AGRICULTURES
revue-progressiste-nc2b081
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sité due à la fonte des effectifs douaniers,<br />
des contrôles vétérinaires insuffisants<br />
et la démoralisation des services<br />
supposés contrôler –<br />
numériquement – des indications<br />
vagues, voire inexactes, y ont contribué.<br />
Qui sait que seul 0,01 % des produits<br />
sont vérifiés par les douanes à<br />
leur entrée sur le territoire européen,<br />
qui ne protège guère son agriculture<br />
?<br />
VERS UN « CHEVALGATE »?<br />
Le cheval n’est pas une mauvaise<br />
viande, au contraire, mais peut le<br />
devenir par son origine, parfois douteuse,<br />
ou du fait d’une tricherie dans<br />
la fixation de sa provenance : retraite<br />
paisible ou abattage, racheté à 10 €<br />
pièce aux États-Unis ou ailleurs (avec,<br />
par exemple, présence de phénylbutazone,<br />
antidouleur interdit dans<br />
la chaîne alimentaire humaine). Le<br />
risque d’un « Chevalgate » international<br />
est permanent, alors que d’anciens<br />
scandales sont dans les<br />
mémoires : vache folle, farines animales<br />
(de retour depuis 2013) pour<br />
nourrir poissons et crevettes.<br />
La profession déplore la baisse continue<br />
en France de consommation de<br />
morceaux dits « nobles » en viande<br />
fraîche au profit de steaks hachés,<br />
moins chers, de composition multiple.<br />
Il y a aussi du porc dans le<br />
bœuf… à l’occasion de cette guerre<br />
des prix, sans police économique<br />
effective.<br />
QUALITÉ OU TRAÇABILITÉ?<br />
La Commission européenne n’a pas<br />
dit que les provenances diverses dans<br />
le matériau usiné rendent difficile<br />
l’identification. En revanche, elle s’est<br />
émue du souhait des consommateurs<br />
d’une traçabilité, un peu plus<br />
chère, mais n’a rien dit quant au<br />
Après les<br />
scandales des<br />
vaches folles, des<br />
farines animales<br />
(réautorisées) et<br />
des antibiotiques,<br />
la menace d’un<br />
«chevalgate»<br />
plane, tant est<br />
mal encadrée et<br />
contrôlée l’origine<br />
de cette viande.<br />
niveau des salaires et revenus qui<br />
expliquent les choix alimentaires d’un<br />
grand nombre, selon la logique du<br />
prix le plus bas. Ne faut-il pas nourrir<br />
le travailleur peu payé ou précarisé<br />
tout en maintenant la profitabilité<br />
pour les grands distributeurs ?<br />
Face à une industrie de la viande<br />
mondialisée, deux ans pour accéder<br />
à une forme d’étiquetage CEE des<br />
viandes transformées est-ce suffisant<br />
pour rassurer et éliminer les<br />
risques réels de trafics ? La frontière<br />
entre la tromperie sur la marchandise,<br />
ayant généré des bénéfices de<br />
l’ordre de 1 000 %, et un mode de<br />
production intensif qui fait appel à<br />
l’« autocontrôle », tant qu’il n’y a pas<br />
de drame sanitaire avéré, semble<br />
assez mince au vu de récidives<br />
récentes.<br />
“<br />
Qui sait que seul 0,01 % des produits<br />
sont vérifiés par les douanes à leur entrée sur<br />
le territoire européen, qui ne protège guère<br />
son agriculture ?<br />
“<br />
D’autres facteurs menacent les productions<br />
de qualité, lesquelles pourraient<br />
néanmoins faire la différence.<br />
Parmi ces facteurs, signalons surtout<br />
le dumping social et ses conséquences<br />
sur le prix et la qualité du<br />
bœuf et du porc : par application de<br />
la loi du pays d’origine, des salariés<br />
Dans toute la France, c’est avec<br />
beaucoup de fierté et de passion que<br />
des éleveurs protègent et développent<br />
les espèces bovines de notre pays.<br />
Ici : départ de blondes d’Aquitaine<br />
pour le Salon de l’agriculture de Paris.<br />
roumains, polonais ou autres travaillent<br />
dans les élevages industriels<br />
intensifs d’Allemagne pour 7 €<br />
l’heure. En même temps, les terres<br />
roumaines sont rachetées par des<br />
financiers collectant des subventions<br />
pour le « bio », spoliant les<br />
petites exploitations familiales.<br />
“<br />
La Commission<br />
européenne s’est émue du<br />
souhait des consommateurs<br />
d’une traçabilité, un peu plus<br />
chère, mais n’a rien dit quant<br />
au niveau des salaires et<br />
revenus qui expliquent les<br />
choix alimentaires d’un grand<br />
nombre, selon la logique<br />
du prix le plus bas.<br />
La dérégulation de la production de<br />
lait va aussi aggraver les risques pour<br />
notre filière bovine dans une flambée<br />
de concurrences déloyales, au<br />
détriment des veaux, dont le sort<br />
n’est guère enviable.<br />
La perspective d’un traité transatlantique<br />
[voir article « Les agriculteurs<br />
de montagnes dans l’étau libéral<br />
»] et de la subséquente arrivée<br />
massive de viandes provenant des<br />
États-Unis – de 300 000 à 600 000 t<br />
issues de bêtes nourries dans des<br />
stalles sans herbe, les feedlots (« parcs<br />
d’engraissement »), hormones et<br />
antibiotiques à la clef – est inquiétante.<br />
Les citoyens doivent se préoccuper<br />
du TAFTA [voir Progressistes n o 6]<br />
pour défendre leur souveraineté alimentaire…<br />
et leurs paysages. n<br />
*ANNE RIVIÈRE est juriste<br />
“<br />
AVRIL-MAI-JUIN 2015 Progressistes