AGRICULTURES
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DOSSIER <strong>AGRICULTURES</strong><br />
s<br />
aujourd’hui être accompagnée pour<br />
permettre une évolution respectueuse<br />
de l’environnement.<br />
Nous ne pouvons que nous féliciter<br />
de la relaxe de ce viticulteur<br />
bourguignon poursuivi pour avoir<br />
refusé le recours systématique aux<br />
insecticides. Alors que depuis plus<br />
de vingt ans les traitements insecticides<br />
systématiques n’ont pas fait<br />
reculer la cicadelle ni la flavescente<br />
dorée, il faut encourager la<br />
recherche, les expérimentations<br />
individuelles et collectives, favoriser<br />
d’autres voies.<br />
Comme dans d’autres secteurs, les<br />
pouvoirs publics doivent accompagner<br />
la viticulture paysanne, seule<br />
à même d’apporter satisfaction à<br />
une population toujours plus regardante.<br />
Si cette dernière a fortement<br />
réduit sa consommation en volume,<br />
elle devient plus exigeante sur la<br />
LA VIGNE<br />
ET LA FILIÈRE<br />
VITIVINICOLE EN<br />
FRANCE, C’EST<br />
558000<br />
emplois directs<br />
et indirects<br />
7,6 Md€<br />
d’exportations<br />
16% de la<br />
production de vins<br />
de la planète<br />
qualité et les questions environnementales<br />
comme sur son rapport<br />
avec le viticulteur.<br />
L’INDUSTRIALISATION CONTRE<br />
L’URGENCE CLIMATIQUE<br />
Quel que soit le bassin, les « petits »<br />
viticulteurs participent au développement<br />
local (routes du vin, événements<br />
festifs, caves ouvertes…). À<br />
l’inverse, une industrialisation du<br />
secteur détruira ce dynamisme, uniformisera<br />
le vin, fera disparaître de<br />
nombreux cépages de nos territoires<br />
et de notre patrimoine agricole alors<br />
même que devant de l’urgence climatique,<br />
il est au contraire urgent<br />
de rechercher les mieux adaptés.<br />
L’industrialisation s’inscrit dans une<br />
logique opposée à celle de la recherche<br />
du bon vin, issu de la volonté d’équilibre<br />
entre sol, climats et cépages:son<br />
seul but est en effet de répondre à<br />
une logique de rentabilité financière.<br />
Cela ne peut se traduire que par une<br />
alternative inadmissible : ou baisse<br />
du coût de production ou mise au<br />
point de produits de luxe réservés à<br />
une élite.<br />
En ce moment, les viticulteurs s’activent<br />
sur leurs parcelles pour produire<br />
les meilleurs raisins possibles ;<br />
ils regardent le ciel, craignant pluviométrie<br />
trop importante et grêle…<br />
Alors, poser la question de l’avenir<br />
de l’agriculture, c’est poser celle d’un<br />
modèle de production qui garantisse<br />
une juste rémunération du travail et<br />
la réalisation d’un produit de qualité<br />
pour garantir sa préservation.<br />
Souvenons-nous que deficiente vino,<br />
deficit omne (« si le vin manque, il<br />
manque tout »). n<br />
*CÉCILE CUKIERMAN est sénatrice<br />
de la Loire.<br />
LES <strong>AGRICULTURES</strong> DE MONTAGNE DANS L’ÉTAU LIBÉRAL<br />
Fin des quotas laitiers, traités internationaux de libre-échange, dogme de la concurrence libre et non faussée…<br />
: en France, l’agriculture de montagne est menacée, et avec elle c’est tout un ensemble de modèles<br />
et d’aspirations alimentaires qui est piétiné.<br />
PAR JULIEN BRUGEROLLES*,<br />
L’agriculture en zone de montagne<br />
et de piémont en France présente<br />
de fortes spécificités. Terres d’élevage,<br />
ces espaces d’altitude font la<br />
part belle aux systèmes herbagers,<br />
puisque 8 exploitations sur 10 valorisent<br />
les prairies.<br />
L’orientation des productions est en<br />
revanche sensiblement différente en<br />
fonction des massifs : élevage laitier<br />
dominant pour le Jura, les Alpes du<br />
Nord, les Vosges ; élevage allaitant<br />
pour les Pyrénées, les Alpes du Sud,<br />
la Corse ; le Massif central formant<br />
un bassin allaitant important tout en<br />
conservant des productions laitières<br />
spécifiques. Surtout, ces zones se<br />
caractérisent par des structures de<br />
taille plus réduite que la moyenne<br />
nationale, malgré des systèmes d’élevage<br />
extensifs, un certain renouvellement<br />
générationnel, un cadre familial,<br />
une diminution moins rapide du<br />
nombre d’actifs agricoles qu’en zone<br />
de plaine, et une pluriactivité des<br />
exploitants importante en zone de<br />
haute montagne. Ces caractéristiques<br />
contribuent très souvent à faire de<br />
l’agriculture de montagne une vitrine<br />
de l’agriculture française, contribuant<br />
d’ailleurs très fortement aux volumes<br />
et à la diversité des produits sous<br />
signes de qualité et aux appellations<br />
d’origine (AOC-AOP, IGP).<br />
CONSÉQUENCES<br />
SUR L’ÉCONOMIE LAITIÈRE<br />
L’élevage de montagne, dans sa diversité,<br />
est aujourd’hui directement<br />
menacé par l’approfondissement<br />
des politiques d’ouverture des marchés,<br />
avec l’abandon par la politique<br />
agricole commune des derniers outils<br />
de gestion et d’intervention sur les<br />
volumes et les prix.<br />
On pense spécifiquement à la sortie<br />
des quotas laitiers, effective depuis<br />
le 1 er avril 2015 (voir article de Marie-<br />
Noëlle Bertrand). Ceux-ci assuraient,<br />
malgré des imperfections, une certaine<br />
équité de traitement dans les<br />
redistributions entre producteurs et<br />
une répartition des besoins en lait<br />
des industriels sur l’ensemble du territoire,<br />
protégeant la collecte laitière<br />
dans les zones défavorisées et de<br />
30%<br />
du lait de montagne<br />
est produit sous<br />
appellation. Une<br />
situation qui le<br />
fragilise fortement<br />
face aux politiques<br />
libérales : ces<br />
appellations ne<br />
garantiront pas<br />
forcément sa<br />
protection.<br />
montagne. Si le démantèlement des<br />
quotas laitiers contribue à accélérer<br />
la concentration territoriale de la<br />
production laitière, son impact risque<br />
d’être encore plus lourd pour les<br />
zones de montagne, qui ne pourront<br />
pas faire face, du fait de leurs<br />
contraintes spécifiques, à une mise<br />
en concurrence accrue et à une pression<br />
toujours plus forte à la baisse<br />
des prix d’achat.<br />
Bien entendu, la valorisation laitière<br />
de montagne par l’intermédiaire des<br />
productions sous AOP-IGP constitue<br />
Progressistes AVRIL-MAI-JUIN 2015