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rire larmes

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quand il y a danger...<br />

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La perte d'un enfant est si traumatisante que l'on se débat pour tenir le coup mais pas plus !<br />

C'est tellement épuisant, éprouvant que l'on perd littéralement une partie de soi-même. La nuit n'est<br />

pas forcément le pire moment car dans ces circonstances, le cerveau cogite non-stop !<br />

Lorsque tata Raymonde meurt à quatre-vingt seize ans, tout le monde pleure parce qu'elle<br />

était la bonté incarnée mais quelque part, c'était dans l'ordre des choses et de fait, il n'y a pas grand<br />

traumatisme. Alors que quand c'est un enfant, VOTRE enfant, qui de surcroît va se faire déchiqueter<br />

sous un train, il y a de quoi gamberger et déprimer pour quelques temps, croyez-moi !<br />

Certains n'aiment pas l'expression usuelle qui parle de « faire son deuil », pourtant, je la<br />

trouve appropriée. En effet, il s'agit d'un véritable chemin à faire, un processus à vivre qui va<br />

prendre le temps qu'il faudra car personne ne peut savoir comment il réagira devant l'insurmontable.<br />

Il faut passer les différents stades, les différentes étapes, comme le choc, le déni, le marchandage, la<br />

dépression, l'acceptation et enfin la reconstruction. Le cheminement est long et ardu ; il isole,<br />

renferme et entame profondément les endeuillés.<br />

Passés la cérémonie, les faire-parts et les premiers temps, les collègues et les proches ont<br />

repris le cours normal de leurs vies et nous leur en voulons doublement. D'une part, parce qu'ils<br />

continuent à être heureux alors que nous ne pourrons plus l'être totalement et d'autre part, parce<br />

qu'ils voudraient nous voir passer à autre chose alors que nous sommes restés bloqués au jour<br />

fatidique où notre vie a changé. Et à partir de là, un décalage s'opère entre eux et nous car plus le<br />

temps passe et plus nous réalisons que ce cauchemar va durer le restant de notre vie quand ils<br />

voudraient nous voir remonter la pente ! Parfois la douleur est si vive et le fossé avec les autres si<br />

important que l'on perçoit, un tout petit peu, l'isolement et l'incompréhension dont nos enfants<br />

devaient souffrir. Parfois même, certains endeuillés sont tentés de suivre leur tragique exemple pour<br />

que cette souffrance s'arrête. Et ce n'est certes pas facile, mais nous avons la chance d'avoir deux<br />

autres enfants qui nous poussent vers le haut, qui nous gardent à la vie, alors on s'accroche. Je<br />

connaissais les « enfants-médicaments », conçus pour soigner un frère ou une sœur atteint de<br />

maladie grave mais depuis Matéo, je m'appuie sur mes « enfants-pansements ». Ceux qui, par leur<br />

simple présence, leur naturelle envie d'être heureux et d'apprécier la vie nous aident à tenir la tête<br />

hors de l'eau.<br />

Mais ce n'est pas simple tous les jours et de grâce, amis et proches, ne dîtes pas : « Il faut<br />

aller de l'avant, maintenant ! Il faut penser à autre chose, de toute façon vous n'y êtes pour rien » car<br />

la culpabilité restera, ainsi que la peine et les questions. Laissez-nous plutôt le temps de digérer,<br />

d'accepter. Parlez-nous de nos disparus au lieu de les enterrer à jamais car plus vous les<br />

mentionnerez et mieux on sentira combien vous les aimiez et je pense qu'on peut très bien en parler<br />

sans sombrer dans une nostalgie morbide, alors dîtes-nous tout ce que vous pouvez sur eux, cela<br />

nous fera du bien. Cela nous aidera bien plus que la classique question « alors, comment ça va ? », à<br />

laquelle nous répondrons évasivement « ça va » alors que c'est faux ; tout comme nos jeunes se<br />

voyaient mal nous répondre : « ça ne va pas fort, j'ai envie de mourir... » . Bien sûr, chaque<br />

personne est différente et peut-être quelques-uns préféreront se retirer du monde pour pleurer dans<br />

l'intimité mais je sais aujourd'hui que le deuil est lourd à porter, qu'il isole et que toutes les bouées<br />

de sauvetage sont les bienvenues ! Donc, dans l'immense majorité des cas, le soutien des proches<br />

sera des plus bénéfiques et surtout, s'il se maintient dans la durée.<br />

S'il faut être honnête, pour l'instant, je contrôle la douleur grâce aux conversations intenses<br />

que l'on a eues avec ma femme, grâce aux échanges que j'ai avec les autre parents qui sont dans le<br />

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