09.11.2015 Views

AGRICULTURES

revue-progressiste-nc2b081

revue-progressiste-nc2b081

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

12<br />

DOSSIER <strong>AGRICULTURES</strong><br />

s<br />

fondée sur les modèles de fonctionnement<br />

des écosystèmes, qui permettrait<br />

d’obtenir des rendements<br />

analogues à ceux obtenus par l’agriculture<br />

« conventionnelle », avec les<br />

avantages de l’agriculture biologique<br />

– sans engrais chimiques ni pesticides,<br />

mais avec recours à des variétés<br />

naturellement résistantes aux<br />

maladies, et élevage en plein air fondé<br />

sur une alimentation du cheptel d’origine<br />

locale. En outre, cette agriculture<br />

se fonde sur une diminution de<br />

la taille des parcelles et un accroissement<br />

de la biodiversité de l’espace<br />

rural, en pratiquant des assolements<br />

comptant un plus grand nombre<br />

d’espèces cultivées simultanément.<br />

Ce type d’agriculture imposerait des<br />

bouleversements socio-économiques,<br />

car il implique l’existence d’exploitations<br />

plus nombreuses et de plus<br />

faible taille que celles de l’agriculture<br />

« conventionnelle », une plus<br />

grande attention et une expertise<br />

supérieure dans le suivi des cultures<br />

ou des animaux d’élevage, donc un<br />

personnel plus nombreux et plus<br />

qualifié que celui que comptent de<br />

nos jours les exploitations agricoles.<br />

Cela mettrait aussi un terme à la<br />

« désertification » des campagnes et<br />

créerait de nombreux emplois en des<br />

temps où ils font tant défaut…<br />

Toutefois, le développement rapide<br />

d’une telle agriculture et son extension<br />

à l’ensemble du monde, bien<br />

qu’il soit garant d’une durabilité de<br />

la production agricole, ne permettra<br />

en aucun cas, dans le long terme,<br />

d’assurer la sécurité alimentaire mondiale<br />

si l’effectif total de l’humanité<br />

ne se stabilise pas rapidement au<br />

cours du présent siècle.<br />

*FRANÇOIS RAMADE est professeur<br />

émérite d’écologie à la faculté des sciences<br />

d’Orsay, université de Paris-Sud XI.<br />

À LIRE : François Ramade, Un monde sans<br />

famine? Vers une agriculture durable, Dunod,<br />

coll. « Université-Sciences », 2014, 332 p.<br />

ÉCRIVEZ-NOUS À<br />

progressistes@pcf.fr<br />

NOURRIR L’HUMANITÉ<br />

OU ACCEPTER L’ULTRALIBÉRALISME :<br />

L’HEURE DES CHOIX<br />

Depuis le début des années 2000, l’agriculture subit une nouvelle financiarisation<br />

: arrivée massive de capitaux extérieurs au monde agricole, développement<br />

des spéculations financières sur le prix des matières premières,<br />

accaparement à grande échelle de terres par des investisseurs privés…<br />

La finance mondialisée fait de l’agriculture et de l’alimentation des objets de<br />

profits, avec de graves retombées.<br />

Dans les pays<br />

pauvres ou<br />

émergents, les<br />

terrains agricoles<br />

sont accaparés<br />

par les grands<br />

groupes étrangers,<br />

chassant parfois<br />

avec violence les<br />

paysans locaux,<br />

avec la complicité<br />

de leur<br />

gouvernement.<br />

Les productions<br />

sont ensuite<br />

exportées,<br />

achevant la<br />

dépossession<br />

des populations<br />

locales.<br />

PAR AURÉLIE TROUVÉ*,<br />

L’ACCAPAREMENT DES TERRES<br />

Certes, dans l’histoire, les paysans<br />

ont souvent été privés de leurs terres.<br />

Soumis à la colonisation ou à la collectivisation,<br />

ils en ont été dépossédés<br />

dans de nombreux pays. Or la<br />

situation prend un nouveau tournant,<br />

avec un accaparement des<br />

terres à très grande échelle depuis<br />

quelques années. Il s’agit d’abord de<br />

fonds souverains appartenant à des<br />

pays qui ont des liquidités monétaires<br />

importantes, comme l’Arabie<br />

saoudite. Ces pays achètent des surfaces<br />

immenses hors de leurs frontières<br />

pour faire fructifier leur argent,<br />

ou encore pour sécuriser leur approvisionnement<br />

alimentaire, ou énergétique<br />

par la culture d’agrocarburants<br />

; il s’agit aussi de grands<br />

entrepreneurs et de fonds financiers<br />

profitant de la hausse des prix alimentaires<br />

et de la demande en agrocarburants<br />

pour investir dans les<br />

terres. Les rendements financiers,<br />

véritable objectif de cet accaparement<br />

des terres, peuvent alors facilement<br />

atteindre 10 à 20 % 1 .<br />

Olivier De Schutter, rapporteur des<br />

Nations unies pour le droit à l’alimentation,<br />

estime qu’en trois ans<br />

seulement (de 2006 à 2009) 15 à 20 millions<br />

d’hectares ont été accaparés<br />

de cette façon, soit l’équivalent de<br />

la surface agricole de la France. Les<br />

pays touchés sont avant tout pauvres<br />

ou émergents, en Afrique subsaharienne,<br />

mais aussi en Asie, en<br />

Amérique latine et en Europe de l’Est.<br />

Leurs gouvernements recherchent<br />

de l’argent frais, et se rendent ainsi<br />

complices de cette nouvelle occupation<br />

des terres.<br />

Que se passe-t-il quand les grands<br />

investisseurs mettent la main sur ces<br />

terres ? Pour maximiser les rendements<br />

financiers, il faut que les loyers,<br />

les impôts fonciers versés et la redistribution<br />

des gains vers l’État et la<br />

population locale soient les plus faibles<br />

possibles. Les habitants y gagnent<br />

donc peu. Et surtout cet accaparement<br />

est une lourde menace pour<br />

leur sécurité alimentaire : les productions<br />

sont essentiellement dirigées<br />

vers les exportations, et non<br />

vers les populations locales. Les paysans<br />

sont souvent chassés de leurs<br />

terres ancestrales, car ils ne disposent<br />

que de titres de propriété informels.<br />

Enfin, en cas de résistance, les<br />

nouveaux propriétaires ou les États<br />

n’hésitent pas à utiliser la violence<br />

physique.<br />

Les paysans chassés sont alors obligés<br />

de travailler dans ces méga -<br />

exploitations, dans des conditions<br />

en général très dures, sans droits<br />

sociaux et pour des salaires de misère.<br />

Quant à ceux qui réussissent à sauvegarder<br />

des lopins de terre, ils risquent<br />

de subir le détournement des<br />

eaux souterraines, leur pollution et<br />

Progressistes AVRIL-MAI-JUIN 2015

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!