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Recueil des Assises des métiers d'art 2019

Nos Assises qui se sont déroulées en juin dernier à Perpignan ont démontré la force collective de notre communauté si chacun d’entre nous s’engage au plus près de son atelier pour défendre de façon unie la juste place des professionnels de métiers d’art. Les échanges lors de ces Assises témoignent que le climat de la société morose, même s’il est perceptible par tous, n’a pas eu d’emprise sur la confiance et l’espoir que nous plaçons dans notre secteur en tant que professionnels de métiers d’art. Forts de cette énergie, faisons de 2020 une année de mobilisation pour les métiers d’art !

Nos Assises qui se sont déroulées en juin dernier à Perpignan ont démontré la force collective de notre communauté si chacun d’entre nous s’engage au plus près de son atelier pour défendre de façon unie la juste place des professionnels de métiers d’art.

Les échanges lors de ces Assises témoignent que le climat de la société morose, même s’il est perceptible par tous, n’a pas eu d’emprise sur la confiance et l’espoir que nous plaçons dans notre secteur en tant que professionnels de métiers d’art.

Forts de cette énergie, faisons de 2020 une année de mobilisation pour les métiers d’art !

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par les adhérents présents, comme l’un <strong>des</strong> éléments-clefs<br />

de la pérennité de ce secteur ?<br />

M. Fabien PETIOT<br />

— Ces questions occupent un <strong>des</strong> quatre<br />

chapitres de notre livre. Il est consacré à cette<br />

question de l’éducation, qui nous a passionnés.<br />

En même temps, c'était quelque chose de totalement<br />

inévitable quand on voyait autant de textes<br />

émerger sur ces sujets.<br />

Ce sujet de l’atelier-école n'est pas complètement<br />

nouveau. Dès les années 1860, en Finlande,<br />

un certain Uno Cygnaeus met en place le<br />

début d'un système pédagogique qui s’appelle<br />

le Sloyd. Il consiste à mettre un établi au sein<br />

de l'école, pour que les élèves apprennent en<br />

faisant. C'est quelque chose de complémentaire<br />

à l’apprentissage classique à l’école, dès le plus<br />

jeune âge. 20 ans après, cela va se répandre en<br />

Suède, avec Otto Salomon, et aux États-Unis.<br />

On n'est pas dans la perspective de former de<br />

futurs artisans. On forme de futurs consommateurs.<br />

On forme <strong>des</strong> personnes qui vont savoir<br />

de quelle façon est fait un objet, quel sens cela<br />

a de faire un objet, dans quelles conditions,<br />

pour quelle raison on le fait, etc. C’est une sorte<br />

de mise en pratique immédiate par le « faire »<br />

de toutes ces questions que l'on peut agiter, de<br />

manière plus ou moins abstraite.<br />

À l'origine, au XIXe siècle, il s’agissait de garçons<br />

qui travaillaient le bois sur leur établi. Aujourd'hui,<br />

cela porte sur la façon dont les garçons et les<br />

filles travaillent ensemble et sur la façon dont plusieurs<br />

générations peuvent travailler ensemble.<br />

C'est devenu relativement un classique.<br />

Gottfried Semper ou Henry Cole, qu'on a<br />

oubliés par rapport à Morris, avaient amené<br />

cette idée de rapprocher musée, manufacture,<br />

atelier et école, notamment en Allemagne,<br />

parce qu'ils étaient allés voir ce qu’il se passait<br />

en Angleterre du côté <strong>des</strong> Arts and Crafts.<br />

Si cela pouvait paraître très étonnant, c'est devenu<br />

un classique, car toute école de <strong>des</strong>ign et<br />

<strong>d'art</strong>s appliqués qui se respecte joue constamment<br />

sur cette combinaison, cette complémentarité<br />

entre faire de la recherche et faire de la<br />

recherche matérielle.<br />

Il y a <strong>des</strong> signes plutôt inquiétants concernant l'encouragement<br />

à l’apprentissage, notamment <strong>des</strong><br />

<strong>métiers</strong> <strong>d'art</strong>. Je ne le connais pas assez bien en<br />

France pour citer quelque chose de très précis,<br />

mais en Angleterre, le Craft Council a lancé un<br />

manifeste « Our futur is in the making », en disant<br />

qu’il fallait absolument se saisir de ces questions.<br />

En revanche, il y a <strong>des</strong> signes encourageants<br />

avec <strong>des</strong> expériences que nous avons voulu<br />

mettre en avant. C'est le cas avec Manufacto qui<br />

en est à sa 4e ou 5e édition, avec la fondation<br />

Hermès et les Compagnons du Devoir. Ils vont<br />

dans <strong>des</strong> écoles pour sensibiliser <strong>des</strong> élèves aux<br />

questions <strong>des</strong> <strong>métiers</strong> <strong>d'art</strong>.<br />

C'est également tout un champ qui s'appelle<br />

« la recherche interventionnelle ». Cela arrive<br />

lorsqu'un verrier rencontre, dans le cadre de<br />

l’équivalent d'un CHU à Londres, le département<br />

de chirurgie réparatoire, puisque les greffes de<br />

peau peuvent se faire de manière stable et<br />

pérenne, sur <strong>des</strong> moules en verre, <strong>des</strong> matrices<br />

en verre, <strong>des</strong> moulages de nez par exemple.<br />

C'est ce qu'on appelle également le <strong>des</strong>ign<br />

deal, l’architecture expériencielle. Elle est mise en<br />

œuvre dans les grands ateliers de L’Isle-d’Abeau,<br />

pas très loin de Lyon. Plutôt que de rester devant<br />

leur écran d’ordinateur ou leur feuille de papier,<br />

<strong>des</strong> étudiants en architecture vont faire leur propre<br />

matériau, fabriquer leurs propres briques de terre<br />

et construire à l'échelle 1, parce que les lieux le<br />

permettent. Au fur et à mesure qu’ils le font, ils<br />

découvrent <strong>des</strong> solutions bénéfiques à leurs<br />

propres <strong>des</strong>sins. C'est quelque chose d'assez<br />

fascinant à observer.<br />

Mon dernier exemple est celui <strong>des</strong> Compagnons<br />

du Devoir. Nous avons retranscrit l’interview<br />

de Grégoire Talon dans notre ouvrage.<br />

Les Compagnons du Devoir sont investis dans le<br />

programme Manufacto. Des chaudronniers vont<br />

aussi être capables de transposer leur savoirfaire<br />

sur un chantier pour la mise en place d’éoliennes,<br />

parce qu’un département sur la question<br />

<strong>des</strong> énergies renouvelables s'est mis en place<br />

chez eux. Ils vont également être capables de<br />

faire de la recherche sur les alternatives au cuir,<br />

sur le cuir connecté ou les matériaux connectés,<br />

par exemple. Nous en parlerons peutêtre<br />

ensuite.<br />

Une quatrième illustration est qu’ils ont la capacité<br />

d'accueillir <strong>des</strong> migrants afghans et de les former<br />

à <strong>des</strong> <strong>métiers</strong> qui manquent cruellement en<br />

France. Subitement, il y a aussi cette dimension.<br />

Est-ce politique ? En tout cas, cet outil permet de<br />

répondre à <strong>des</strong> enjeux sociétaux qui sont loin<br />

d'être résolus aujourd'hui.<br />

M. Philippe LOISEAU<br />

— La dernière question est en lien avec votre dernier<br />

propos. L'artisanat <strong>d'art</strong> est également porteur<br />

de réponses ou il pose <strong>des</strong> questions sur certains<br />

sujets sociétaux, voire politiques. C'était l’un <strong>des</strong><br />

sujets <strong>des</strong> ateliers. Cela peut être l’économie solidaire,<br />

les nouvelles formes d'inclusion et d'urbanité,<br />

l’intelligence collective ou le travail en réseau.<br />

C'est une dimension à laquelle sont consacrées<br />

de nombreuses contributions dans votre<br />

ouvrage. Pouvez-vous nous en donner <strong>des</strong><br />

exemples ? En quoi l'artisanat <strong>d'art</strong> peut-il être<br />

également un projet politique ou, en tout cas,<br />

une façon d’interpeller les questions politiques ?<br />

M. Fabien PETIOT<br />

— Je le dirais si je voulais vous faire plaisir<br />

aujourd’hui, mais nous ne sommes pas totalement<br />

naïfs au point de penser qu’on va changer<br />

le monde en n'utilisant que <strong>des</strong> choses artisanales<br />

et <strong>des</strong> démarches artisanales.<br />

En revanche, il nous est vraiment apparu que cet<br />

outil qu’est le Craft, l'artisanat <strong>d'art</strong>, est un modèle<br />

de réponse extrêmement inspirant. Est-ce un<br />

risque ? Est-ce une chance ? Évidemment, cela<br />

peut être phagocyté, mais comme beaucoup<br />

d’autres choses. Cela peut être une vraie chance.<br />

Je citerai plusieurs exemples. Il y en a énormément<br />

dans notre livre. Pour donner une réponse<br />

un peu plus courte que les autres, je m’appuierai<br />

sur <strong>des</strong> images.<br />

J’utiliserai encore un anglicisme. Les social green<br />

business sont <strong>des</strong> entreprises qui ont vocation à<br />

s'inscrire dans un rôle social et aussi environnemental.<br />

Elles sont soit social soit green.<br />

C'est le cas avec Awen Delaval, un ingénieur<br />

français installé au Cambodge, qui a découvert<br />

dans les cultures lacustres que la fleur de lotus<br />

est cueillie et qu’on laisse pourrir les 3 mètres de<br />

tiges qui sont sous l’eau. Quand on casse cette<br />

tige, on peut en extraire une fibre incroyable qui<br />

permet d'obtenir une soie végétale, ce qui est<br />

aberrant. Elle peut être travaillée uniquement<br />

dans les 48 heures. Après, la tige n'est plus utilisable.<br />

Cela donne un matériau avec <strong>des</strong> qualités<br />

exceptionnelles et aussi la capacité, pour une<br />

communauté de femmes, d'avoir accès à l'alphabétisation<br />

et à un statut plus valorisant que<br />

celui qu’elles ont aujourd'hui.<br />

Autre réponse que nous avons pu mettre en<br />

avant : c’est un atelier appelé Unto this last. L’ouvrage<br />

de John Ruskin avait très largement inspiré<br />

les Arts and Crafts et William Morris. Unto this<br />

last est dans l'est de Londres. Plutôt que de faire<br />

appel à du mobilier qui viendrait de l’autre bout<br />

de la terre, on revient à certaines manufactures<br />

en ville, <strong>des</strong> ateliers, <strong>des</strong> menuiseries de quartier,<br />

qui permettent, avec l'équipement numérique,<br />

de fonctionner sous forme d'emballages à plat<br />

que l’on appelle le flat pack, de réduire les coûts<br />

28 <strong>Assises</strong> <strong>des</strong> <strong>métiers</strong> d’art – 28 et 29 juin <strong>2019</strong>, Palais <strong>des</strong> Congrès de Perpignan

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