rire larmes

lorsqu'il est censé se laver. Sans doute un souci d'économie motivé par l'écologie ou alors il a du
sang chat dans les veines ? Toujours est-il qu'il sera ressorti dans une minute trente et qu'à ce
rythme-là, on n'aura pas besoin de remplacer sa brosse à dents tout de suite ! Mais bon, un dossier à
la fois. Je reviens vers mon épouse, tout satisfait de ma fermeté diplomatique.
– Tu as vu ? Une remarque et hop ! Elle m'a épaté ce matin !
– Oui, j'espère qu'elle n'est pas malade !
– Mais non, elle commence à devenir mature et responsable : on voit enfin le bout du
tunnel !
C'est à cet instant que ma fille réapparaît, prête à partir.
– Mature et responsable ? me dit ma femme, un sourire mi-figue, mi-raisin au coin des
lèvres. Tu t'en occupes, moi je ne peux plus !
C'est vrai que si l'intention de Juliette est de me signifier son abjection pour la burqa, le message est
on ne peut plus clair ! Car lorsqu'on porte un short aussi réduit que la culture d'un footballeur
professionnel et qu'on est maquillée comme une voiture volée, on est en droit de se demander si elle
compte postuler pour le défilé en maillot de Miss France ou si c'est une tenue adéquate pour passer
l'épreuve de bac, option Bad ? Bref, j'ose une remarque avant que la brigade des mœurs ne
l'interpelle pour racolage sur la voie publique :
– C'est ce short-là dont le prix était inversement proportionnel à la quantité de tissu utilisé ?
T'as pas sport ce matin plutôt ?
– Pourquoi ? T'aurais voulu que je mette une doudoune ?! Pour courir, c'est moins pratique
mais bon, c'est juste le bac, après, moi ce que j'en dis...
Voilà : c'est ma fille, je l'adore ! À partir de là, deux options s'offrent à moi : soit, je fais fi de son
insolente provocation et argumente posément jusqu'à ce qu'elle entende raison, soit j'applique la
méthode recommandée par les officiers de police judiciaire adeptes des aveux rapides : la tarte dans
la gueule. Je crois savoir que les psychologues de Guantanamo ne se sont pas souvent plaints de la
deuxième option, donc une furieuse envie d'aider ma fille à se démaquiller d'un coup me titille les
phalanges mais l'arrivée d'Alex, cartable bien arrimé sur le dos et regard à la « rain-man » fixant la
porte de sortie, évite aux joues de Juliette de garder un souvenir cuisant de cette matinée. Ma
femme qui a senti la tension monter me pousse vers la sortie :
– Bon, vas-y, si tout le monde est prêt. Et bonne chance, Ju !
– Ouais, à ce soir ! répond ma fille en mâchant son chewing-gum sans enthousiasme.
Une fois dans la voiture, je mets la radio en bruit de fond pour calmer le jeu mais c'était sans
compter sur Alex et sa soif de connaissances :
– Papa ?
– Quoi, Einstein ?
Juliette fait éclater une bulle de son chewing-gum, je pense qu'elle l'a fait exprès mais je décide de
l'ignorer afin d'éviter un bain de sang.
– Tu savais que les Chocapics avaient un IG assez élevé ?
Je ne sais même pas ce qu'est un IG. Enfin, pour moi, c'est un Inspecteur Général, mais je doute que
dans la hiérarchie des Chocapics, il existe réellement des Inspecteurs Généraux, ou alors pas
beaucoup... je lui réponds quand même, il a le droit de s'instruire après tout :
– Les Cheerios, sans aucun doute ! Mais les Chocapics : tu en es sûr ?!
– Absolument !
Ce qu'il y a de bien avec Alex, c'est qu'il ne connaît pas le seconde degré, donc nous avons souvent
des conversations surréalistes. Très sérieux, il poursuit :
– D'ailleurs, ces céréales sont également riches en gluten, et l'on sait aujourd’hui que cette
protéine est responsable d’un grand nombre de sensibilités et d’intolérances. Je me demande si je
devrais continuer à en manger le matin ?
– Aïe, mon fils...La vie n'est pas un long fleuve tranquille, tu sais.
Je vois à sa mine désemparée qu'il a du mal à établir un lien logique entre index glycémique et
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