58 <strong>Assises</strong> <strong>des</strong> <strong>métiers</strong> d’art – 28 et 29 juin <strong>2019</strong>, Palais <strong>des</strong> Congrès de Perpignan
CONCLUSION DES ASSISES M. Philippe LOISEAU — Au fond, vous avez signé votre charte d'engagement. Il n'y a plus qu’à le faire, maintenant. Vous avez voté, c'est bon ! Je vois que les membres du Conseil d'administration sont contents de cet engagement collectif. Je vais inviter Jean-Cassien et Inès à venir tous les deux sur scène. La consigne était qu'ils participent à vos ateliers et qu'ils vous écoutent. Maintenant, ils vont dire ce qui les a marqués, ce qui les a touchés, ce qu’ils ont retenu et de ce qu’ils ont envie de partager avec vous de ce temps d’ateliers, d'échanges et de débats lors de cette seconde partie de matinée. Je vous laisse la parole. Mme Inès MESMAR — Je vous remercie. J’ai tourné parmi toutes les tables d'échanges. C’était très intéressant, riche et vivant. J'ai pu faire la connaissance de certaines personnes. J'ai noté, à travers tous ces échanges, une petite solitude parfois au niveau local et aussi un besoin très important d'ouverture, d'échange et de liens. Ce sont <strong>des</strong> choses qui sont ressorties assez souvent. Un autre point très important était la communication et la recherche de reconnaissance, cet aspect d'être reconnu de tous, de s'ouvrir vers les autres, de faire connaître et de porter la parole, tout en gardant votre singularité et votre identité. C’est vraiment l'idée d'aller vers l'autre, de faire connaître et de porter tout ce que vous avez en vous et qui est votre raison d'être. Cela m'a bien marquée. À différents échelons du territoire, que ce soit au niveau local ou au niveau national, <strong>des</strong> institutions, <strong>des</strong> pairs, de l'Éducation nationale et aussi de l’école, il y a un point assez important sur la formation, avec ce besoin de maillage sur le territoire. Cela pose notamment la question <strong>des</strong> délégués régionaux. J’ai entendu <strong>des</strong> questions concernant leur place et leur rôle, leurs liens avec les artisans dans les territoires et la façon dont tout cela entre en relation. Il y a eu la question <strong>des</strong> outils pouvant être mis à disposition pour que tout cela puisse se fédérer, se réunir, pour pouvoir concrétiser <strong>des</strong> actions ensemble. Il y avait aussi l'idée de porter <strong>des</strong> projets collectifs, collaboratifs. J’ai entendu plusieurs personnes évoquer le sujet du forum qui a existé à un moment donné. J’ai trouvé que c'était intéressant. Concernant l'aspect communication et défense de la profession, en termes de statut et de protection sociale, il s’agit de pouvoir se renforcer, d’avoir une identité protégée, qui fait union et qui donne une certaine force, avec un langage commun. C’est aussi la reconnaissance du métier, avec ce pouvoir que peuvent avoir les artisans en termes de reconnaissance, de prise en considération de leurs besoins et de ce qu’ils ont envie de partager et de construire. J’ai beaucoup entendu parler de la question de la formation et de l'engagement, en lien avec l’aspect de la transmission. C’était très intéressant. De nombreuses personnes concrétisent leur engagement à travers leur profession. Il s’agit de transmettre, d'accueillir <strong>des</strong> stagiaires, d’accompagner, d’aller dans <strong>des</strong> écoles sensibiliser les plus jeunes à vos <strong>métiers</strong>, de pouvoir partager cela avec d'autres pour les sensibiliser à ce qui vous touche et qui vous passionne, à travers cette formation et l’acte de transmission. Il y a aussi la question de la formation <strong>des</strong> formateurs, en imaginant peut-être <strong>des</strong> formats plus dématérialisés. Je vous restitue <strong>des</strong> idées que j'ai entendues et qui m'ont touchée, que nous avons partagées avec les deux personnes qui sont avec moi à la Fabrique Nomade. C’était très intéressant. Les profils sont très différents. Voilà ce que j'ai retenu. Je vous remercie. (Applaudissements.) M. Jean-Cassien BILLIER — J’ai écouté moi aussi. Je n'ai pas pu aller dans tous les ateliers. L'engagement vaut par ce à quoi on s'engage. L'engagement en tant que tel n'a pas beaucoup de valeur. Si un cambrioleur ou un nazi est à moitié engagé, c'est mieux, car ils font moitié moins de dégâts. Ce qui compte dans l’engagement, c’est à quoi vous vous engagez, à quelle valeur. La grande question est : à quoi êtes-vous engagés ? Au nom de quoi ? En vous écoutant, cela m’a fait penser à un de mes livres fétiches en ethnologie, parce que c’est l’une <strong>des</strong> disciplines que j’adore. C’est un livre de Malinowski, un grand classique. Il y a un phénomène qu’il a appelé la Kula, du nom d’un phénomène magnifique qu’il a observé dans les années 20 dans les îles Trobiand qui sont dans le Pacifique occidental, au nord-est de la Nouvelle-Guinée. Des bateaux partent dans le sens <strong>des</strong> aiguilles d'une montre, car les îles <strong>des</strong>sinent une sorte de cercle. Ils partent avec un coquillage d’une certaine couleur et ils l’apportent à l’île suivante. Les dignitaires prennent ce coquillage, montent dans leur bateau et l’apportent à l’île suivante. Dans le même temps, un autre coquillage d’une autre couleur est apporté par d’autres qui <strong>des</strong>sinent la même chose, mais dans le sens inverse <strong>des</strong> aiguilles d’une montre. Cela a plongé Malinowski dans un abîme de perplexité. Il s’est demandé ce que c’était. Le coquillage a cette propriété qu’on ne peut rien en faire : on ne peut pas le vendre, on ne peut pas le garder chez soi, on ne peut pas le posséder, on ne peut pas le détruire et on ne peut même pas le donner. On ne peut en faire qu’une seule chose : le recevoir et le transmettre. C'est tout simplement l'identité de cette communauté. Je pense que vous êtes confrontés à cela. Tout d'abord, votre engagement est vis-à-vis de vous-mêmes. C'est un engagement envers une chose que vous ne pouvez ni vendre, ni donner, ni détruire. Vous ne pouvez faire qu'une seule chose : la recevoir et la transmettre. À mon avis, il y a trois choses. Conclusion <strong>des</strong> assises 59