PSC 6-01 - FSP
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Du papier-crayon<br />
à l’informatique<br />
Le monde industriel<br />
utilise toujours<br />
davantage de tests<br />
pour la sélection du<br />
personnel, mais cela<br />
ne l’a guère rapproché<br />
des psychologues praticiens<br />
et universitaires.<br />
Une certaine<br />
méfiance demeure,<br />
constate Roland<br />
Capel, consultant en<br />
psychométrie et<br />
maître d’enseignement<br />
et de recherche<br />
à l’Université<br />
de Lausanne.<br />
Quelles connaissances<br />
acquièrent<br />
les étudiants qui suivent<br />
vos cours ?<br />
d o s s i e r<br />
t e s t s<br />
Les tests en psychologie<br />
et dans<br />
les ressources humaines<br />
Mon enseignement<br />
s’adresse aux étudiants<br />
de deuxième<br />
cycle et notamment<br />
à ceux qui iront travailler<br />
dans le secteur<br />
des ressources<br />
humaines, dans les<br />
offices régionaux de<br />
placement (ORP) ou<br />
les offices d’orientation,<br />
car ils auront<br />
certainement l’occasion<br />
d’utiliser des<br />
tests. S’ils suivent<br />
mes cours (deux<br />
heures hebdomadaires<br />
pendant un<br />
semestre), ils<br />
devraient – en principe<br />
– être capables de distinguer un<br />
bon test d’un moins bon, et d’en faire<br />
un usage raisonnable. Il est vrai que,<br />
dans mes cours, je n’aborde que l’étude<br />
des tests purement psychologiques. Les<br />
tests utilisés dans le monde industriel<br />
sont plutôt étudiés dans le cursus des<br />
hautes études commerciales.<br />
Je donne deux cours différents à l’Institut<br />
de psychologie : le premier porte<br />
sur l’évaluation psychologique, à<br />
savoir l’étude de toutes les techniques<br />
(de préférence scientifiques, bien<br />
entendu…) que l’homme a inventées<br />
au cours de l’histoire pour tenter de<br />
mieux connaître ses semblables. Il<br />
m’arrive donc également d’aborder,<br />
certes brièvement, des thèmes comme<br />
l’astrologie, la numérologie ou d’autres<br />
«sciences » irrationnelles, ne serait-ce<br />
que parce qu’elles ont encore beaucoup<br />
de succès et qu’elles comptent au nombre<br />
des concurrentes toujours redoutables<br />
des techniques dites scientifiques.<br />
Sans parler de la graphologie qui a un<br />
statut très spécial, au carrefour de la<br />
science, de l’art et de l’irrationnel.<br />
Mon autre cours apprend aux étudiants<br />
à analyser l’information contenue dans<br />
les données chiffrées qui sont recueillies<br />
au moyen de tests et de questionnaires.<br />
Cette discipline est nécessaire<br />
–c’est du moins mon avis – à toute<br />
personne qui prétend comprendre le<br />
fonctionnement d’un instrument de<br />
mesure psychologique ainsi que les articles<br />
et ouvrages portant sur l’analyse<br />
de données numériques en général.<br />
Il s’en écrit de plus en plus, que ce soit<br />
en psychologie, en psychiatrie, en sociologie,<br />
en géographie, etc.<br />
Il faut toutefois reconnaître que la psychométrie<br />
est une discipline qui n’a pas<br />
vraiment la cote auprès de la plupart<br />
des étudiants en psychologie. Ceux-ci<br />
sont souvent effrayés par les aspects<br />
techniques liés aux tests et aux statistiques.<br />
La plupart d’entre eux s’intéressent<br />
plutôt au travail clinique, au traitement<br />
des maladies mentales ou aux<br />
problèmes spécifiques des enfants.<br />
On trouve sur le marché une multitude<br />
de tests. Les utilisateurs n’ont-ils pas<br />
de la peine à s’y retrouver ?<br />
Je crois en effet que le marché du test<br />
est une jungle sans points de repère<br />
évidents. Mon expérience m’inciterait à<br />
dire que les gens résolvent le problème<br />
du choix d’un test de manière souvent<br />
surprenante : finalement, que les tests<br />
soient scientifiques ou folkloriques, on<br />
y croit ou n’y croit pas. Il y a dans ce<br />
domaine un puissant besoin de croire,<br />
que la psychologie devrait mieux étudier.<br />
Le fait est que la plupart des utilisateurs<br />
n’ont pas les connaissances suffisantes<br />
pour évaluer un instrument<br />
selon les critères scientifiques standard.<br />
Ils se rabattent donc sur des critères<br />
affectifs et subjectifs : ils adoptent un<br />
test parce qu’un voisin l’utilise, ou<br />
parce ce qu’il est très ancien et qu’il a<br />
fait ses preuves, ou encore parce qu’il<br />
est très cher, ce qui, dans certains<br />
milieux, est une garantie définitive de<br />
fiabilité. Dans d’autres cas, un test sera<br />
choisi en fonction du prestige de son<br />
ou de ses constructeurs, ce qui n’est<br />
pas le plus mauvais des critères. Enfin,<br />
lorsqu’un(e) jeune psychologue ayant<br />
achevé ses études est engagé(e) dans un<br />
office ou une entreprise (près de 80%<br />
des étudiants en psychologie sont des<br />
femmes), il ou elle sera tout d’abord<br />
tenté(e) d’utiliser les tests déjà en<br />
usage dans la maison, même si ces instruments<br />
ne correspondent pas aux critères<br />
de qualité exposés au cours de ses<br />
études universitaires.<br />
A quoi reconnaît-on la valeur d’un<br />
test ?<br />
Chacun a ses propres critères en la<br />
matière. A première vue, on est tenté<br />
de penser qu’un bon test se reconnaît<br />
au fait qu’il donne satisfaction à ses<br />
utilisateurs, mais dans ce cas, il faudrait<br />
ranger l’astrologie ou d’autres<br />
techniques du même genre dans l’arsenal<br />
des « bonnes » techniques, ce que<br />
je ne saurais faire. De formation scientifique,<br />
je crois aux vertus de la méthode<br />
expérimentale. Certes, les preuves<br />
n’existent que rarement en psychologie,<br />
mais je suis sensible aux arguments statistiques<br />
lorsqu’ils sont avancés par des<br />
gens qui comprennent ce qu’ils font. Je<br />
crois plus volontiers à un résultat lorsqu’il<br />
est reproductible et j’exige d’un<br />
instrument de mesure qu’il soit valide<br />
et fidèle.<br />
La démonstration scientifique standard<br />
de sa fiabilité repose sur ces deux critères.<br />
Un instrument fiable doit être<br />
constitué d’une ou plusieurs échelles<br />
valides, c’est-à-dire mesurant bien ce<br />
qu’elles prétendent mesurer. Par exemple,<br />
un thermomètre est un instrument<br />
valide permettant de mesurer la température<br />
d’un corps. Encore faut-il qu’il<br />
soit bien adapté et suffisamment précis<br />
(en psychométrie, on parle de fidélité,<br />
ou reliability en anglais). Il ne viendrait<br />
à l’idée de personne de mesurer la température<br />
au sommet du Mont-Blanc à<br />
l’aide d’un thermomètre médical,<br />
même si cette échelle est en principe<br />
valide. De même, un baromètre ultrasensible<br />
n’est pas très utile pour mesurer<br />
la température, car l’échelle de<br />
pression n’est pas valide dans ce cas.<br />
Ces exemples paraissent grossiers parce<br />
que nous avons une idée très précise<br />
des concepts en jeu. En psychologie,<br />
tout devient beaucoup plus flou. Les<br />
échelles de QI, par exemple, prétendent<br />
mesurer l’intelligence, mais on ne sait