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APOLLINE CORNUET/QUENTIN MAHÉAS/LA CLEF PROD, WILLIAM K/LA CLEF PROD<br />
Le MC-acteur Gringe<br />
sur scène à Garorock.<br />
compris qu’on pouvait faire à peu près<br />
tout ce qu’on voulait dans le rap. Tout le<br />
monde peut rapper aujourd’hui. Demain,<br />
un rappeur bourgeois de province peut<br />
se lancer dans le rap et devenir très important.<br />
Si le mec est bon, cela ne posera<br />
de souci à personne. Et il pourra collaborer<br />
avec des rappeurs plus street. Les<br />
barrières sont tombées à ce niveau-là.<br />
La personnalité multiple du rap<br />
français en <strong>2020</strong> s’explique inévitablement<br />
par ses évolutions ces trente<br />
dernières années. Quels ont été selon<br />
vous les moments fondamentaux<br />
de son histoire ?<br />
En fait, il y a eu deux chocs côté business<br />
dans l’histoire du rap français : quand<br />
Skyrock décide de devenir une radio<br />
rap en 1996, puisque ça accompagne le<br />
développement du rap et lui donne ses<br />
premiers gros succès, ses disques d’or. Et<br />
quand vingt ans plus tard, le streaming<br />
est comptabilisé dans les ventes de musique<br />
: le streaming est venu sauver le rap<br />
commercialement. Toute cette musique<br />
qui était téléchargée, écoutée de manière<br />
illégale par le passé, est devenue légale,<br />
comme par magie.<br />
Vous êtes au contact de l’essentiel des<br />
artistes et des intervenants du business<br />
rap. Dans les coulisses, quel est<br />
le vrai visage du rap aujourd’hui ? Estil<br />
toujours aussi sulfureux qu’on veut<br />
bien le croire ou nous le faire croire ?<br />
S’est-il assagi ?<br />
Assagi, je ne sais pas. Je n’ai pas connu le<br />
rap dans les années 90, car j’étais trop<br />
« Rap Jeu prouve aux<br />
gens que l’on peut<br />
parler du rap<br />
différemment »<br />
SCH, Dinos, Bigflo & Oli, Niska,<br />
Seth Gueko, Mac Tyer, Kalash<br />
Criminel, Oxmo Puccino… Depuis<br />
un an, sur <strong>Red</strong> Binks, une chaîne<br />
YouTube dédiée au rap, les patrons<br />
du genre défilent sur le plateau<br />
de la déjà culte émission<br />
Rap Jeu : un quizz d’un nouveau<br />
genre imaginé par Mehdi Maizi.<br />
« Contrairement aux kids d’aujourd’hui,<br />
j’ai un ADN télé assez<br />
fort, explique Mehdi, le créateur<br />
du format Rap Jeu. J’ai beaucoup<br />
regardé la télé étant gamin, j’ai<br />
bouffé du jeu télé, donc je voulais<br />
depuis longtemps faire un<br />
jeu télé sur le rap, avec les codes<br />
de YouTube. Pour transmettre de<br />
la connaissance sur le rap, sans<br />
être chiant. Pendant longtemps,<br />
en France, on a très peu ri du rap,<br />
alors qu’il y a plein de choses qui<br />
sont risibles dans cet univers,<br />
que l’on peut détourner ou parodier,<br />
sans s’en moquer. Cela<br />
s’est confirmé quand les auteurs<br />
de Rap Jeu sont entrés dans la<br />
boucle et que le côté fun de<br />
l’émission a commencé à se<br />
dessiner. Dans Rap Jeu, on peut<br />
plaisanter avec les artistes et les<br />
gens, et en retirer quelque chose.<br />
Ce concept est peut-être le point<br />
de départ de plein d’autres<br />
projets, car il prouve au public<br />
que l’on peut parler du rap<br />
différemment. »<br />
Retrouvez Rap Jeu ainsi que<br />
des freestyles et projets studio<br />
exclusifs sur <strong>Red</strong> Binks :<br />
youtube.com/redbinks<br />
« Un rappeur qui va rimer 12<br />
minutes sans refrain, ça peut<br />
sembler plus impressionnant<br />
qu’un morceau de 2 minutes<br />
où il y a moins de mots, mais<br />
ça ne l’est pas forcément. »<br />
jeune, mais depuis une dizaine d’années<br />
que je suis actif dans cet univers, j’observe<br />
un milieu globalement très professionnel.<br />
Quand je vois les artistes en<br />
promo ou lors de nos émissions, ils sont<br />
à l’heure, très respectueux, entourés d’attachés<br />
de presse. C’est une industrie, ils<br />
viennent au travail. Avant d’être à temps<br />
plein dans le journalisme musical, j’ai<br />
bossé en entreprise, dans le conseil, dans<br />
un cadre très classique, et je n’ai pas vu<br />
dans le rap une différence fondamentale<br />
dans la manière dont les gens travaillent.<br />
Même si je m’amuse dans ce que je fais,<br />
la manière dont les gens travaillent dans<br />
cette industrie est celle de l’entreprise.<br />
C’est un milieu assez sain, et il y a parfois<br />
une différence entre ce que les rappeurs<br />
disent et ce qu’ils vivent. Les rappeurs<br />
sont assez jeunes et souvent encore innocents<br />
vis-à-vis de pas mal de choses.<br />
C’est un milieu assez normal, même s’il<br />
y a des gens extravagants dans le rap,<br />
comme partout.<br />
Venant d’un métier classique, qu’estce<br />
que cela vous a apporté d’évoluer<br />
dans le monde du rap ? Pourquoi il<br />
faut s’intéresser à cette musique, cette<br />
industrie ?<br />
À la base, ce qui m’a fait tomber dans le<br />
rap, ce sont les textes, un phrasé et des<br />
thèmes qui me touchaient, que l’on n’entendait<br />
pas dans d’autres genres musicaux.<br />
J’étais jeune, et le rap, en tant<br />
que musique de jeunes, m’apparaissait<br />
comme un truc pour ceux qui veulent<br />
conquérir le monde, ou plein d’idéalisme.<br />
Puis, plus tard, c’est d’avantage la musique<br />
qui m’a plu. Puis sa capacité à évoluer<br />
en permanence. Ce rap en tant que<br />
monstre polymorphe, qui peut prendre<br />
n’importe quelle apparence : on peut rapper<br />
sur n’importe quoi. Ce qui m’intéresse<br />
aujourd’hui, ça peut être le producteur<br />
à la mode, ou ce qui vient dynamiter<br />
cette musique.<br />
THE RED BULLETIN 75