tu le dis, OK ?...
– Non, non. J'ai mes inhalateurs de toute façon et mon portable avec le numéro de maman,
des pompiers et du Samu, alors, ça devrait aller.
Quel aventurier ! Mais avant que je ne trouve une saillie pleine d'esprit, les deux petits génies ont
disparu.
J'interroge ma femme du regard pour savoir si elle croit toujours en sa brillante initiative de
socialisation mais le désarroi que je lis dans ses yeux en dit plus long qu'un discours. Impuissante
face au destin qui s'acharne contre nous, elle hausse les épaules et va dans la cuisine préparer une
salade de saison, simple mais toujours efficace avec le barbecue : maïs-thon-tomates-dés de gruyère
mais sans tomates pour Eliot qui a les intestins fragiles et sans gruyère pour Alex qui n'aime pas ça.
Vous me direz, ça pourrait être pire : Juliette déteste le maïs mais coup de chance : elle ne mange
pas là !
Le soir venu, le ciel s'est alourdi de gros nuages et la maison, presque vide, s'est enveloppée
d'un silence pesant. Tandis que ma femme et moi dressons un bilan mitigé de la journée (entre le
parachutage en milieu hostile de nos chercheurs en herbe et le fait que Juliette ne soit pas rentrée
pour manger), des éclairs commencent à strier la pénombre sur fond de tonnerre.
– Il faudra peut-être leur dire de rentrer, prévient ma douce. Si ça tourne à l'orage...
– Ouais. On dirait qu'on va pas y louper.
– Tu peux aller vérifier que le chat n'est pas sur le lit d'Alex. C'est Eliot qui doit y dormir :
imagine qu'il soit allergique...
La perspective des urgences me fait lever d'un bond. Patienter trois heures à l'hôpital en compagnie
de deux surdoués qui vont me bombarder de questions sur le cosmos ou la fission nucléaire : non
merci !
Je me dirige donc vers les chambres quand j'aperçois le minou qui sort de chez Ju.
Curieusement, il hérisse le poil et s'enfuit d'un bond en passant le plus loin possible de la porte.
C'était pour la bonne cause, Minou. Promis, je ne te torturerai plus !
Rassuré, je m'apprête à rejoindre ma douce quand j'entends des chuchotements dans la chambre
d'Alex. La porte est presque fermée alors que d'habitude, il ne le supporte pas. Serait-ce là un début
de normalisation sous l'influence d'Eliot ?... Tendant l'oreille, j'aperçois tout à coup un furtif rai de
lumière suite à un terrible coup de tonnerre.
Tiens, tiens ! Mais c'est habité on dirait...
Goguenard, je retrouve ma femme au salon :
– J'ai vu passer le chat ! me dit-elle. Il s'est planqué sous le vaisselier : l'orage lui a fichu la
frousse.
– J'en connais deux qui ont fait pareil.
– Qu'est-ce que tu veux dire ?
– Comme j'ai entendu des petites voix et croisé une lampe de poche, si tu veux mon avis,
nos deux aventuriers sont planqués sous la couette d'Alex. En tout cas, ils sont bien à l'abri, et peutêtre
depuis un moment d'ailleurs !
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