Recueil des Assises des métiers d'art 2019

cessus de transformation qui est le vôtre s'inscrit
à l'intérieur des limites du matériau.
Je dirai presque que vous ne travaillez pas
seulement le matériau, mais que vous travaillez
avec le matériau. Vous intégrez, par votre
connaissance et par le geste, le fait de travailler
sur une ressource qui a ses propres logiques,
ses propres lois, ses propres contraintes et son
propre rapport au temps. Vous intégrez donc la
question des limites.
Il y a donc une cohérence totale entre votre quête
du beau et votre activité. Vous créez et vous vous
produisez dans un processus de transformation,
mais qui n'est pas illimité. Je n’aime pas le terme
« sous contrainte ». Il est sous logique ou sous
conversation avec les limites et les matériaux.
Je me disais, à vous écouter, que pour sortir de
la tension, vous créez et vous produisez. Si on
est dans une logique productiviste, on dit qu’il
faut repousser les barrières du temps et être hors
limites. Or, justement, le sujet est qu’on ne peut
plus être hors limites.
Je vous remercie de votre attention.
(Applaudissements.)
M. Philippe LOISEAU
— Cette journée d’Assises n’est pas terminée.
Vous avez rendezvous à 20 h 30 au Couvent
des Bernardins afin de poursuivre sous une autre
forme vos échanges et vos débats.
Je vous propose que nous nous retrouvions dans
cette même salle demain, à 9 h 30, pour aborder
le deuxième terme structurant de ces Assises :
l'engagement, avec d'autres intervenants et
d'autres ateliers. Bonne soirée et à demain.
(Applaudissements.)
(La séance, suspendue à 18 h 00, est reprise le
29 juin à 9 h 43.) •
Une dialectique s'opère entre la création, parce
que vous êtes dans des métiers d'art et sur des
matériaux, et un phénomène de production singulière,
de sorte que je créerai un néologisme
pour dire votre activité : vous créez et produisez,
vous êtes des créants et des produisants.
Ce n’est pas très beau. Je dirai que vous êtes des
« artisanants ». Au fond, ce que vous faites, c’est
transformer quelque chose sous contrainte de la
limite. C’est cette contrainte de la limite qui fait le
beau. C’est comme des artistes, qui se fixent des
limites. C'est à l'intérieur d'une structure limitée
qu’on déploie le beau, l'inventivité. En musique,
c'est clair : c'est la forme qui fait qu'à l'intérieur,
le fond se déploie.
Quand vous avez à dire au plan local, national
ou européen pour quelles raisons il faut
défendre vos métiers, au travers de la revendication
d'une branche ou d'un statut, ce n'est
pas seulement pour vous, mais parce que les
métiers d'art, en « artisanant », sont un prototype.
Vous êtes le prototype ou les précepteurs d'une
humanité qui doit transformer la planète, qui est
son matériau. Votre exercice professionnel au
quotidien est la possibilité de créer de la valeur
matérielle et immatérielle en étant soucieux des
ressources ou en conversant avec les matériaux
sur lesquels vous travaillez, comme la société
qui est confrontée à ce défi écologique et au
souci d’essayer de trouver d'autres modes de
production, de consommation et de développement
économique.
Assises des métiers d’art – 28 et 29 juin 2019, Palais des Congrès de Perpignan