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AGRICULTURES

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21<br />

conférence de Hong Kong en décembre<br />

2005 admet la suppression totale<br />

des subventions aux exportations<br />

agricoles à l’échéance 2013, aucun<br />

compromis n’a pu être réalisé sur la<br />

réduction des droits de douane et<br />

des quotas d’importation, malgré<br />

d’importantes concessions faites en<br />

2008 par le négociateur européen,<br />

le Britannique Peter Mendelson.<br />

LE BOOMERANG<br />

DES CRISES ALIMENTAIRES<br />

ET DE L’ENVIRONNEMENT<br />

Dans le contexte de blocage des négociations<br />

agricoles à l’OMC, de volatilité<br />

accrue des prix mondiaux des<br />

produits agricoles, ayant conduit en<br />

2008 à des émeutes de la faim, et<br />

pour prendre en compte l’élargissement<br />

de l’Union européenne aux<br />

pays de l’Europe centrale et orientale<br />

(PECO), le commissaire européen<br />

à l’agriculture, le Roumain<br />

Dacian Ciolos, propose une réforme<br />

de la PAC pour la période 2013-2020.<br />

“<br />

La France ne consacrera que 20% de<br />

l’enveloppe nationale (au lieu des 30% que<br />

proposait le règlement européen) à la surprime<br />

permettant d’augmenter les aides aux petits<br />

agriculteurs, et ne la mettra que<br />

progressivement en application.<br />

Elle a pour objectif d’insérer durablement<br />

l’agriculture européenne<br />

dans les échanges internationaux.<br />

L’approvisionnement en produits<br />

alimentaires sur le marché mondial<br />

au prix le plus bas est définitivement<br />

acté. La question de la volatilité des<br />

prix agricoles est réglée par « un soutien<br />

renforcé en faveur des instruments<br />

d’assurance ». Aussi, la gestion<br />

Comme les<br />

Pays-Bas,<br />

chaque pays<br />

européen est<br />

dessiné par<br />

ses paysages<br />

agricoles.<br />

“<br />

des marchés agricoles sur laquelle<br />

reposait tout l’édifice de la PAC<br />

construite en 1962 est réduite à un<br />

simple filet de sécurité. La notion de<br />

« compétitivité durable » qu’emploie<br />

le commissaire traduit la contradiction<br />

qu’il y a à vouloir insérer l’agriculture<br />

dans une logique de régulation<br />

internationale par le marché,<br />

sous les auspices de l’OMC, et en<br />

même temps de vouloir assurer la<br />

sécurité alimentaire à long terme des<br />

Européens avec de petits producteurs<br />

contribuant aux équilibres territoriaux<br />

et environnementaux.<br />

Les propositions législatives qui résultent<br />

de ces orientations sont réduites<br />

à un cadre de distribution d’une enveloppe<br />

budgétaire (40 % du budget<br />

européen), sans aucune garantie sur<br />

sa pérennité. Ces aides doivent être<br />

mieux réparties entre pays membres<br />

et entre agriculteurs (20 % des agriculteurs<br />

européens se partagent 80 %<br />

des aides), encourager des pratiques<br />

agricoles bénéfiques pour le climat<br />

et l’environnement et favoriser<br />

l’installation de jeunes agriculteurs.<br />

Pour les plus libéraux, cette réforme<br />

entrave la compétitivité des<br />

agriculteurs européens sur le marché<br />

mondial.<br />

Au Parlement européen, le groupe<br />

de la Gauche unitaire européenne<br />

(GUE) propose quant à lui des<br />

amendements qui vont dans le sens<br />

d’une politique agricole plus juste :<br />

plafonnement significatif des aides ;<br />

convergence rapide et obligatoire<br />

des soutiens ; aide complémentaire<br />

aux petites fermes qui fournissent<br />

le plus d’emplois ; couplage maximum<br />

aux productions fragilisées,<br />

dont l’élevage ; obligation de rotations<br />

incluant des légumineuses ;<br />

soutien renforcé au développement<br />

rural, en excluant les subventions<br />

aux systèmes d’assurance privée. Ces<br />

amendements sont rejetés par la<br />

majorité de droite.<br />

QUI PROFITE DE LA RÉFORME<br />

DE LA PAC?<br />

Le règlement finalisant la réforme<br />

de la PAC pour l’après-2013 ne prévoit<br />

que de faibles contraintes pour<br />

bénéficier des aides environnementales<br />

(seuls 5 % des terres arables en<br />

surfaces d’intérêt écologique). La<br />

proposition de plafonnement des<br />

aides est abandonnée, et la réduction<br />

des aides aux plus gros agriculteurs<br />

ne devra pas diminuer leurs<br />

primes de plus de 30 %. Le budget<br />

de la PAC est réduit de 11,3 % sur la<br />

période 2014-2020 par rapport à la<br />

période 2007-2013.<br />

Le développement rural, qui permet<br />

de financer des actions environnementales<br />

et de développement économique<br />

des territoires ruraux, a été<br />

sacrifié sur l’autel des négociations<br />

budgétaires. Il continuera donc à ne<br />

représenter que 1/9 de l’enveloppe<br />

totale reçue par la France.<br />

L’application des quelques mesures<br />

positives qui ressortent de ce compromis<br />

(surprime aux premiers hectares,<br />

aides aux petits agriculteurs<br />

ou aux jeunes agriculteurs, définition<br />

de l’agriculteur actif à qui les<br />

aides sont réservées) est laissée à<br />

l’initiative des États membres. La<br />

France ne consacrera que 20 % de<br />

l’enveloppe nationale (au lieu des<br />

30 % que proposait le règlement européen)<br />

à la surprime permettant<br />

d’augmenter les aides aux petits agri -<br />

culteurs, et ne la mettra que progressivement<br />

en application.<br />

REPENSER LA PAC<br />

La PAC devrait d’abord répondre à<br />

la satisfaction des besoins alimentaires<br />

de la population, en assurant<br />

la souveraineté alimentaire des<br />

Européens tout en préservant les<br />

agricultures fragilisées des pays du<br />

Sud. Or les prix des produits agricoles<br />

soumis aux variations spéculatives<br />

des marchés mondiaux, entraînent<br />

la disparition massive<br />

d’exploitations et d’emplois sur les<br />

territoires, au profit de l’agrandissement<br />

et de la capitalisation.<br />

Les députés GUE au Parlement européen<br />

se battent pour le renforcement<br />

des mécanismes de régulation des<br />

marchés agricoles, pour une vraie<br />

politique agricole et alimentaire qui<br />

mette l’Union européenne à l’abri<br />

des fluctuations spéculatives sur le<br />

marché mondial, qui garantisse le<br />

revenu et l’outil de travail des petits<br />

paysans et qui favorise la transition<br />

vers une agriculture moins pro -<br />

ductiviste et plus respectueuse de<br />

l’environnement. n<br />

*JEAN-PIERRE BOINON est économiste,<br />

professeur émérite d’économie agricole à<br />

Agrosup Dijon.<br />

AVRIL-MAI-JUIN 2015 Progressistes

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