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SAINT NICOLAS HAYEK A REJOINT LE PARADIS DES<br />
HORLOGERS<br />
Sacré Nicolas Hayek! Il est décédé le<br />
lundi 28 juin dernier, à 82 ans, dans<br />
son bureau du Swatch Group, à<br />
Bienne, sans avoir jamais pris un jour de<br />
retraite. «La retraite, c’est bon pour les<br />
généraux battus», avait-il coutume de<br />
dire, en donnant ainsi de mauvaises idées<br />
aux Pascal Couchepin, Nicolas Sarkozy et<br />
tous ceux qui veulent nous faire travailler<br />
plus longtemps… Mais trêve de plaisanterie,<br />
si le charismatique patron horloger a<br />
bossé jusqu’à son dernier souffle, ce n’est<br />
pas pour faire injure aux salariés du<br />
monde entier, c’est uniquement parce<br />
qu’il nourrissait une passion inextinguible<br />
pour son métier, parce qu’il avait trop<br />
de projets à mener à bien pour envisager<br />
de s’arrêter un jour. Il savait qu’il mourrait<br />
au combat.<br />
On ne reviendra pas ici sur les circonstances<br />
qui ont amené Nicolas Hayek à bâtir,<br />
dès le milieu des années 80, le premier<br />
empire horloger mondial à partir des<br />
miettes d’un secteur alors laminé par la<br />
révolution du quartz. Empire qui compte<br />
aujourd’hui une vingtaine de marques,<br />
plus de 20 000 collaborateurs et qui a<br />
généré, en 2009, un chiffre d’affaires de<br />
5,4 milliards de francs. En ce sens, il fut<br />
effectivement un visionnaire, à qui tous<br />
les acteurs d’une branche désormais florissante<br />
doivent beaucoup, si ce n’est<br />
tout. Et surtout, ce patron hors norme a<br />
réussi à consolider un outil industriel<br />
intelligemment conçu, dont les velléités<br />
hégémoniques posent parfois problème, il<br />
est vrai. Mais à qui la faute, si ce n’est à<br />
ceux qui ont longtemps bénéficié, à peu<br />
de frais, sans trop de risques et sans vergogne,<br />
de ce système de production, profitant<br />
ainsi indirectement des lourds<br />
investissements consentis par le Swatch<br />
Group? Cette situation fut à l’origine de<br />
Nicolas Hayek comme il aimait à se présenter, avec ses montres préférées sur les deux avant-bras. La mort de cette figure<br />
légendaire de l’horlogerie suisse aura sans doute un impact sur l’ensemble du secteur dans les mois à venir.<br />
plusieurs coups de gueule de Nicolas<br />
Hayek, dont le verbe haut, la vivacité<br />
d’esprit et la liberté de ton contribuaient à<br />
amplifier la portée.<br />
Vrai: tant par son parcours d’industriel et<br />
ses choix stratégiques que par sa forte<br />
personnalité, Nicolas Hayek en imposait.<br />
Comme jadis la Pythie à Delphes, on<br />
venait le consulter comme l’oracle de<br />
l’horlogerie mondiale. A tel point qu’il<br />
était parfois très gênant de voir certains<br />
se prosterner devant lui pour obtenir un<br />
avis ou une faveur. Vrai encore: du haut<br />
de son trône d’empereur, il pouvait aussi<br />
se montrer cassant à l’égard des impudents<br />
qui osaient contester ses choix.<br />
Bref, Hayek senior était devenu en<br />
quelque sorte intouchable, incontestable.<br />
Sans forcément le vouloir vraisemblablement,<br />
car l’homme était fondamentalement<br />
modeste. L’automne dernier, dans<br />
les colonnes de ce même magazine, alors<br />
que nous lui demandions de quoi il était<br />
le plus fier, il avait répondu en ces termes:<br />
«Je ne tire de tout cela aucune fierté personnelle.<br />
Je suis simplement un homme<br />
heureux d’avoir pu réaliser certaines choses<br />
dans ma vie, surtout d’avoir créé des<br />
richesses et des places de travail pour<br />
beaucoup de monde. Que cela soit, au<br />
début, dans la Ruhr, en créant des usines<br />
nouvelles et des produits nouveaux, ou<br />
dans le Swatch Group ou chez Belenos.» Un<br />
vrai entrepreneur, quoi. ■ Thierry Brandt<br />
ACTUHORLOGÈRE<br />
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