Inhaltsverzeichnis/Table des matières - Dr. Dieter Winkler Verlag
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L’année 82 ou la fin de l’état de grâce. Le désenchantement<br />
du monarque et le commencement de la politique<br />
JEAN MONDOT<br />
Robert Mandrou, dans son ouvrage bien connu, l’Europe absolutiste, réserve une<br />
place spécifique à la variante danubienne du <strong>des</strong>potisme éclairé. Selon lui,<br />
« L’Europe danubienne reste fidèle en profondeur à une conception du monde,<br />
de la société humaine et divine qui ne doit rien aux Lumières et qui contribue<br />
pleinement à maintenir en l’état les relations essentielles hors de toute perspective<br />
d’innovation et de transformation. 1 »<br />
Ce jugement ne laisse pas d’étonner dans son unilatéralité. Il présente une<br />
vision très statique d’une Europe centrale immuable et comme inaccessible aux<br />
changements venus de l’Ouest. Or cette vision perd de sa pertinence à mesure<br />
que l’on se rapproche de la fin du siècle.<br />
Un événement considérable par son retentissement va être le signe de<br />
cette mutation en profondeur. Il se produit au début de la décennie joséphiste et<br />
va contribuer à marquer une césure dans l’évolution politique et dans la conscience<br />
politique du temps. Il s’agit de la visite à Vienne du pape Pie VI et du fameux<br />
« flot de brochures » qui l’accompagne.<br />
L’événement sous son double aspect, politique et médiatique, a déjà été<br />
bien étudié 2 , mais il a paru intéressant de revenir sur certains textes et certains<br />
termes et de revisiter ainsi ce véritable séisme qui marqua l’opinion publique<br />
viennoise. Il distingue la décennie joséphiste 3 de l’époque précédente, symbolise<br />
la rupture avec la période thérésienne au-delà de toutes les continuités que<br />
l’historiographie n’a pas manqué de retrouver. Il est riche encore de toutes les<br />
potentialités joséphistes y compris de celles qui ne purent se réaliser. Il a la force<br />
et la séduction <strong>des</strong> commencements. C’est ce qui faisait dire à Pezzl dans son<br />
1 Robert MANDROU, L’Europe « absolutiste ». Raison et raison d’Etat 1649-1775. Paris, 1977,<br />
261.(Publié d’abord dans sa version allemande : Staasträson und Vernunft, Frankfurt/M. 1976)<br />
2 Voir parmi d’autres François FEJTÖ, Joseph II, un Habsbourg révolutionnaire. Paris 1953 et<br />
1982, 250-263 ; Eduard WINTER, Der Josefinismus. Die Geschichte <strong>des</strong> österreichischen Reformkatholizismus,<br />
1740-1848. Berlin 1962 ; Leslie BODI, Tauwetter in Wien. Frankfurt am<br />
Main 1977 ; Hans MAGENSCHAB, Joseph II. Revolutionär von Gottes Gnaden. Graz 1979, 215-<br />
220 ; Karl GUTKAS, Kaiser Joseph II. Eine Biographie. Wien/Darmstadt 1989, 294-302 ; voir<br />
aussi T.C.W. BLANNING, Joseph II (Profiles in Power). London 1994, 92-101.<br />
3 On peut tenter de définir l’esprit de cette décennie, voir ma contribution : Jean MONDOT, Als<br />
Joseph regierte und Mozart dirigierte – der Geist eines Jahrzehntes. In : Helmut REINALTER<br />
(Hg.), Mozart und die geheimen Gesellschaften seiner Zeit. Innsbruck 2006, 15-30.