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PSC 10-08 - FSP

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36<br />

PANORAMA<br />

PSYCHOSCOPE <strong>10</strong>/20<strong>08</strong><br />

A l’occasion de la sortie de son dernier livre consacré au<br />

non-jugement, Yves-Alexandre Thalmann, psychologue<br />

<strong>FSP</strong>, a accepté de répondre à quelques questions pour<br />

Psychoscope.<br />

Pourquoi avoir écrit un livre sur le non-jugement<br />

?<br />

J’ai publié en 2005 un livre sur les<br />

sentiments de culpabilité qui m’a valu<br />

de nombreux feedbacks positifs, notamment<br />

de la part de psychothérapeutes.<br />

Aujourd’hui encore, je reçois<br />

régulièrement des témoignages<br />

de lecteurs affirmant que cet ouvrage<br />

les a beaucoup aidés. J’ai donc décidé<br />

d’aborder cette thématique sous<br />

un autre angle: comme la culpabilité<br />

est le sentiment de celui qui se juge<br />

coupable, le non-jugement est devenu<br />

central dans ma réflexion. De plus,<br />

les formations à la consultation psychologique<br />

insistent sur l’attitude de<br />

non-jugement, mais le pourquoi et le<br />

comment ne sont habituellement pas<br />

approfondis.<br />

Que dites-vous dans ce livre qui pourrait<br />

intéresser les lecteurs de Psychoscope ?<br />

Je commence par analyser ce qui différencie<br />

une simple catégorisation<br />

(ceci est un chat) d’un jugement (ce<br />

chat est beau), à savoir la subjectivité.<br />

Puis, je démontre que cette subjectivité<br />

rend les jugements impropres<br />

à la communication, car ils ne permettent<br />

pas aux interlocuteurs de se<br />

comprendre. Lorsque je dis: «Ces vacances<br />

ne sont pas chères !», vous ne<br />

pouvez pas savoir combien elles coûtent,<br />

car le mot cher prend un sens<br />

différent pour chacun. En fait, les jugements<br />

en disent beaucoup plus sur<br />

celui qui les émet que sur leur objet,<br />

phénomène parfois appelé «effet femme<br />

enceinte». Vous avez sans doute<br />

remarqué que les femmes enceintes<br />

et celles qui souhaitent le devenir<br />

sont expertes pour repérer les autres<br />

femmes enceintes dans les lieux publics.<br />

En d’autres termes, nous sommes<br />

particulièrement à l’affût chez<br />

les autres de ce qui réveille un aspect<br />

sensible chez nous. D’où l’intérêt<br />

à s’interroger honnêtement sur soi<br />

lorsque l’on a envie de juger autrui.<br />

L’autre point important que je développe<br />

dans le livre concerne les<br />

conséquences des jugements, qui<br />

sont à mon avis néfastes, et pour les<br />

relations que l’on entretient avec les<br />

autres, et pour soi-même.<br />

Comment en arrivez-vous à cette conclusion<br />

?<br />

En fait, tout jugement crée un rapport<br />

de force entre les interlocuteurs.<br />

Celui qui juge s’octroie le pouvoir<br />

d’imposer son point de vue, de même<br />

qu’il s’attribue des compétences sur<br />

le sujet. Prenons un exemple: si je décrète<br />

qu’un livre est bon, je ne suis<br />

pas seulement en train de dire que je<br />

l’ai apprécié, mais j’affirme qu’il est<br />

bon en toute objectivité. Autrement<br />

dit, je dispose des critères de qualité<br />

en littérature. Ce jugement peut se<br />

traduire par: «Moi, je sais ce qu’est un<br />

bon livre !», d’où le rapport de force<br />

qui émerge. Les interlocuteurs n’ont<br />

plus qu’à se soumettre et acquiescer<br />

(«Oui, tu as raison.»), ou alors à se rebeller.<br />

Les deux façons habituelles de<br />

contester un jugement sont la défense<br />

(«Non, tu ne peux pas dire ça: j’ai<br />

lu un critique qui disait l’inverse.») et<br />

la contre-attaque («Ce n’est pas avec<br />

les notes en littérature que tu avais à<br />

l’époque que tu peux te prétendre expert<br />

en la matière !»). Soumission,<br />

défense, contre-attaque: vocabulaire<br />

de conflit, qui ne va pas favoriser des<br />

communications respectueuses et<br />

constructives. Quant aux jugements<br />

que nous nous adressons à nous-mêmes,<br />

ils nous piègent dans des étiquettes<br />

immuables, ce qui freine notre<br />

potentiel de changement. Si je me<br />

considère comme timide, je vais me<br />

comporter comme quelqu’un de timide…<br />

Et que faites-vous des jugements positifs ?<br />

Aussi bizarre que cela puisse paraître,<br />

la teneur du jugement ne change pas<br />

grand-chose. Ce qui m’amène à penser<br />

cela, c’est le malaise qu’éprouvent<br />

assez fréquemment les personnes qui<br />

reçoivent un compliment. Pourquoi<br />

cette tendance à minimiser le compliment<br />

? C’est que le rapport de force<br />

émerge tout de même ! Par exemple,<br />

si vous me dites que mon livre est<br />

bien, cela signifie que vous savez ce<br />

qu’est un libre bien, que vous avez les<br />

compétences nécessaires pour évaluer<br />

mon travail. Je préfère de loin entendre<br />

que ce livre vous a plu.<br />

Pourquoi jugeons-nous autant, d’après<br />

vous ?<br />

Pour nous rassurer ! N’oublions pas<br />

que les jugements sont par nature<br />

réducteurs et fallacieux: ils réduisent<br />

une personne ou une chose à<br />

une seule de ses caractéristiques, de<br />

même qu’ils extrapolent le cas particulier<br />

pour en faire une règle générale.<br />

But de l’opération: permettre de<br />

prédire le futur, donc rendre le monde<br />

moins incertain, moins inquiétant.<br />

Par exemple, si je sais qu’une ville a<br />

la réputation d’être dangereuse, j’évite<br />

de m’y rendre. Ou si j’apprends que<br />

mon futur patron est exigeant, je vais

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