Recueil des Assises des métiers d'art 2019

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SYNTHÈSE
DES ATELIERS
M. Philippe LOISEAU
— Soyez les bienvenus pour engager cet
après-midi des Assises.
Nous allons reprendre la réflexion engagée ce
matin sur l'identité professionnelle des métiers
d'art, identité professionnelle qui est la vôtre, qui
est légitime et qui a vocation à être une branche
professionnelle. Elle est constituée des savoirs,
des savoir-faire, des savoir-être et des valeurs
professionnelles que vous avez en partage, quel
que soit votre exercice : verrier, mosaïste, céramiste,
maroquinier, plumassière, etc. Les savoirfaire
sont nombreux.
Les valeurs et les savoirs nous rassemblent. C’est
sur ceux-là que nous avons choisi de travailler
au cours de cette matinée.
Les échanges ont été très denses. J'ai vu que les
animateurs avaient du mal à clore les débats.
Comme il y a eu beaucoup d’échanges, l'exercice
de synthèse sera difficile. Je vais me prêter
au difficile jeu de rassembler ce qui s'est dit et
je vais vous proposer une synthèse, par nature
partielle. Elle n'aura pas l’ambition d'être exhaustive.
J'espère au moins que la tonalité, les mots,
les expressions et les idées qui sont revenus le
plus souvent au cours de nos échanges seront
restitués ici.
La production existe et est conservée. Toutes
les notes prises sont évidemment à disposition
d'Ateliers d'Art de France. Cela constitue le vrai
matériel de synthèse.
Il y avait deux zones de questionnement, deux
thématiques en parallèle. Je les ai un peu mélangées.
Du coup, l’idée est de répondre aux questions,
mais pas forcément dans l'ordre dans
lequel elles ont été posées.
Quand nous ferons référence à la question :
« À quels défis contemporains et à quels défis
de la société les métiers d'art peuvent-ils
répondre ? », nous retrouverons cette question
de l'accélération et du rapport au temps.
Le reste des savoirs sont essentiellement des
savoir-être.
Pour faire écho aux propos de Stéphane Rozès
ce matin, on a beaucoup insisté sur la dimension
émotionnelle. La part de l’émotion, de l’émotionnel
est un élément caractéristique.
On parle beaucoup d'intelligence émotionnelle.
On la recherche désespérément chez les
salariés, chez les cadres et chez les managers.
On développe beaucoup l’intelligence émotionnelle
dans les entreprises. Cette intelligence
émotionnelle dont les entreprises sont en quête
est déjà ancrée chez vous. C’est un savoir qui
vous constitue et vous singularise en tant que tels.
QUELS SONT LES SAVOIRS, SAVOIR-FAIRE, SAVOIR-ÊTRE ET LES
VALEURS PROFESSIONNELLES QUI CONSTITUENT LES MÉTIERS
D’ART ET QUI LÉGITIMENT LA REVENDICATION D’UNE BRANCHE
PROFESSIONNELLE À PART ENTIÈRE ?
Cela a commencé par cette question : quels
sont les savoirs, les savoir-faire, les savoirêtre
et les valeurs professionnelles qui,
aujourd'hui, vous définissent le mieux ? Il y
a évidemment les savoir-faire et, essentiellement,
des valeurs et des savoirs.
Autrement dit, ce qui vous caractérise quand
vous parlez de vous-mêmes et que vous partagez,
me semble-t-il, c'est à l’évidence la maîtrise
de la transformation de la matière, toute
cette relation à la matière, le dialogue avec la
matière, l'écoute de la matière, sa connaissance
intime. Ce sont des termes et des expressions qui
sont revenus de façon constante, de même que
le geste, la maîtrise, la recherche du geste juste.
Un terme récurrent que nous retrouvons à plusieurs
reprises est le fait de transmettre. Cette
question de la transmission est au cœur même
des savoir-faire des métiers d'art. Autrement dit,
ce n'est pas seulement « savoir-faire » mais aussi
« transmettre ». C'est un héritage caractéristique
et spécifique à vos professions. À part chez les
enseignants – c'est ce qui les définit principalement
–, cette notion de transmission se retrouve
en particulier chez vous et pas forcément dans
d'autres organisations, quand on pose la
même question.
Le deuxième savoir-faire ou savoir-être très particulier
est revenu à plusieurs reprises. C'est le
rapport au temps. Les animateurs ont entendu
et retenu que ce rapport au temps est ce qui
ramène au réel et au présent, dans un monde
qui est plutôt caractérisé par une accélération.
Le rapport au temps est à la fois un mode de faire
et un mode d’être qui vous caractérise en propre.
Les autres savoir-être sont liés à l’indépendance,
à la polyvalence, à la liberté et surtout à la prise
de risque, à l’audace, à l’engagement et à la
combativité. Nous retrouvons des notions que
nous avons déjà évoquées ce matin. Vous êtes
dans des métiers qui se caractérisent par cette
capacité à prendre des risques, à être audacieux.
C'est cette vertu qui rend le risque possible.
Il s’agit de s'engager au prix de difficultés
économiques et d’être combatif, c’est-à-dire de
dépasser les contraintes de toutes natures qui
sont les vôtres pour persévérer dans votre être,
donc pour vous réaliser.
L'authenticité, la sincérité, la sensibilité et l'intégrité
sont d'autres valeurs citées par les groupes.
Un point revient dans les différents propos : les
valeurs sont liées au travail. Il y a en quelque
sorte une forme de réhabilitation. Je ne pense
pas que le travail ait été déshabilité. Il existe une
forme de valorisation des valeurs associées au
travail, que ce soit des valeurs liées au « bien
faire », à l'excellence, à l'accomplissement du
geste et à sa maîtrise ou des valeurs de travail qui
sont intimes à une communauté professionnelle
comme la vôtre et qui sont, comme dans toutes
les communautés professionnelles constituées,
20 Assises des métiers d’art – 28 et 29 juin 2019, Palais des Congrès de Perpignan