Extra-terrienne Extra-ordinaire M life on mars
Gladys Hulot est Hyrtis. Elle ne l’est pas comme Dr Jekyll est M. Hyde : elle l’est, en incarnation profonde, bienveillante, et créatrice. Port de tête, élégance, androgynie, Hyrtis évolue dans l’univers alternatif qu’elle éclaire, devant elle, d’un spectre rassurant, comme un barrage contre la « dictature de la normalité » du monde. Mais Hyrtis, elle l’est aussi grâce / par / à travers le lien qui l’unit à la muse. Muse fondamentale, muse ancestrale, Gladys Hulot n’a jamais quitté l’essence baudelairienne de la création artistique. « Je suis malheureuse sans muse. Je n’ai pas d’idéal, de projection, de reconnaissance. La muse me tire vers le haut. » me confie-t-elle. La discrétion de Gladys n’a d’égale que la fidélité à sa muse, grande incarnation de ses inspirations, pour des raisons qui, si elles échappent au commun des mortels, font sens au travail intime de cette artiste particulière. Peut-être est-elle une artiste en marge, mais uniquement dans celle qu’elle crée, qu’elle dessine, qu’elle porte, comme un costume. « Je ne suis pas en camouflage. Être bien dans son costume, c’est 60% du travail, comme le dit Fabrice Lucchini. » Consciente d’incarner quelque chose qui la transcende irrépressiblement, Gladys Hulot cherche en chacune de ses muses une réponse, un appui, en funambule entre la réalité et l’onirique. Elle est une artiste plurielle qui s’exprime malgré tout à la première personne du singulier. Je t’ai entendu parler du « règne de Bowie ». En quoi une muse règne-t-elle ? La muse devient, pendant un certain temps, empereur de mon esprit, de mon être, de ma vie. C’est tout un empire qui se construit, à son insu. Il s’agit, certes, d’une dépendance, mais je dépends de qui je veux. Tant que je choisis ma muse, je suis insoumise. Ce n’est donc pas un rapport fan/star : c’est bien plus complexe, plus profond. Et ton identification à la muse fait-elle partie du processus créateur ? Je me nourris du personnage évoqué par la muse : ce qu’il est, son contexte de vie, son histoire. Pour Bowie, par exemple, je n’ai pas voulu m’identifier à lui mais plutôt incarner son époque, pour essayer de le comprendre, lui. Il ne s’agit pas de nostalgie, car je ne peux pas être nostalgique d’une époque que je n’ai pas connue. Mais j’ai voulu correspondre à son personnage en incarnant, quelques mois, une icône warholienne. Cette idée s’est imposée après un rêve où me sont apparus Bowie et Warhol. Tes rêves jouent-ils un rôle précis dans ce mécanisme ? Ils sont à la base de tout. Mon pseudo, Hyrtis, est né dans un rêve. Il s’agit d’une part de mystère insondable et j’aime l’idée que ce nom n’appartient qu’à mon inconscient. Mes rêves me permettent une communication intime avec mes muses, et une libération de ma personne : ils m’ouvrent à l’incarnation pleine d’Hyrtis, sans genre, et avec des épaules suffisamment larges pour supporter le poids de la création. 15 TEXTE agathe cebe portraits benoît pelletier Tu as eu bon nombre de muses depuis l’enfance. Parfois vivantes – David Bowie à l’époque, ou Philippe Katerine, par exemple – et parfois mortes – comme Rimbaud ou Chopin : le rapport change-t-il ? Je préfère quand mes muses sont vivantes. Il y a plus de chances d’interaction réelle. Même si cela suppose un revers de médaille, que cela puisse mal se passer…