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Dossier management<br />
revenir à quelque chose de plus gérable<br />
et acceptable ».<br />
C’est du moins ce qu’a constaté Philippe<br />
Pluvinage lors de ses multiples visites à<br />
travers le monde. Or il est apparu que<br />
cette utilisation de la GMAO variait tellement<br />
que des sites pourtant comparables<br />
(même pays, même culture, même réglementation,<br />
même procédé de fabrication,<br />
nombre similaire d’employés etc.) ne<br />
sortait pas du tout les mêmes indicateurs<br />
tels que des choses pourtant évidentes<br />
comme les ordres de travail correctif par<br />
exemple. Il était impossible d’exercer du<br />
benchmark et de livrer des indicateurs<br />
communs.<br />
Une « bible »<br />
pour la maintenance<br />
Il a donc fallu trouver un compromis, et<br />
non procéder à une table rase qui, de<br />
toute évidence, aurait pris beaucoup plus<br />
de temps et aurait été très mal vécue. Il<br />
a donc été nécessaire de prendre le temps<br />
d’observer et d’écouter chacun. Le directeur<br />
technique a ensuite travaillé sur les<br />
niveaux d’équipements au sein de chaque<br />
site, découlant ensuite sur un niveau de<br />
hiérarchisation des ordres de travail,<br />
allant du préventif au curatif en passant<br />
par la casse et la fiabilité. « Nous nous<br />
sommes tous mis d’accord pour créer un<br />
système commun de tiroirs dans lesquels<br />
on met toutes les informations sur les<br />
ordres de travail. Cette étape était aussi<br />
cruciale que difficile à franchir car les<br />
opérateurs étaient déjà habitués à<br />
travailler différemment. Cela a été dur<br />
mais les responsables de maintenance<br />
chargés de mettre en place ce système<br />
ont su affirmer leur autorité en faisant<br />
admettre à chacun qu’il présentait de<br />
sérieux avantages ». Tous les jours, la<br />
direction technique recevait des alertes<br />
lorsqu’un ordre de travail avait mal été<br />
rentré ou intégré au mauvais endroit. Puis<br />
progressivement les remises à l’ordre<br />
auprès des responsables de maintenance<br />
se sont espacées, allant d’une semaine à<br />
un mois, pour se raréfier aujourd’hui. Le<br />
déploiement s’est d’abord effectué en<br />
Europe puis dans le reste du monde.<br />
Reste aujourd’hui à la direction technique<br />
de s’attaquer à la Chine où la démarche<br />
de mutualisation a déjà été entamée.<br />
Parallèlement au déploiement géographique,<br />
la démarche est aujourd’hui<br />
DR<br />
déclinée auprès des techniciens et ne<br />
s’adresse plus seulement aux responsables<br />
maintenance. Car Philippe Pluvinage<br />
a une obsession : celle du transfert<br />
de compétences et des savoirs. Or si un<br />
responsable de maintenance occupe son<br />
poste durant environ cinq ans (la<br />
démarche a été entamée il y a près de<br />
trois ans), les techniciens, eux, exerceront<br />
leur métier pendant plus de vingt<br />
ans, parfois durant toute une vie au sein<br />
de l’entreprise. Ce sont eux qui portent<br />
et colportent la mémoire de l’entreprise<br />
et de ces pratiques de maintenance nées<br />
de la nouvelle organisation, laquelle a<br />
pour but de s’inscrire dans la durée et<br />
devenir pérenne. « Ainsi, nous avons<br />
décidé d’impliquer les techniciens en les<br />
intégrant dans un réseau destiné au<br />
départ aux “maintenance managers’’.<br />
L’objectif étant de pérenniser l’outil en<br />
les formant. Et nous avons franchi un pas<br />
énorme lorsque, de leur propre chef, ils<br />
ont commencé à partager leurs retours<br />
d’expérience et proposé des pistes d’amélioration.<br />
Outre le langage commun et la<br />
bible, l’appropriation du système et de<br />
ses outils ont permis la réalisation de<br />
ce vaste et complexe travail d’organisation<br />
multi-site de la maintenance ».<br />
Intervenir sur les coûts<br />
et la partie financière<br />
Un des axes clés réside dans la réduction<br />
des coûts, et en tant que gestionnaire des<br />
coûts fixes et variables de maintenance,<br />
Philippe Pluvinage n’a pas tardé à<br />
s’adresser à la direction des finances de<br />
Kerneos pour travailler avec elle. Celleci<br />
gère en effet tous les achats et les<br />
investissements effectués dans l’entreprise<br />
au niveau mondial mais elle n’en<br />
était pas pour autant liée à la GMAO.<br />
Comprendre les besoins de la finance,<br />
c’est admettre l’idée de consolidation.<br />
Le lien entre la finance et le métier<br />
manquait ; c’est pourquoi la direction<br />
technique a imposé l’idée qu’un investissement<br />
en maintenance ne peut plus<br />
être dissocié d’un ordre de travail. « C’est<br />
à partir de là que nous avons pu obtenir<br />
de précieux indicateurs et établir des<br />
comparatifs entre les coûts liés au préventif<br />
entrepris sur deux broyeurs, l’un<br />
en France, l’autre aux États-Unis par<br />
exemple. On construit désormais nos<br />
budgets à partir de ces données ».<br />
Menée entre 2006 et 2009, la démarche<br />
– toujours en cours de déploiement – a<br />
permis de ressortir des résultats plus que<br />
satisfaisants. À travers les score-card<br />
notamment (devenus des outils de management<br />
à part entière), la direction technique<br />
a pu observer qu’en mars 2008,<br />
la moyenne de certains indicateurs – tels<br />
que l’utilisation d’un langage commun<br />
des ordres de travail, la part des heures<br />
d’intervention de maintenance planifiées<br />
et des heures passées sur les machines –<br />
était plutôt faible, de l’ordre de 40% pour<br />
les sites les moins bons. En 2012, les taux<br />
d’optimisation atteignaient 90 à 95%<br />
pour toutes les unités. Le taux de fiabilité<br />
est quant à lui passé de 80% à 95<br />
voire 98%, et le taux de réalisation des<br />
interventions planifiées et préventives<br />
sont aujourd’hui supérieurs à 90%. Quant<br />
aux coûts, le budget est respecté chaque<br />
année avec, il faut le rappeler, la possibilité<br />
dans une entreprise multinationale,<br />
de pouvoir rattraper les quelques excès<br />
d’un site en lorgnant sur l’autre.<br />
La prochaine mission est chinoise et<br />
concerne les nouveaux développements<br />
de déploiement de la démarche et d’organisation<br />
de la maintenance multi-sites.<br />
Un défi qui s’accompagnera de nouvelles<br />
actions de façon à réduire les coûts liés<br />
aux grands arrêts de maintenance. Enfin,<br />
autre cheval de bataille déjà entamé mais<br />
qu’il reste à mener, celui de la pérennité<br />
de l’outil et des pratiques d’utilisation<br />
auprès des jeunes et des techniciens. Car<br />
une bonne organisation n’a de sens que<br />
si elle est partagée par tous et traverse<br />
le temps autant que les frontières et les<br />
barrières culturelles ■<br />
Olivier Guillon<br />
PRODUCTION MAINTENANCE ➤ JANVIER, FÉVRIER, MARS 2013 ➤ PAGE 34