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L’HOMME VICTIME DE L’EXCISION ; COMMENT YÉRO A COMPRIS 127<br />
c’était juste parce que je ne supportais pas l’idée que mes filles soient<br />
coupées, ça me faisait de la peine…<br />
──<br />
En fait c’est une longue histoire, commence Yéro. Je ne m’étais<br />
jamais posé la question. Je ne savais même pas ce que c’était. J’avais<br />
participé à une formation sur les droits humains au cours de laquelle on<br />
a abordé les différentes formes de leurs violations. Nous avions cité pas<br />
mal d’actes comme les guerres, les arrestations arbitraires, le racisme,<br />
les assassinats, les mariages forcés, etc.<br />
A un moment j’ai entendu quelqu’un dire « l’excision en est une. »<br />
Tout à coup la plupart d’entre nous ont eu un effet de surprise et on<br />
s’est mis sur nos gardes. Je me tourne vers le côté d’où venait la voix au<br />
moment même où le formateur notait le mot sur le tableau. C’était une<br />
femme. <strong>Le</strong>s chaises commençaient à grincer, les voix s’élevaient de tous<br />
les côtés de la salle. On entendait par ci et par là des « ah bon depuis<br />
quand ? » « Tu parles pour quel droit ? » « Ah mais oui évidemment que<br />
c’est la plus grande violation des droits, etc.»<br />
J’étais confus, dubitatif, et en colère en même temps. Pour moi<br />
l’excision était une pratique tout à fait noble et je n’y voyais rien d’injuste.<br />
Au contraire je pensais comme tout un chacun que c’était nécessaire<br />
parce que dans mon esprit une femme non-excisée c’est une « porte<br />
ouverte ; y entre qui veut ».<br />
<strong>Le</strong>s participants de la formation avaient eu des échanges très virulents,<br />
finalement toute la discussion revenait sur cette question. <strong>Le</strong>s animateurs<br />
avaient énuméré des tas de problèmes de santé liés à la pratique. Mais la<br />
majorité d’entre nous n’y avaient pas cru. J’ai commencé à rejeter tout ce<br />
qu’ils ont dit, mais au fond de moi j’essayais de comprendre pourquoi certaines<br />
personnes pensent que c’est néfaste pour la santé. J’étais persuadé<br />
que c’était une obligation pour tous les musulmans, je ne savais même<br />
pas que les wolofs par exemple ne le pratiquaient pas. J’ai commencé par<br />
interroger des imams pour en être sûr. Et j’ai appris que ce n’était pas une<br />
obligation. Quelque chose s’écroulait dans mes croyances, mais je n’étais<br />
toujours pas convaincu que cela pouvait être néfaste, pas plus que c’est<br />
une violence ou une violation de droits. Je pensais que si mes sœurs ont<br />
été excisées par ma mère cela devait avoir une raison. Ainsi continuais-je à<br />
me renseigner auprès des médecins et à lire sur le sujet. Kouro caresse le