PSC 6-01 - FSP
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P s y c h o s c o p e 6 / 2 0 0 1 32/33<br />
Ce sont les rats qui<br />
ont tout gâché<br />
Après avoir étudié la<br />
psychologie, le Bernois<br />
Peter Abelin, 55 ans, a<br />
travaillé comme journaliste<br />
jusqu’il y a trois ans.<br />
La réaction des gens est<br />
toujours pareille : « Oh là<br />
là ! Il faut que je fasse<br />
attention à ce que je<br />
dis. » Aujourd’hui, il est<br />
porte-parole de la police<br />
cantonale bernoise.<br />
Faire des études, c’est un conseil qu’il<br />
donnerait à tout aspirant journaliste, ne<br />
serait-ce que pour opposer une profondeur<br />
de connaissances à la superficialité<br />
du journalisme. Quant à savoir s’il<br />
recommanderait forcément la psychologie,<br />
Peter Abelin n’en est pas très sûr :<br />
«L’économie serait probablement plus<br />
utile dans ce métier. »<br />
Lui-même s’est retrouvé un peu par<br />
hasard à l’Institut de psychologie de<br />
l’Université de Berne qui, à l’époque,<br />
était dirigé par Richard Meili. Fils de<br />
médecin et frère de deux étudiants en<br />
médecine, son chemin paraissait tout<br />
tracé. Mais la médecine ne lui disait<br />
rien. Lors de la procédure d’élimination<br />
chez le conseiller en orientation professionnelle,<br />
il ne resta donc finalement<br />
que la psychologie.<br />
Top-jobs pour<br />
les psychologues<br />
Peter Abelin,<br />
porte-parole de la police<br />
cantonale bernoise<br />
Peter Abelin trouva ces études « plutôt<br />
décevantes ». Au lieu d’apprendre à<br />
mieux connaître l’être humain, il devait<br />
potasser des statistiques et reconstituer<br />
le schéma de réaction des rats à divers<br />
stimuli. De sa période estudiantine, il<br />
garde surtout le souvenir des fêtes privées<br />
organisées chez les Meili.<br />
Son travail de licence, il l’a rédigé sous<br />
la supervision du psychologue social<br />
Mario von Cranach. « L’influence du<br />
système de valeurs sur le traitement de<br />
l’information, à l’exemple de l’interruption<br />
de grossesse »: tel fut le thème<br />
de sa thèse en 1976. « Les discussions<br />
importantes ne peuvent pas avoir lieu,<br />
parce que les gens orientent leurs pensées<br />
différemment en raison de leur<br />
mentalité », résume Peter Abelin. Ce<br />
constat lui a rendu service plus tard.<br />
«Comme journaliste, je ne dois pas<br />
chercher les informations qui sont<br />
importantes pour moi, mais celles qui<br />
le sont pour mon informateur. En<br />
d’autres termes, je dois pouvoir changer<br />
de perspective, comprendre les<br />
mécanismes psychologiques et les systèmes<br />
de valeurs qui se cachent derrière<br />
les déclarations de mes vis-à-vis. »<br />
Peter Abelin ne pense toutefois pas que<br />
les études en psychologie l’ont particulièrement<br />
bien préparé à exercer son<br />
activité de professionnel de l’information.<br />
Il lui vient néanmoins à l’esprit<br />
toute une série de compétences psychologiques<br />
qui sont utiles pour un journaliste<br />
: curiosité, capacité d’écouter une<br />
personne en s’effaçant soi-même, aptitude<br />
à générer un intérêt positif et de la<br />
sympathie chez un interlocuteur, ou à le<br />
prendre tel qu’il est dans le cas d’une<br />
antipathie réciproque.<br />
Avec ces principes de tolérance et<br />
d’empathie, n’aurait-il pas fait un bon<br />
psychothérapeute ? « Je pense que oui.<br />
Mais j’ai toujours été plus intéressé par<br />
la perspective sociale que par celle de<br />
l’individu. Dans le train, par exemple,<br />
je préfère lire le journal plutôt qu’écouter<br />
mon voisin me raconter sa vie. » Il<br />
ne connaît pas le scepticisme de l’intellectuel<br />
par rapport aux pages sportives<br />
:s’il pratique le sport modérément,<br />
il en est un spectateur passionné. L’an<br />
dernier, il était à Sydney pour suivre les<br />
Jeux olympiques et cette année, il a<br />
passé ses vacances de « touriste<br />
sportif » aux tournois du grand chelem<br />
de Roland-Garros et de Wimbledon.<br />
Au centre<br />
Après la fin de ses études, Peter Abelin<br />
s’est engagé plusieurs années durant<br />
dans le groupe médias de l’Association<br />
bernoise des psychologues. C’est à<br />
l’initiative de ce groupe que le quoti-<br />
dien Berner Zeitung (BZ) a commencé<br />
à publier régulièrement sa page psychologique.<br />
Cependant, M. Abelin ne s’est<br />
jamais forgé une identité de psychologue<br />
professionnel. Il a plutôt poursuivi<br />
une carrière de rédacteur, entamée<br />
durant ses études.<br />
Après de brefs passages<br />
dans différents<br />
journaux bernois,<br />
il a travaillé<br />
pendant 15 ans<br />
comme chef de la<br />
rubrique locale à la<br />
BZ. « Je suis une<br />
personne ennuyeuse<br />
», dit-il en riant.<br />
« Tant qu’aucun<br />
changement ne<br />
s’impose, je ne vois<br />
aucune raison de<br />
modifier quoi que<br />
ce soit. »<br />
Cette constance<br />
professionnelle, il<br />
l’a rompue il y a trois ans. Son corps<br />
lui ayant envoyé des signaux végétatifs<br />
de ras-le-bol, il a brigué et obtenu le<br />
poste de porte-parole de la Police cantonale<br />
bernoise. « Si on est un mordu<br />
du journalisme, le journalisme finit par<br />
vous bouffer. Si on n’est pas mordu, on<br />
n’est pas un bon journaliste », déclare<br />
cet homme abonné à six quotidiens et à<br />
divers hebdomadaires.<br />
Le changement de front n’a pas été<br />
particulièrement difficile pour lui.<br />
Politiquement, il est tout à fait compatible<br />
avec la police. « Depuis des<br />
décennies, je me situe au centre…<br />
Sympathie pour la gauche et compréhension<br />
pour la droite. » Le reproche<br />
potentiel de retenir l’information et la<br />
perte d’influence sur la scène politique<br />
bernoise ne lui pèsent pas non plus.<br />
«Certes, je dois rester beaucoup plus<br />
dans l’ombre maintenant, mais je<br />
n’éprouve aucune peine à le faire. Je<br />
n’aime pas les feux de la rampe », souligne-t-il.<br />
Quelles sont d’après lui les<br />
trois caractéristiques qui le décrivent le<br />
mieux ? « La tolérance, le contentement<br />
de soi, la constance. »<br />
Markus Theunert