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Journal asmac No 1 - février 2022

Norme - A propos de vis et de légumes Psycholeptiques - Gestionnaire de son propre sommeil Démence - Dépistage précoce dans la pratique Politique - Gel des admissions: l’énigme

Norme - A propos de vis et de légumes
Psycholeptiques - Gestionnaire de son propre sommeil
Démence - Dépistage précoce dans la pratique
Politique - Gel des admissions: l’énigme

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Point de mire<br />

nées d’un grave trouble obsessionnel-compulsif,<br />

et soumis à diverses contraintes qui<br />

fragilisent sa stabilité. Sa capacité à travailler<br />

méticuleusement et à tout contrôler<br />

est un atout pour Monsieur B. dans sa<br />

profession. Mais lorsqu’il se retrouve en<br />

proie à une anxiété exacerbée et à une vulnérabilité<br />

psychique, cette capacité se<br />

mue en contrainte oppressante. Monsieur<br />

B. est impuissant face aux actes compulsifs;<br />

il se trouve dans un cercle vicieux<br />

émotionnel, qui le pousse à se laver les<br />

mains jusqu’à 30 fois après chaque action<br />

et vérifier jusqu’à 20 fois s’il a bien fermé la<br />

porte de son appartement. Ces actions lui<br />

semblent absolument insensées et il a appris,<br />

au cours des dernières années de traitement,<br />

à gérer la peur qui les motive. Sauf<br />

qu’aujourd’hui, elle est à nouveau si<br />

grande que la contrainte accapare de plus<br />

en plus de temps et de ressources émotionnelles.<br />

Il s’épuise en tentant de surmonter<br />

l’angoisse qui le submerge lorsqu’il<br />

s’efforce de réprimer les actes compulsifs.<br />

Regarder au-delà de l’addiction<br />

au lieu de la minimiser<br />

Madame K. est venue me consulter il y a<br />

quelques années suite à des menaces subies<br />

dans sa relation de l’époque, qui faisaient<br />

écho à une enfance traumatisante.<br />

Il a fallu six mois pour qu’elle parvienne à<br />

parler de la maladie cachée derrière les<br />

symptômes visibles qui l’avaient incitée à<br />

consulter. A partir de ce moment-là, Madame<br />

K. a eu confiance dans la relation<br />

thérapeutique et a commencé à parler ouvertement<br />

de sa consommation honteuse<br />

d’alcool, à l’origine de chutes régulières<br />

ainsi que d’un comportement impulsif,<br />

risqué, voire suicidaire. Les jours suivants,<br />

elle n’était à chaque fois plus en mesure de<br />

se présenter sur son lieu de travail. La patiente<br />

était d’une part très éprouvée physiquement,<br />

avec de violents vomissements<br />

et des maux de tête le lendemain, et d’autre<br />

part dévastée émotionnellement face à ses<br />

problèmes financiers, son isolement social<br />

et au risque de voir sa stabilité professionnelle<br />

mise en péril par sa dépendance.<br />

Au début, la patiente minimisait son alcoolisme.<br />

Elle est jeune, et il est normal<br />

qu’à son âge, elle veuille s’amuser et faire<br />

la fête. Elle est persuadée que ce comportement<br />

est normal, et que tout le monde<br />

fait pareil. Au cours de la thérapie, la patiente<br />

a compris quelles étaient les causes<br />

de sa dépendance. Elle a réussi à comprendre<br />

que sa dépendance faisait partie<br />

de sa maladie psychique, qui la limitait et<br />

lui portait préjudice depuis de nombreuses<br />

années au niveau de sa santé, ses finances,<br />

ses relations humaines, son travail et ses<br />

émotions, et à faire preuve de compréhension<br />

envers elle-même.<br />

Quand la norme sociale devient<br />

un problème<br />

Quelques mois après le début de la pandémie,<br />

un jeune patient dont le traitement<br />

était terminé depuis un certain temps s’est<br />

présenté à moi. Souffrant d’un trouble du<br />

déficit de l’attention avec hyperactivité<br />

(TDAH) depuis son enfance, Monsieur M.<br />

a suivi une thérapie au sein de mon cabinet<br />

pendant ses études et jusqu’à deux ans<br />

après son entrée dans la vie active. Dans le<br />

cadre de la thérapie, il a élaboré pour luimême<br />

des connaissances et des stratégies<br />

lui permettant de travailler de manière<br />

concentrée et attentive malgré son trouble<br />

de l’attention. Contraint au télétravail à<br />

cause de la pandémie, sans le cadre normal<br />

du bureau physique et sans la présence<br />

de collègues, il s’est toutefois avéré<br />

que ces nouvelles circonstances spatiales,<br />

mais aussi temporelles, qui ne correspondaient<br />

plus à la norme actuelle, ont<br />

confronté une nouvelle fois Monsieur M. à<br />

ses troubles prononcés de la concentration<br />

et de l’attention.<br />

Au tout début, Monsieur M. se représentait<br />

la thérapie comme un outil d’auto-optimisation.<br />

Il voulait atteindre un<br />

état de bonheur qu’il considérait comme<br />

une norme souhaitable d’après ce qu’il<br />

voyait sur Instagram, Facebook et d’autres<br />

réseaux sociaux – une norme documentée<br />

et établie par des moments prétendument<br />

et exclusivement heureux. Cette conception<br />

artificielle du bonheur excluait la perception<br />

et, plus généralement, le ressenti<br />

de sentiments difficiles et désagréables<br />

tels que la peur de l’échec, la tristesse ou la<br />

colère. Le fait que ce soit une étape importante<br />

pour la thérapie de comprendre et<br />

d’accepter son propre sentiment d’échec,<br />

de tristesse, de honte et de dévalorisation a<br />

été, dans un premier temps, très décevant<br />

pour Monsieur M. Il était essentiel, au final,<br />

qu’il comprenne que le bonheur en<br />

tant qu’état permanent ne correspond pas<br />

à la norme et que l’état de satisfaction permet<br />

d’aborder plus sereinement les sentiments<br />

difficiles et tout le spectre du vécu<br />

personnel.<br />

«<strong>No</strong>rmal» seulement à première vue<br />

En psychiatrie ambulatoire, les patients<br />

correspondent encore à la norme vis-à-vis<br />

de l’extérieur, ils sont la plupart du temps<br />

envoyés en consultation, beaucoup d’entre<br />

eux ont une activité professionnelle, une<br />

famille ou sont en couple, mais certains<br />

sont aussi fortement isolés ou incapables<br />

de s’engager. <strong>No</strong>mbreux semblent «normaux»<br />

de prime abord, correspondent<br />

souvent à la norme sociale en apparence,<br />

mais souffrent en réalité de troubles psychiques.<br />

La maladie qui les incite à consulter<br />

leur coûte trop d’énergie, prend trop<br />

d’espace et menace de dépasser le cadre<br />

dans lequel ils évoluent – conformément à<br />

la norme sociale.<br />

La classification diagnostique et, sur<br />

cette base, l’indication thérapeutique sont<br />

complexes et exigeantes. Il est important,<br />

pour instaurer une relation de confiance<br />

entre le thérapeute et ses patients, que ces<br />

derniers soient perçus et non évalués. En<br />

parallèle, pour comprendre et saisir leur<br />

monde intérieur et le faire correspondre<br />

aux normes du diagnostic psychiatrique, il<br />

nous faut écouter et questionner avec précision,<br />

rassembler et observer, et faire<br />

preuve d’empathie pour les accompagner<br />

vers la connaissance de leur maladie et de<br />

ses origines. Les patients peuvent ainsi<br />

prendre conscience qu’il est possible<br />

d’être normal et d’appartenir à la société,<br />

même avec une maladie psychique.<br />

vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 1/22 21

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